Globe 64

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"Entre la nuit, la nuit et l'aurore.
Entre les royaumes, des vivants et des morts."

L'enceinte du salon passe les albums d'Arcade Fire et "Reflektor" résonne avec profondeur dans l'appartement.

J'ai ce réflexe le weekend de lancer la musique en me levant. Ça a le don de me sortir du sommeil, et ce matin j'en ai vraiment besoin. Ce n'est même plus de la fatigue, je pense qu'on est proche du coma. La nuit a été agitée, je crois que j'ai dû voir passer toutes les heures.

Un café, please.

Comme je m'y attendais, personne n'est là pour préparer mon petit-déjeuner alors je me décide à poser les pieds par terre. Tiens, j'ai dormi avec mes chaussettes, quelle idée! La musique détend mes muscles encore endormis, j'ai presque envie de danser. J'attrape la boîte à café et en mets une bonne dose dans la cafetière. J'appuie sur le bouton et elle ronronne en laissant échapper une délicieuse odeur : celle du petit-déjeuner.

J'ouvre les placards sans trop d'espoir, je ne trouve qu'une tranche de pain de mie un peu rassis et un fond de beurre de cacahuètes.

Ça ira bien.

Je prends mon petit-déjeuner devant les informations, en noir et blanc. J'ai l'impression de faire partie du casting d'un film des années 40. Franchement, ça devient flippant maintenant que l'effet de surprise est passé. J'ai dormi dessus, je croyais que ça passerait tout seul. Le discours du livreur hier soir retentit dans ma tête... Impossible de savoir ce qu'il a voulu me dire. On est samedi et pourtant, j'ai peur de sortir. Je n'entends aucun bruit malgré mon simple vitrage alors que d'habitude les rues sont noires de monde le weekend. Je m'approche de la fenêtre avec mon mug à la main... Mais où sont-ils tous passés ?

J'ai envie de rappeler Caroline, mais si son numéro est mort je suppose que c'est inutile. Je dépose ma vaisselle dans l'évier, je la ferai plus tard.

J'enfile un jean destroy et un T-shirt et me passe un coup d'eau sur le visage pour avoir l'air un peu plus frais. Je vais aller chez elle, peut-être qu'elle saura m'en dire plus que le mec des pizzas. Je croise très peu de personnes sur le chemin, quelques petits vieux vont au marché avec leurs chariots, des familles bien peignées sortent du supermarché les bras chargés. Je monte quatre à quatre les marches de l'immeuble mais en frappant à la porte, je me rends bien compte qu'il n'y a personne. J'attends, je ne sais pas quoi faire d'autre.

Mais où elle est? Merde!

J'attends là deux heures, peut-être plus. Soudain je l'aperçois en bas des escaliers, un carton vide dans la main gauche.

"Caro mais t'étais où? Je t'ai cherchée partout! T'as plus ton portable?"

_ Oh salut toi! Ça fait longtemps qu'on s'est pas vus. Au moins un mois je crois bien!

_ Mais réponds-moi, il se passe quoi ? T'étais où?

_ Pourquoi t'as l'air si paniqué? J'ai changé d'appartement il y a un mois, tu ne te souviens pas ? J'ai pas changé de portable, t'aurais pu m'appeler quand même!

_ Mais je t'ai appelée figure-toi! Ton numéro n'est plus attribué.

_ Aaaaah mais mince, ça doit être à cause des changements de globes ça. lâche-t-elle en pénétrant dans l'appartement.

_ Les globes? Toi aussi t'es au courant? Mais c'est quoi ce délire ? Et qu'est-ce que tu fous avec ce carton?

_ Ben tout le monde est au courant. Enfin, ceux qui ne vivent pas dans une grotte je suppose. rigole-t-elle. Le carton c'est juste pour récupérer des affaires, je suis partie un peu vite d'ici."

Je l'oblige à s'asseoir avec moi sur les fauteuils abandonnés au milieu de la pièce et à m'expliquer ce qu'il se passe, depuis le début.

"Bon, il y a un mois il y a eu une sorte de grosse crise existentielle. Parce que ça fait clairement des années que personne n'est mort, donc faut bien mettre les gens quelque part quoi. Tu te souviens de ça?

_ Ouai, ça je me souviens. Quand même! On ne parlait plus que de ça.

_ Ok. Ben après ça, des chercheurs ont finalement expliqué au grand public dans un communiqué qu'ils avaient trouvé une solution. Pour faire court, ils ont réussi à mettre en place comme des... Serveurs différents, qu'on pourrait remplir de gens jusqu'à un certain point. C'est compliqué mais c'est un peu comme des mondes parallèles. Du coup on est pas tous dans le même, quelques familles ont été séparées mais ils ont dans l'ensemble essayé de faire ça bien. Ils ont appelé ça des globes. Moi par exemple j'ai été transférée dans le globe 65. Mais si tu ne peux pas me joindre tu ne dois pas être dans le même. A part ça, ton environnement reste le même.

_ Oh putain. Mais c'est hallucinant. On est sur des serveurs ? On est dans des bulles ?

_ Globes.

_ Ouais globes, c'est pareil. Mais alors je suis où moi ? Et toi, tu vois les couleurs ?

_ Ouais bien sûr que je vois les couleurs, enfin sauf ici, c'est bizarre. Toi non ? Je sais pas dans quel globe tu es toi, faut que t'ailles à la mairie, on te donnera ton numéro de globe et la localisation du portail le plus proche pour bouger dans les autres.

_ Non, tout est noir et blanc. Mais le livreur de pizzas m'a dit que c'était comme ça depuis au moins quinze jours... Il dit que c'est un bug.

_ Possible ouai, c'est pas encore hyper au point. Tu veux que je t'accompagne à la mairie?

_ Non... Non ça va aller, merci. J'ai besoin de digérer un peu le truc là. J'arrive pas à croire qu'on en soit arrivé là! C'est un truc de fou quand même.

_ C'est vrai, mais c'était à prévoir. Nos progrès en médecine et dans les sciences ne pouvaient pas avoir QUE des bons côtés, y a toujours un revers à la médaille!

_ Bon, je...Je vais y aller du coup. Tu peux m'écrire des mails je suppose, alors fais-le hein. Le temps qu'on trouve comment se parler autrement.

_ Pas de soucis, je t'écrirai. Mais on peut se voir quand tu veux, quand tu sauras où aller. En bas, le portail le plus proche c'est l'épicerie de chez Zaan, comme ça t'as au moins un point de repère.

_ Merci, salut Caro."

Elle a l'air de le prendre bien.

Je m'éloigne d'un pas décidé. Tout ce qu'elle vient de me dire se bouscule entre mes neurones, j'ai mal au crâne. Je n'en reviens pas, mais ça ne m'étonne pas.

Ça devait arriver.

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