VI. Barbie et Ken

4 minutes de lecture

Il était une fois… La triste réalité.


Sous le soleil de New York,

Une fille porte une robe lilas et des escarpins accordés.
Serrée à la taille, évasée à partir du bassin.
De longues jambes nues, une démarche délicate.
Sur ses clavicules, des paillettes dorées.
Elle est blonde peroxydée, les yeux bleus, les lèvres carmin, le visage ovale, le teint halé.
Et quand elle marche, des sillons de parfums vanillés.
Tout le monde s’arrête généralement.
Dans son dos, elle entend :« Elle sent divinement bon, elle est belle. »
Elle se retourne, sourit et répond à tous leur compliments :
« Merci, merci, merci.
Oui, oui, c’est gentil, très gentil.
Merci, merci, merci »

Il est l’heure de faire à manger pour ses invités.

Tout est toujours impeccablement rangé dans sa maison.
Pendant qu’elle sert les cocktails, elle entend :
« Elle est tellement gentille.»
Elle se retourne, sourit et répond à tous leur compliments.
« Merci, merci, merci.
Oui, oui, c’est gentil.
Merci, merci, merci. »

Il est maintenant l’heure d’aller rejoindre ses amis.

Elle a le sourire figé, le rire facile.
Elle entend les remarques, les critiques, les ragots.
Elle se retourne, sourit et répond à tous leur compliments.
« Merci, merci, merci.
Oui, oui, c’est gentil, très gentil.
Merci, merci, merci. »

Il leur suffirait d’une seule seconde d’attention.
Pour remarquer son air absent.
Elle a les yeux dans le vide toute la journée.
Elle sait si bien jouer la comédie.

Quand le spectacle est fini, elle rentre.

Elle invente une excuse et repart chez elle, à pied.
Qu’importe si elle se trouve à dix kilomètres de chez elle.
Ses talons lui font mal, la douleur est intense, mais elle s’en fout.
Elle hume l’air frais, marche toujours très rapidement.
À la hauteur de sa maison, se trouve un banc.
Elle s’allonge dessus lourdement, fait valser ses talons sur le trottoir.
La tête en arrière, le regard vers le ciel étoilé,
Elle tourne la tête.

Sur un autre banc, un homme ricane tout seul.
Il a dans sa main une bouteille de vodka et entre ses doigts un joint.
L’homme lui sourit, pensant qu’elle le regarde.
Pendant que ses yeux ne quittent pas les substances qu’il tient.


Je pourrais le faire. Je pourrais m’acheter une bouteille moi aussi et boire pour tout oublier.
Je pourrais le mélanger avec des médicaments. Je pourrais prendre de la marijuana.
Je pourrais me tailler les veines. Ce serait tellement facile.

Non loin d’une plage de Californie,

Un homme porte une chemise bleue accordée à son smoking.
Des chaussures impeccablement cirées, une montre coûteuse à son poignet.
Il est châtain clair, les yeux bleus, les lèvres pulpeuses, la mâchoire carrée, le teint halé.
Il a les cheveux plaqués et un parfum mentholé.
Il avance d’une démarche assurée.
Et quand il marche, tout le monde s’arrête pour le regarder.
Dans son dos, il entend : « Il sent divinement bon, il est beau. »
Il se retourne, sourit et répond à tous leur compliment.
« Merci, merci, merci.
Oui, oui, c’est gentil.
Merci, merci, merci. »

Il est maintenant l’heure d’aller à la salle de sport.

Il prend ses comprimés, avale un déjeuner protéiné.
Il ne fait pas du sport pour l’endorphine, il le fait pour entretenir sa plasticité.
Dans son dos, des murmures, des ragots.
Il se retourne, sourit et répond à tous leur compliments.
« Merci, merci, merci.
Oui, Oui, c’est gentil.
Merci, merci, merci »

Il est maintenant l’heure d’aller rejoindre ses amis.

Ils crient, ils parlent de sexualité, ils abusent de l’alcool.

Et lui est assis à l’autre bout de table, un verre d’eau à la main.


Il leur suffirait d’une seule seconde d’attention.
Pour remarquer toute la tristesse déguisée derrière ce sourire figé.

Il a les yeux dans le vide, un visage ne trahissant aucune émotion.

Le spectacle est fini, il est maintenant l’heure de rentrer.

Il entre dans un parking cerné de néons blancs.
Il appuie machinalement sur le bouton, les phares de sa Lamborghini s’allument.
Il met le contact, tourne le rétroviseur.
Un de ses amis a oublié une bouteille de whisky sur le siège passager.
Il la regarde attentivement.
Des femmes passent devant sa voiture et lui sourient, pensant qu’il les a remarquées.
Il n’a toujours pas détourné le regard de l’objet.

Je pourrais tellement le faire. Je pourrais la boire en entier. Je pourrais emprunter le xanax d’un de mes amis ou peut-être du valium. Je pourrais les mélanger. Je pourrais foncer dans ce mur en crépi avec la voiture. Ce serait tellement facile.

Simultanément, un homme et une femme s’approchent :


« Madame, est-ce que vous allez bien ?
— Oui, merci. C’est très gentil, merci.
— Je voulais vous dire, je vous trouve vraiment très att…
— Oui, merci. C’est très gentil, merci. »

« Monsieur, est-ce que tout va bien ?
— Oui, merci. C’est très gentil, merci.
— Pardonnez-moi mais j’aimerais prendre la place de parking, sinon… je vous trouve vraiment très charm…
— Oui, merci, C’est très gentil, merci. »

Un instant de lucidité et les voilà repartis vers leurs maisons.
Dans leur dos, une manivelle s'arrête de tourner.

Demain, il faudra refaire ce même spectacle de marionnettes.
Les gens adorent ce spectacle, après tout.
Il suffit de voir leurs comptes Instagram.

La fille interrompt sa mère lors de la lecture, les larmes aux yeux.
« Maman, il est horrible ton conte.
— si seulement ce n’était qu'une fiction, ma chérie.. »

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