Mireille

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L'alarme de mon téléphone retentit et je tâtonne sur la table basse pour l'éteindre.

Déjà?!

J'ai dormi à peine trois heures et au fond de moi une petite voix me dit que j'aurais mieux fait de ne pas me coucher du tout. J'ai l'impression que ma tête est prise dans un étau, je me rallonge quelques secondes sur l'oreiller pour reprendre mes esprits. Ma première pensée va à Caroline qui a dormi dans mon lit. Je m'assois sur le canapé enfoncé et replis le plaid derrière moi. Je prends le temps de m'étirer et de faire craquer mon dos endolori. Ce sofa n'est vraiment pas fait pour dormir dessus...

Je passe derrière le comptoir de ma cuisine américaine et enclenche la machine à café pour préparer une cafetière.

Elle voudra sûrement un peu de café.

Je me glisse doucement dans le couloir et passe la tête par la porte de la chambre ouverte. Elle n'est pas là.

J'entends la douche dans la salle de bains alors je me permets de rentrer dans ma chambre pour récupérer quelques affaires pour la journée. Si je traîne, je vais finir par être en retard.

Je tourne tellement au ralenti! Ma chemise est un peu froissée mais ça ira bien pour aujourd'hui, j'attrape également un pantalon de costume. Je ne sais même pas de quelles couleurs sont ces vêtements, j'espère ne pas faire de faute de goût. Cela dit, comme je travaille également au globe 64, personne ne le remarquera si c'est le cas. Je boutonne ma chemise en sortant de la chambre, mon pantalon encore ouvert. Caro me tape dedans en brossant ses cheveux et elle se met à rire mais je crois qu'elle est un peu gênée. Je file dans la cuisine et sors le pain de mie que j'ai acheté l'autre jour chez Zaan ainsi qu'un pot de confiture de myrtilles.

"Caro! Café ?

_ Ouaaaai! Avec plaisir!" me crie-t-elle du font du couloir.

C'est marrant, j'ai l'impression de revenir vingt ans en arrière. Elle n'était qu'une petite fille qu'elle s'époumonait déjà chez moi. Mes parents l'adoraient et l'invitaient à chaque occasion. Les parents de Caro n'ont pas été tendres. Ils l'ont délaissée si longtemps, qu'un matin ils se sont réveillés et n'ont pas reconnu leur fille. Ma famille l'a accueillie depuis l'école maternelle à chaque fois qu'elle le pouvait. Elle était présente aux anniversaires, aux mariages, aux fêtes de famille... Pour moi elle a toujours été comme la sœur que je n'ai pas eu. Avant hier soir, je n'ai jamais ressenti ce coup dans la poitrine en la voyant. L'idée qu'elle puisse être pour moi autre chose que la meilleure amie du monde vient à peine de m'effleurer.

Non mais je suis ridicule à me faire des films!

Je prends l'initiative de lui préparer deux tartines de confiture et lui sers une tasse de café fumant. 

"Toujours un demi-sucre et du lait dans ton café ?

_ Toujours! Tu te souviens de ça, c'est dingue!

_ Faut dire qu'on a pris le petit-déjeuner ensemble pendant tout notre lycée.

_ Merci, tu es un amour. murmure-t-elle en s'asseyant près de moi derrière le comptoir.

Nous déjeunons en quelques minutes, il n'y a pas de temps à perdre.

"Est-ce qu'on va voir Mireille ce soir ?

_ Tu ne la vois pas au journal ?

_ Si si, bien sûr. Je pensais juste qu'on pouvait y aller ensemble, comme c'est toi qui a connu John et a été témoin de sa disparition...

_ Ok ben je pense que je vais finir vers 18h, peut-être un peu avant. Je finis sur des visites clients.

_ Ça marche, je t'écris sur la chat quand je sors du journal. Je vais me caler sur toi. On aura qu'à aller boire un café tous les trois, je te préviens si jamais il y a un changement de programme.

_ Ton boulot, c'est au globe 64 ?

