Caro grimace à chaque fois que je pose la compresse de désinfectant sur son genoux. Elle grogne et jure pour essayer de faire passer la douleur.

"Estime-toi heureuse tiens! Tu n'as que le genou esquinté, tu pourrais être morte!

_ Oh ça va, il était encore loin Marc, n'exagère pas...

_ HEIN? Tu te fous de moi j'espère! J'ai eu la peur de ma vie Caro, ce mec t'a tiré dessus. Et tu as eu assez peur pour tomber dans les escaliers. Alors ne fais pas la maligne!"

Elle se tait, je vois bien qu'elle a compris ma peur et elle a l'air d'avoir tout à coup un peu honte.

Nous déjeunons sur la table basse après qu'elle se soit reposée une bonne partie de la matinée. Elle a échappé de peu à l'homme sur ses talons. Je savais qu'elle n'aurait pas dû s'attarder sous terre à prendre un tas de photos. Je lui en veux d'avoir pris tant de risques, mais je culpabilise de ne pas l'avoir protégée d'avantage. Je connais pourtant son caractère un peu trop téméraire.

"Il faut absolument qu'on trouve à quoi sert cet endroit. me lance-t-elle après avoir englouti son yaourt.

_ On sait déjà qu'il existe pour stocker des données, et apparemment ils ne veulent pas qu'on trouve cet endroit.

_ On a qu'à regarder les photos que j'ai réussi à prendre, peut-être qu'on trouvera quelque chose d'intéressant..." dit-elle tout bas pour ne pas raviver ma colère.

Les photos n'apportent pas d'information supplémentaire...

"Hé regarde ça... On dirait que c'est qu'un papier de rien du tout mais si on zoome, on peut à peu près voir ce qu'il y a écrit.

_ Vas-y dis moi alors, ça parle de quoi ?

_ Mmmh, ça parle d'Alzheimer... Je crois que c'est un rapport scientifique... Il dit que l'âge moyen auquel on est le plus souvent atteint est passé de 65 ans dans les années 2020 à 50 ans aujourd'hui.

_ Quel rapport avec le dit centre ?

_ J'en sais rien... Alzheimer atteint directement la mémoire, peut-être qu'ils cherchent à préserver les connaissances des gens ?

_ Caro t'es un génie! dis-je en l'embrassant sur le front. Mais attend, pourquoi John ? Pourquoi Sophie ?

_ Alors là, aucune idée."

Le téléphone de Caro sonne et c'est Mireille qui nous invite à passer chez elle ce soir.

"Tu sais quoi ? Vas-y d'abord, je vais passer chez toi chercher des affaires ok ?

_ Alors je ne rentre plus chez moi c'est ça ? rigole-t-elle derrière moi. Tu me gardes en otage ?

_ Exactement ! Non sans rire, tu veux rentrer chez toi ? Je comprendrai. En plus tu bosses aussi demain.

_ Non, je pense que ça n'est pas une mauvaise idée que je reste une nuit de plus, je suis pas super rassurée."

J'aide Caro à aller jusqu'au portail de la chapelle pour qu'elle se rende chez Mireille et je file au globe 65 chercher quelques vêtements chez elle. Je ne m'attarde pas et descends chez Zaan pour voyager jusqu'au globe 22.

Sur mon téléphone, je suis le chemin que m'indique le GPS jusqu'à un immeuble en briques un peu sale.

C'est là.

Je sonne à l'interphone et Mireille m'ouvre vite, sans parler.

"Salut toi, ça va ? Tu as fais vite! me dit-elle quand je passe la porte.

_ J'ai pas traîné ouais. On fait aller et toi ?

_ Ça passe disons! Caro m'a raconté votre mésaventure... Plutôt mouvementée dis donc !

_ C'est rien de le dire oui ! On a eu la peur de notre vie je crois ! Et toi alors, tu as des informations ? je l'interroge en m'asseyant près de Caro sur le canapé.

_ J'ai fouillé dans les affaires de madame le procureur et j'ai trouvé une liste qui est plutôt intéressante à mon avis!"

C'est une liste de noms. Plusieurs on été ont été rayés...dont John et Sophie

"Quel est le point commun de tous ces gens ? demande Caro. C'est ça qu'il faut trouver, le dénominateur commun.

_ Et si c'était l'âge ?

_ Impossible... John avait...A 75 ans bien sonnés et ta maman à peine 60 non ?

_ Oui 61 cette année, elle est encore loin des 75."

Tous les trois réfléchissons sur le moyen de rassembler ces gens, de créer des connexions entre toutes ces inconnues. Je raisonne à haute voix pour tenter d'y voir plus clair :

"Réfléchissons. Il y a d'abord ce centre de stockage de données au fin fond de la forêt. Il y a aussi ce rapport qui explique que la maladie d'Alzheimer atteint majoritairement les personnes après 50 ans et plus après 65... Et enfin il y a cette liste de gens, dont deux personnes déjà disparues pour sûr.

_ J'ai vraiment l'impression que tout ça a un rapport. dit Mireille le regard fixé sur le tapis.

_ Si on y réfléchit, Alzheimer est vraiment le fléau de notre siècle. Aujourd'hui on ne meurt plus de rien mais notre esprit n'est plus sauvegardé aussi longtemps qu'avant.

_ A cause de quoi d'ailleurs ?

_ A cause principalement du manque de stimulation intellectuelle et d'exercice, d'une mauvaise alimentation, du stress ambiant aussi... Tous ces facteurs font que la maladie progresse de plus en plus. Et les soins pour les patients atteints d'Alzheimer sont tellement coûteux, c'est une veille de tous les instants. nous explique Caro d'un air grave.

_ C'est CA le facteur commun!

_ Quoi donc ?

_ On avait évoqué que les disparitions étaient peut-être liées au fait que le gouvernement ne veuille pas mettre autant d'argent dans la sauvegarde des plus âgées. Mais là tout s'explique! Ils enlèvent les gens au dessus de 50 ans, qui sont du coup beaucoup plus sujets à développer Alzheimer et donc à coûter à l'avenir beaucoup plus cher au gouvernement.

_ Mais oui, l'âge est donc bien le point commun de personnes présentes sur la liste. Ils doivent tous avoir 50 ans et plus. répliqua Mireille.

_ Alors le centre servirait d'incubateur pour extraire leurs connaissances avant de... Les faire disparaître ? lança Caro inquiète.

_ Je pense qu'en effet on doit pas être loin de cette idée, si ce n'est la vérité pure!"

Il faut que je rentre, j'ai besoin de faire le vide.

Après cette déferlante de révélations, j'ai besoin de me retrouver à la maison. Sauf que pour une fois, je n'ai pas envie de rentrer seul. Caro et moi prenons congé de Mireille après un dîner frugal et rentrons doucement à la maison.

Je lui fais couler un bain et l'incite à se reposer alors que son genoux envoie des douleurs lancinantes dans sa jambe gauche.

Je me prépare un thé bien chaud et m'assoie près de la baignoire pour rester près d'elle pendant qu'elle se relaxe.

"Tu pourras m'aider à ramener mes affaires chez moi demain ? J'en ai un peu trop pour y arriver seule je crois. me demande-t-elle les mains pleines de savon.

_ Non.

_ Hein ? Comment ça non ? Tu ne peux pas ?

_ Caro, je voudrais que tu viennes vivre avec moi."