Chapitre XII.3

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Le baromètre d’admiration intérieur de miss Wingrave explosa littéralement :

— Marcy, serais-tu donc une descendante de ces nobles lignées de déesses de l’antiquité, une fille merveilleuse issue des amours entre Artémis, Athéna et quelques mortels choisis des dieux ?

— Je t’en prie Star, répondit Max, tes envolées lyriques sont encore pires que celle de Teresa !

— Merci pour moi, Hastings !

— De rien, Sherlock !

Marcy, lassée de toutes ses discussions, proposa d’en rester là et de commencer à profiter d’une matinée déjà largement entamée.

En fait le premier coup d’éclat de Marcy eu lieu au début de l’automne de ses seize ans et qu’elle raccompagnait ses cadets, âgés de onze ans à l’époque, qui avait tous deux participé à une compétition de gymnastique rythmique et sportive imposée par leur école et qu’ils avaient tous deux détesté, notamment Max qui ne comprenait absolument pas l’intérêt de la chose.

Sur le chemin du retour, vers le petit parc près de l’école, le trio croisa un type du genre athlétique et sûr de lui qui leur emboîta le pas : c’était tout à fait le genre de bonhomme qui, avec toute la séduction charmeuse du mauvais garçon et juste ce qu’il faut de bagout, se fait la spécialité d’emballer les adolescentes perturbées par leurs hormones, mais avec des arrière-pensées pas franchement recommandables. Si vous êtes un père de famille responsable vous comprenez aussitôt au premier coup d’œil qu’il ne doit pas surtout pas approcher votre fille à moins de dix kilomètres sous peine que ça ne paraisse dans la rubrique des faits divers et, qu’afin d’éviter ce genre de désagrément, vous vous sentez autorisé à le lui faire fermement comprendre, quitte à courir emprunter à l’inspecteur Harry son Smith&Wesson modèle 500 pour appuyer votre propos. (Pas toujours très facile à trouver, mais c’est un emporte-pièce particulièrement dissuasif)

Marcy était bel et bien à cette époque une adolescente et elle aussi se débattait avec ses hormones, qui lui avaient surtout fait atteindre le bon mètre quatre-vingt-dix de stature ainsi qu’une force physique phénoménale et — à l’occasion — de fortes poussées de mauvaise humeur. En est la preuve qu’une remontrance — qui se trouva par la suite injustifiée — d’un de ses professeurs fit (très exceptionnellement) sortir Marcy de ses gonds tandis que d’un formidable coup de poing, elle fit sortir l’une des lourdes portes du couloir des siens ! Elle fut collée et, mise en demeure de réparer la malheureuse porte, montra une étonnante disposition pour le bricolage qui devait lui être forte utile par la suite.

Le problème avec ce genre de beaux parleurs, tant soit peu enclins à de mauvaises pensées comme notre bonhomme, c’est qu’ils se sentent d’une telle supériorité sur le vulgum pecus — comprenez le reste de l’humanité sauf eux — qu’ils en viennent à imaginer que tout leur est dû, y compris le consentement des dites adolescentes qu’ils jugent de toute façon tacites.

Comme Marcy était fort jolie à regarder — et qu’à première vue elle ne dissimulait aucun Smith&Wesson modèle 500 — le type prit son sourire le plus étudié, dans le style des voyous de West Side Story, sortit son téléphone portable pour se donner une contenance et, considérant l’affaire comme déjà réglée, s’approcha de Marcy avec toute l’exaltation du prédateur qui espère que sa proie va tout de même lui résister un peu, histoire de rendre les choses plus intéressantes…

De ce côté-là, il faut avouer qu’il ne fut vraiment pas déçu : Quand le directeur de l’école où étaient Max et Teresa reçu un coup de téléphone au ton impératif, il accourut avec quelques professeurs, s’imaginant déjà le pire, et tomba nez à nez avec une Marcy quelque peu débraillée, mais dont le visage irradiait une fureur sans bornes et ses beaux yeux bleus — dilatés à l’extrême — débordaient de la même compassion que ceux d’une lionne en train de déchiqueter un gnou pour son dîner.

