Traqués ?

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Sur le chemin du retour, Caro ne dit pas un mot. Nous rentrons automatiquement chez elle, sans même réfléchir où nous mettons les pieds. Je ressasse dans ma tête les mots de la procureur qui continuent de sonner faux.

Une fois dans l'appartement je m'assois doucement sur le canapé, je crois que j'ai besoin de reprendre un peu mes esprits et d'organiser les idées qui fusent entre mes neurones. Les appartements de Caro sont toujours sans dessus dessous. Mon regard se glisse par la porte entrouverte de sa chambre, des vêtements jonchent le sol et le lit.

On a beau être amis depuis des années, je crois que je ne l'ai jamais vue en compagnie d'un homme. Et je ne l'ai jamais connue ordonnée non plus!

Elle dépose deux tasses de thé sur la table basse et vient s'asseoir près de moi en posant sa tête contre mon épaule. Je sens bien qu'elle a envie de dire quelque chose mais nous restons tous les deux silencieux. Je bois une gorgée de thé bruyamment, il est brûlant et ça me réchauffe à l'intérieur.

"Marc... On va quand même pas rester sans rien faire.

_ Que veux-tu faire ? Elle ment et j'ai l'impression qu'elle n'est pas la seule tu vois!

_ Elle avait l'air plus inquiète qu'en colère, c'est sûr. A quoi tu penses ?

_ Je pense qu'on nous cache des choses et que les gens sont bien trop excités par ce nouveau système pour les remarquer.

_ Qu'est-ce que tu suggères alors ? me demande-t-elle en buvant son thé les deux mains agrippées à sa tasse.

_ On devrait mener notre enquête. John ne peut pas s'être volatilisé. On ne détruit pas quelqu'un comme ça voyons!"

Je m'emporte en réalisant que celui qui a été comme un père pour moi a disparu et qu'il n'y a peut-être pour lui aucune solution de retour.

"Tu sais quoi? Je vais aller chez John et récupérer sa carte.

_ Ça va servir à quoi ?

_ Tu sais que tu es traquée pas vrai ?

_ Hein ? Traquée, moi ?

_ A chaque fois que tu passes ta carte dans un portail pour voyager entre les différents globes, ça pointe, en quelques sortes. Ils savent toujours où tu vas, on est fliqués !

_ Ça commence à ne pas beaucoup me plaire tout ça... Donc si tu récupères la carte de John, ils croiront que c'est lui qui bouge, et pas toi. Bien vu!
Tu sais, je pense qu'on devrait aller voir Mireille. Elle est concernée par le problème, et puis elle bosse aux relations publiques. Ça peut aider non ?

_ C'est un point de départ ouai..."

Je ne suis pas certain que rencontrer cette Mireille nous donnera des réponses mais je n'ai pas d'autres idées pour l'instant. Juste cette sensation désagréable de me faire duper en beauté.

"Je file, merci pour le thé.

_ Tu ne veux pas rester encore un peu ?

_ Je suis vraiment crevé Caro, et en plus j'ai une journée de merde demain. Franchement j'ai envie de me retrouver un peu seul je crois.

_ D'accord. Rentre bien alors. Tu peux m'écrire par le chat de ma messagerie si tu veux, c'est déjà mieux que rien."

Je l'embrasse sur la joue et lui lance un dernier petit sourire avant de fermer la porte derrière moi. Je reprends le portail dans l'autre sens et je marche jusque chez John. Les rues sont complètement désertes. Je regarde ma montre: il est déjà 19h30. Mon ventre gargouille un peu mais je fais mine de ne pas l'entendre.

Chez John tout est paisible, la nuit a laissé entrer la fraîcheur par la fenêtre de la cuisine et le salon est baigné d'une lumière pâle. Si je n'avais pas été témoin de la disparition de mon ami dans cette même pièce, j'aurais presque aimé être là dans le calme d'une fin de journée.

Il a toujours été très rangé et organisé. Je ne mets pas longtemps pour trouver sa carte. Elle est dans une petite pochette en plastique accrochée à ses clés de maison.

Quelque chose me dit qu'elle va m'être bien utile.

Sans même me retourner, je quitte la demeure de John pour rentrer finalement chez moi après cette journée qui me parait avoir duré une éternité. J'ai l'impression de porter une tonne de fatigue sur mes épaules tout en étant aussi alerte qu'un soldat en mission.

Je jette ma veste sur le dossier du canapé et mes chaussures sous la console de l'entrée avant de foncer sous la douche. Rien n'est plus thérapeutique que de me prélasser sous l'eau brûlante.
Il ne me reste plus qu'un bout de jambon et de la baguette un peu sèche... Assez pour me faire un sandwich devant la télé. Aux informations, ils ressassent les inondations sur la côte Ouest, les manifestations des néoludistes au cœur de la capitale et la traque des terroristes toujours au point mort. J'ai mangé mon sandwich machinalement, juste pour rassasier mon estomac qui criait famine. Je retire mon jogging et me lave les dents tout en écoutant le dernier album de Phillip Phillips, un peu ailleurs.

J'éteins la lumière et m'enroule dans la couverture. Je ressens enfin un soulagement incroyable de pouvoir mettre fin à cette journée désastreuse. Je crois que mes yeux sont en train de rentrer dans leurs orbites, chaque muscle de mon corps me fait souffrir, comme une immense courbature.

J'ai l'impression que je me suis couché il y a un quart d'heure, mais quand je regarde l'heure sur mon téléphone il est déjà 2h du matin.

Et je ne dors toujours pas.

Je remarque que j'ai un message de Caro. Je sais que si je commence à mettre le nez dans mon portable je ne trouverai plus le sommeil...

"Hey, tu dors toi ?"

Le message a été envoyé à 1h52, elle doit encore être réveillée. Je tape une réponse tant bien que mal, mes yeux ravagés par la lumière du téléphone.

"Apparemment non. Qu'est-ce qu'il y a?"

J'attends une réponse, toujours dans un état de demi-sommeil. Une réponse qui ne vient pas. Je traîne sur Twitter et Instagram, je regarde mes mails de boulot, je tourne en rond dans mon propre lit. Je suis épuisé et pourtant je crois que le train du sommeil est passé devant moi sans s'arrêter.

C'est foutu pour cette nuit.

Je me lève finalement. Rien ne m'angoisse plus que de rester les yeux grands ouverts dans le noir quand je suis en pleine insomnie. Il n'y a plus rien de relaxant dans ces cas là, c'est la chambre entière qui devient hostile.

Ponk ponk ponk!

Je ne rêve pas, on tape à la porte. Je m'arrête net dans le salon, je n'ose pas ouvrir.

"C'est moi, ouvre." dit la petite voix de Caro au fond du couloir de l'entrée.

J'ouvre la porte en continuant de me demander ce que je vais bien pouvoir trouver derrière et je la regarde finalement les yeux écarquillés. Il est plus de 4h du matin et elle est là, toute habillée avec un sac sur le dos et l'air terrorisée.

"Je ne veux pas qu'on disparaisse." lâche-t-elle en s'accrochant à mon cou.

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