Chapitre XI.4

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Il est facile de comprendre qu’avec une telle carrure, Benny pouvait se permettre tous les caprices, d’autant plus qu’il avait décidé de devenir un malfrat d’envergure, voire un parrain, dès l’âge de huit ans en s’étant fait une spécialité de piquer le goûter et les billes de ses petits camarades de classe. Mais malheureusement, les meilleures vocations sont parfois cruellement mises à mal par la vie (demandez donc à Teresa où elle en est du « grand roman que tout le monde attend » !) et donc, alors que Benny allait sur ses quarante ans, il commençait tout juste à se demander où les choses avaient cafouillé dans son plan de carrière. Récemment, il avait suivi un reportage sur un des derniers ennemis publics n° 1 et à en croire les journalistes, il avait commencé à l’âge de sept ans par le vol d’un paquet de caramels et par la suite le braquage de banques puis de fourgons blindés — le saint Graal du malfrat — et tout le monde parlait de lui. Benny en était bien loin, sur la liste des ennemis publics il devait être sur un rang à quatre chiffres et vu que ce n’est guère que le trio de tête qui impressionne les journalistes, il avait encore pas mal de chemin à faire !

Il est de notoriété publique que les recruteurs de la mafia recherchent constamment de la main-d’œuvre diversement qualifiée, le turn-over étant extrêmement important dans la profession, mais en général ils ne s’arrêtent pas dans des coins comme Stratford, préférant recruter dans de plus riches viviers comme les bas quartiers des grandes villes ou la sortie des meilleures écoles de commerce. Néanmoins, Benny en avait repéré un qui s’était arrêté pour boire un café, l’ayant tout de suite reconnu à son costume impeccable, ses énormes boutons de manchette et par le fait que, pour régler sa consommation, l’homme avait sorti un billet de cinq cents euros d’une épaisse liasse soigneusement enroulée par un élastique (il est également de notoriété publique que les grosses coupures au-delà de cent euros sont imprimées pour l’usage exclusif des membres de la mafia) après un peu d’hésitation — qui n’a jamais eu le trac lors d’un entretien d’embauche — Benny l’aborda et après quelques minutes de discussion lui laissa son CV gribouillé sur un papier d’emballage.

Quelques semaines plus tard, il recevait le courrier suivant :

« Cher Monsieur Benny Blarney Bloobs,

merci pour votre candidature et pour l’intérêt que vous portez à notre organisation.

Nous avons examiné en détail votre parcours et vos motivations avec la plus grande attention.

Néanmoins, nous ne pouvons pas donner une suite favorable à votre demande, étant donné que vos états de services, à savoir :

Fraude dans les transports en commun.

Ardoises impayées dans plusieurs bistrots.

Vol d’un cageot de choux-fleurs, mais sans effraction

Tentative infructueuse, et non suivie d’effet, d’intimidation sur un agent de La Poste

Tentative d’escroquerie aux promenades de chiens, modus operandi trop peu détaillé

Ne correspondent pas exactement aux qualifications exigées pour ce poste.

Nous vous souhaitons courage et succès dans la poursuite de vos recherches.

Très cordialement,

Cosa Nostra inc.

Service des Ressources humaines pour la région PACA. »

Le pauvre Benny se sentit quelque peu déprimé par ce courrier et alla se remonter le moral dans un bar en dehors de la ville où il avait ses habitudes — et pas encore d’ardoise — et commença à vider quelques bouteilles de Witkap Pater, bière qu’il appréciait tout particulièrement. Tout le monde aura bien compris au vu de ce CV éloquent que le bonhomme était très loin de ses objectifs, le fait est qu’en dépit de son allure de catcheur acromégale, Benny n’était pas un type méchant, ni spécialement porté sur la violence même s’il lui arriva de distribuer un certain nombre de baffes histoire de se faire respecter. Il était juste phénoménalement, incroyablement et fonctionnellement stupide et devait donc compter bien plus sur sa masse imposante que sur le reste pour se faire un nom dans le métier.

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