À ses pieds se tenait le gnou — enfin le beau parleur — qui à première vue avait été foulé aux pieds par un troupeau de rhinocéros. Ce dernier ne put répondre aux questions pressantes des enseignants affolés, non seulement parce qu’il avait son téléphone profondément enfoncé dans le gosier, mais aussi parce que le ruban de gymnastique rythmique de Teresa — qui lui liait mains et pieds derrière le dos — passait également autour de son cou ! Ce qui non seulement démontrait un esprit particulièrement créatif de la part de la jeune Marcy, mais aussi une maîtrise de l’Incaprettato prompte à donner des complexes à plus d’un malfrat.

Quant aux policiers, professionnels aussi aguerris que prudents, ils étaient déjà sur place, mais se tenaient à une distance respectueuse de Marcy. Et à en croire les quelques témoins, si la loi l’y avait autorisé ou — bien plus vraisemblablement — si les policiers n’étaient pas intervenus à temps, Marcy lui aurait dévissé la tête aussi facilement qu’un simple couvercle de bocal à cornichons !

S’inquiétant du choc potentiel sur les jeunes esprits de Max et Teresa, les professeurs puis les policiers furent néanmoins surpris par leur sang-froid : Teresa s’estimait assez satisfaite de l’usage enfin utile de « son fichu ruban de gymnaste à la noix » et se mit en tête de prendre des notes pour une future histoire policière. Sa réaction la plus étonnante fut d’expliquer posément comment le type se comporta lorsque Marcy le frappa directement et violemment au plexus solaire — avec une force telle qu’il en fut quasiment soulevé de terre — : « Vous auriez vu ça : il a sauté comme un bouchon de champagne et s’est plié en deux tel un vulgaire canif ! j’ai même cru à un moment que le poing de Marcy l’avait carrément transpercé ! je vais noter ça pour la prochaine scène de bagarre dans mon histoire policière ! » Max, plus mesuré, se contenta de faire remarquer que la puberté un peu tardive de Marcy pouvait lui donner quelques sautes d’humeur et qu’il valait mieux éviter de l’énerver en ce moment.

Quant au beau parleur qui, hormis d’avoir côtoyé la voyoucratie locale et importuné plus d’une jeune fille, n’avait encore aucun antécédent judiciaire connu ; la police ramassa ce qu’il en restait et après que les premiers secours l’eurent — à peu près et avec beaucoup d’efforts — remis en un seul morceau, il supplia pour qu’on le mette à l’ombre pour un bon moment et, aux dernières nouvelles, il y est encore…

Néanmoins, et après une puberté un tantinet agitée comme on vient de le constater, Marcy est à vingt-cinq ans quelqu’un de pacifique, équilibré et affectueux envers ses proches et ses amis — même si la jolie Star lui tape parfois un peu sur le système — et estimée du petit monde de Stratford. Le fait est qu’il ne faut tout simplement pas embêter ou menacer ses proches exactement pour la même raison qu’il ne faut pas faire de mal au petit chien de John Wick ou encore perturber la cérémonie de mariage de Beatrix Kiddo : tous ceux qui auront vu les films narrant les exploits de ces singuliers personnages auront rapidement une idée des dommages collatéraux qui peuvent s’en suivre, à savoir le décès aussi prématuré que brutal de tout un tas de gens — certes pas toujours irréprochables — plus ou moins directement lié à l’affaire. Assez logiquement, Teresa appréciait beaucoup ce genre de films et applaudissait joyeusement le carnage, Max ne s’y intéressait que modérément, mais principalement en vertu du fait que les faibles ont souvent tendance à admirer les forts, quant à Marcy sa réaction au bout d’une demi-heure était : « c’est fatigant à la longue, tous ces gens qui n’arrêtent pas de se taper dessus ou de se tirer dessus ! » les jumeaux n’auraient pas fait de mal à une mouche et Marcy était d’une gentillesse proverbiale, ce qui n’empêchait nullement que même des montagnes de muscles patibulaires comme Benny Blarney Bloobs en aient une trouille phénoménale.

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