Chapitre XIII.1

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Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’Univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux hypothèses sont tout aussi effrayantes.

Arthur C. Clarke

Dans la cuisine — Lapin rose et extraterrestres — Bob et Fred — Des CV éloquents — Qui fait le plus peur ? — Magie des accessoires — Quand il faut y aller ! — Bunny et la psychanalyse — Terreur nocturne — Teresa la pieuvre — Le bikini — En plein cauchemar — Concombres, loutres et Ozymandias — Droit d’asile — Un vrai potager.

Cette nuit-là, Max était dans la cuisine, et plus précisément dans sa cuisine ; il se demanda du reste comment il était arrivé là alors qu’il était persuadé de s’être endormi dans une chambre de l’hôtel des MacNulty. Certes, il lui arrivait régulièrement d’y descendre la nuit pour grignoter un petit quelque chose, comme le faisaient aussi ses sœurs, tout spécialement Teresa en période de production littéraire, mais, arrivé devant le réfrigérateur, il lui sembla tout de même que quelque chose n’allait vraiment pas : la cuisine était inhabituellement sombre et la lumière du réfrigérateur bien trop intense, du reste ce dernier semblait lui aussi inhabituellement bien remplis. Max réalisa alors qu’il était très certainement en train de rêver et le fait qu’il portait à cet instant un caleçon particulièrement hideux, cadeau sarcastique de Teresa pour leurs dix-sept ans, acheva de le conforter dans cette idée.

Debout, à côté du frigo, se trouvait Star qui le regardait avec un vif intérêt : la jolie blondinette était entièrement dévêtue, mais c’est une chose qui pouvait fort bien arriver fréquemment dans un rêve, surtout lorsque l’on vit entouré de filles. Ce qui était par contre tout à fait curieux c’est que son corps soit entièrement revêtu d’une fine fourrure rose qui la faisait ressembler soit à une énorme barbe à papa, soit à la grande sœur de Babs Bunny. Étant donné les deux grandes oreilles duveteuses qui ornaient le haut de sa tête et la carotte qu’elle croquait tranquillement, Max considéra l’hypothèse du lapin comme la plus probable !

Eh, What’s up Max ? glissa-t-elle en croquant une imposante part du légume.

— Star ? Qu’est-ce que tu fais dans ma cuisine, déguisée en… lapin ?

— J’en sais rien mon vieux, c’est ton rêve !

Il referma la porte du frigo machinalement et ce qui se trouvait alors dissimulé par cette dernière se montra dans la semi-obscurité de la pièce et manqua de faire sauter le pauvre garçon au plafond :

Une chose gigantesque à la silhouette vaguement humaine, mais au crâne démesuré renvoyant de sinistres reflets métalliques, toute en dents, griffes et pleins d’autres appendices aussi peu engageants le fixait sinistrement : Max crut se liquéfier sur place, faute de savoir s’il allait avoir une crise cardiaque ou se faire dévorer tout cru par cette horreur. Mais quelque chose de curieux, un menu détail qu’il eut le temps de saisir lui parut bizarre : l’abomination griffue tenait entre ses doigts un ticket rouge avec un numéro et autour de ce que l’on pouvait appeler le poignet de son autre main, il portait une montre-bracelet d’une marque visiblement fort coûteuse…

Figé sur place le pauvre Max eut la mauvaise idée de tourner la tête sur la gauche et là ; une autre créature grisâtre bien plus petite que la première avec des yeux ronds comme des soucoupes et noirs comme les nuits les plus macabres le fixait avec une insistance des plus malsaines. Cette fois, il sentit sa dernière heure arriver pour de bon, mais remarqua que la créature portait elle aussi une montre et tenait dans ses doigts grêles un autre ticket rouge.

Les deux ignominies l’examinèrent longuement (bien que la plus grande ne parût pas avoir d’yeux) avant de se considérer mutuellement et alors arriva l’impensable, l’inimaginable :

— Salut Bob ! dit l’horreur griffue, bien que sa morphologie semblait pourtant le rendre incapable de faire autre chose que baver ou mordre.

— Salut Fred ! répondit le gnome gris aux yeux malfaisants.

Max, pétrifié, les regarda aussi quand le plus grand lui adressa la parole : « hé, vous avez l’heure ? Je crois que ma montre retarde et si c’est le cas, vu le prix, c’est que je me suis vraiment fait avoir ! »

Complètement sidéré, le pauvre garçon balbutia : « euh… une heure et demie du matin, enfin je crois… » après avoir entrevu la pendulette placée au-dessus du frigo.

Les deux comparses commencèrent à discuter de choses étonnement banales en regard de leurs apparences indéniablement non humaines et Fred, qui semblait être le plus enclin à faire la conversation, s’adressa encore à Max. Celui-ci, qui n’avait aucune envie de le contrarier, l’écouta avec attention :

— Cauchemar, ce n’est pas très gratifiant comme boulot et ça fait un bout de temps que j’en suis : J’ai commencé comme figurant chez Jérôme Bosch, c’est un peu le passage obligé, il faut bien le dire, ensuite chez William Blake quand il faisait de la gravure, mais il y avait beaucoup de concurrence. Finalement, c’est chez un peintre suisse que je me suis fait plus largement connaître ; et là, j’ai vraiment eu du succès : des tableaux, des gravures, des statues et même du cinéma après, de quoi prendre un peu la grosse tête je l’avoue…

— Au propre comme au figuré ! risqua Max.

Bob se mit à rigoler de bon cœur, mais au vu de sa bouche quasi inexistante, cela faisait un peu le bruit d’une baudruche qui se dégonfle.

— Très, très drôle les gars, râla Fred, on voit que vous n’avez pas besoin d’un radar de recul si vous voulez simplement faire demi-tour dans un couloir.

— En parlant de cinéma, coupa Bob, j’ai eu du succès moi aussi ! Tenez, par exemple, mon premier rôle dans Fire in the Sky !

— Hé, je l’ai vu ce film-là, et il n’y a pas si longtemps, encore une idée lumineuse de Teresa.

— Je sais, Max, c’est bien pour ça que je suis là, vous pouvez la remercier !

— Je n’y manquerai pas.

Fred qui se sentait oublié crut bon d’en rajouter :

— N’oubliez pas que j’ai un sacré CV : écoutez donc ce qu’on dit de moi : « Un être parfait ni souillé par le remords ou la conscience, libre de toutes les illusions de la moralité humaine… » ça en jette, non ?

— En somme, vous êtes mûr pour vous lancer en politique ! soupira Max.

— Alors là, c’est bien trouvé ! Vous êtes un petit comique dans votre genre, Max ! Rajouta Bob en s’esclaffant.

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