_ Non du tout, au globe 22. répond-elle jetant un coup d'œil à sa montre. D'ailleurs il faut vraiment que je file.

_ Moi aussi. Laisse la vaisselle dans l'évier, je la ferai ce soir."

Quelques minutes plus tard,je l'entends me souhaiter une bonne journée et claquer la porte d'entrée. Je récupère une veste dans la penderie du couloir et prends moi aussi le chemin du bureau.  Son parfum a embaumé tout le hall d'entrée, c'est si inhabituel d'avoir une femme chez moi.

Je m'habitue à la lumière blanche de l'extérieur. Je n'ai pas envie de vivre cette journée, et encore moins d'aller voir les clients.

Je m'accroche toute la journée à l'espoir de trouver des réponses auprès de Mireille. Je ne connais pas cette femme mais je l'imagine bien. Je pense qu'elle a peut-être la cinquantaine, brune et plutôt petite. Elle a sûrement les cheveux courts et un parfum un peu fort et boisé.
A la pause déjeuner je zieute mon téléphone en quête d'un message de Caro, mais rien. Elle n'a pas annulé l'entrevue de ce soir, et ne m'a pas non plus écrit pour une autre raison d'ailleurs.

Alors que je termine la visite chez un client et que celui-ci remplit le questionnaire de satisfaction, mon téléphone émet un bip qui me sort de ma torpeur.

ENFIN.

"J'ai fini! RDV au café juste en face du journal, globe 22. Ok ? On t'attend là-bas."

Je réponds vite en espérant que le client ne s'impatiente pas.

"J'arrive très vite. A tout à l'heure!"

Je me sens enfin délivré de terminer cette journée de boulot. Je repars satisfait de chez le client qui a répondu très consciencieusement aux questions. Je l'interpelle en sortant de chez lui:

"Excusez-moi, sauriez-vous m'indiquer le portail le plus proche d'ici ?

_ Bien sûr, il est juste au bout de la rue en face de vous. Dans le hall de la banque!

_ Ok super, merci monsieur. Et merci pour votre temps."

Je presse déjà le pas sur le trottoir qui commence à se recouvrir de petites tâches sombres. Il pleut de nouveau. Décidément ce mois de juillet va complètement à contre-courant!

Lorsque je sors de la banque au globe 22, je dois encore prendre le métro pour arriver jusqu'au café. J'ai fait ce chemin des dizaines de fois pour déjeuner avec Caro lorsqu'elle n'était encore que stagiaire dans cette rédaction, mes pieds avancent tout seuls.

"Mesdames!

_ Ah te voilà! Mireille, je te présente Marc, mon ami d'enfance. Marc, voici Mireille, ma collègue !

_ Enchantée Marc! glousse Mireille.

_ De même! Merci de m'avoir attendu les filles."

Mon regard ne quitte pas Mireille que je dévisage malgré moi. Je me suis complètement planté ! Elle doit avoir notre âge, elle est immense et porte de grosses lunettes carrées. Elle est brune, là dessus j'avais raison. Mais ses cheveux sont très longs et coiffés aujourd'hui en une tresse qui retombe sur son épaule. Après avoir commandé et fait un peu connaissance, Mireille me raconte la disparation de sa mère. Ce qu'elle me dépeint ressemble trait pour trait à l'évaporation de John.

"C'est incompréhensible cette histoire... dis-je plus pour moi que pour elles.

_ Franchement, vous ne croyez pas que c'est le gouvernement qui trafique ? nous demande tout bas Caro.

_ Mais pourquoi ils feraient ça ? Ils n'ont aucune raison valable. lui répondit Mireille du tac au tac.

_ C'est vrai que le système marche plutôt bien..."

Un long silence s'installe mais très vite, une idée noire germe dans mon esprit.

"Mais si... Il y a une raison. L'argent ?!

_ Sauvegarder la vie, ça coûte cher..." répliqua Caro en me regardant au fond des yeux.

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