Chapitre XIV.1

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Ceux qui s’en furent

Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort

Gardent mémoire de nous — s’ils en gardent — non pas

Comme de violentes âmes perdues, mais seulement

Comme d’hommes creux

D’hommes empaillés…

T.S. ELIOT, les hommes creux

Lendemain difficile — Naïade et petit déjeuner — Star et l’orientation — L’affaire Charles Dexter Green — Monde-Tombe — Saint Paul versus Lucrèce — Froid dans le dos — Lucy, Charles et le quai de gare — Star frissonne — Un jeune homme méditatif — Discussions fraternelles — Citations et surnoms — Principe de réalité et pragmatisme — Les confidences de Max — De l’avantage d’avoir une sœur ainée — Sommeil agité — Des souris et des Hommes — Affectueux, mais pas très charitable — Max et l’ornithorynque.

Après cette nuit un peu mouvementée, Max se leva quelque peu fatigué alors que Teresa ronflait comme un motoculteur ; il passa rapidement par la salle de bain pour se rendre un peu plus présentable puis se rendit vers le salon pour prendre le petit déjeuner. Star l’y attendait, lumineuse dans sa robe d’été turquoise et prête à s’attaquer joyeusement à une pile de pancakes de la taille du Chrysler building. Il faisait un temps très lumineux sous un soleil chaud, mais avec une brise somme toute agréable, aussi Star insista pour qu’ils s’installent sur la terrasse et avec une confortable réserve de café frais. Son empressement étant aussi largement suscité — Max s’en rendit compte très rapidement — par le fait que Marcy prenait le soleil matinal au bord de la piscine, allongée sur un transat et lisant un exemplaire des Ballades lyriques de Wordsworth (comme quoi Teresa est contagieuse). Vêtue d’un de ses maillots préférés : un deux-pièces rouge, très seyant, mais qui ne laissait que fort peu de choses à l’imagination, Marcy se leva pour rejoindre la piscine afin d’y faire quelques longueurs, offrant au passage à Star une vision qui lui fit dégringoler la mâchoire aussi vite que celle du loup de Tex Avery ! Et Max, qui avait beau voir sa sœur ainée tous les jours et sous toutes les coutures depuis vingt ans — et parfois dans le plus simple appareil comme il y a peu — eut une vision plus saisissante qu’il ne l’aurai pensé.

Ceci étant dit, comme la jolie blonde faisait de grands signes amicaux à sa naïade préférée — qui lui répondit gentiment — Max jugea en âme et conscience qu’il était plus prudent d’orienter la discussion sur autre chose que l’affolante chute de rein de Marcy, s’il voulait éviter d’avoir à rembobiner la langue de Star qui menaçait à présent de toucher rapidement le sol. Il proposa donc à son amie un sujet plus inoffensif, à savoir les parents de cette dernière : Max n’avait pas eu de leurs nouvelles depuis un bout de temps et Star n’en parlait pas souvent ; il faut dire que les époux Wingrave étaient, certes, des gens charmants, mais très conscients de leur appartenance à la classe supérieure et, s’ils restaient somme toute assez simples comme on aime à le dire si souvent, ils n’en demeuraient pas moins de ceux qui n’aimaient guère à avoir se répéter plus de deux fois lorsqu’ils donnaient un conseil ou une recommandation — qui n’était jamais qu’un impératif déguisé — dans ces cas de figure la discussion, même si elle demeurait toujours très courtoise, pouvait se clore assez vite.

Star, pensive, dégusta son mug de café :

— Tu vois, mes parents ont été somme toute assez souples quant à mon orientation scolaire ; enfin à leur manière.

— C’est-à-dire ?

— Eh bien, après mon bac, lorsque j’évoquais mes projets d’avenir en tant qu’étudiante et les possibilités qui s’offraient à moi, ils ont été unanimes.

— Et donc ?

— C’est très simple : « Ma chérie, tu peux faire absolument tout ce dont tu rêves du moment que tu es ingénieur, mais rien ne t’empêche d’envisager le doctorat, et même si tu choisis une école de commerce ou de droit international tu auras, bien sûr, toujours notre soutien inconditionnel ! »

— Une merveilleuse souplesse d’esprit en effet !

— Comme tu dis, vieux frère, dire qu’a une époque j’avais pensé aux beaux-arts voire aux lettres… tu imagines le tableau !

— Et, dis-moi, sans vouloir le moins du monde être indiscret.

— Hum, méfie-toi mon grand, on dit que les questions ne sont jamais indiscrètes, seules les réponses le sont parfois !

— Puisqu’on parle d’orientation, tu ne m’as jamais raconté comment tes parents on réagit quand…

Elle posa gracieusement son menton sur ses mains croisées, un sourire des plus entendu aux lèvres.

— Quand ?

— Hé bien — hum — je suppose qu’à un moment tu as du leur dire que tu… enfin, ils ont du s’apercevoir que sentimentalement parlant tu…

Sous ses mèches blondes, les jolis yeux verts de la belle papillotèrent sans retenue.

— Je suppose, mon grand, que tu fais allusion au moment où ils ont compris que je préférais Sapho à Don Juan ?

— Tout à fait.

— Hé bien, pour tout dire la nouvelle ne les a pas vraiment enchantés, en même temps je crois qu’ils ont préféré cela à l’idée que je m’inscrive aux beaux-arts !

— C’est assez cohérent même si, franchement, c’est un cliché épouvantable !

— Mais la vie est une mine inépuisable de clichés, mon grand, et au bout d’un temps, on appelle cela un classique !

Max resta dubitatif quant à cette dernière affirmation, digne de l’arsenal rhétorique habituel de Teresa, puis Star s’offrit une seconde tasse de café et lui en versa une avant de poursuivre :

— En parlant de famille, ne devais-tu pas me donner des nouvelles de ton cousin Charles Dexter, il me semble que l’on en avait parlé lors de l’anniversaire de Lucy ?

— C’est vrai qu’ils ont un certain nombre de choses en commun, c’est une longue histoire.

— Ça tombe bien, j’adore vos histoires de famille, elles sont aussi farfelues que les miennes ! dit-elle en souriant.

— Comme tu veux, mais je te conseille de reprendre du café :

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