Chapitre XI.3

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Depuis quelque temps, Teresa avait cette nouvelle lubie littéraire, à savoir la science-fiction : elle s’était mise à relire H.G Wells dont les martiens tentaculaires faisaient ses délices depuis son enfance, avait fait une lecture commentée pour Max et Lucy des Montagnes Hallucinées qui fut très appréciée, puis s’était lancée dans les auteurs de l’âge d’or comme Ray Bradbury, Robert Silverberg, Fritz Leiber, Philip José Farmer, etc.. Le très paranoïaque Philip. K. Dick, Issac Asimow et Arthur Clarke les deux poids lourds de la hard-Science, l’inclassable R.A. Lafferty et les fameux humoristes de la SF à savoir Robert Shekley et Frédéric Brown : en un mot tout le gratin du genre…

Cela collait bien à ses goûts cinématographiques en la matière, avec des monstres d’outre espace ou d’horribles histoires d’enlèvements, qui avaient en plus le don de procurer au pauvre Max une abondante matière première pour ses nuits blanches. Il avait bien évidemment conscience que Teresa se fichait de lui et ne prenait pas un mot de tout cela au sérieux, mais la petite graine extraterrestre — fût-elle issue d’une revue aussi discutable qu’Applepies & Conspiracies — était entrée dans sa tête et risquait bien de germer pendant son sommeil.

Le déjeuner terminé, et après que Max ait réussi à convaincre Teresa de ne pas sauter à nouveau toute nue dans la piscine : « Dire que même toi tu trouves que je ne fais pas assez d’exercice… Tu ne sais vraiment pas ce que tu veux, mon vieux ! » Ils essayèrent de se mettre d’accord sur l’emploi du temps de la journée et arrivèrent rapidement à la conclusion que ne rien faire du tout — du moins rien qui puisse sortir de l’ordinaire ou les amener à dépenser par trop d’énergie — s’imposait tout naturellement. Cette décision prise, les jumeaux employèrent donc toute leur énergie à l’art subtil, complexe et prenant qui consiste à ne rien faire, art qui comme tous les autres, ne s’acquiert qu’avec beaucoup d’application et d’assiduité. Ils étaient donc sur le point d’atteindre les premiers degrés requis de décontraction lorsque Marcy et Star firent leur apparition et, tandis que Marcy prenait une grande tasse d’Earl Grey et que Star s’apprêtait à faire un sort funeste aux malheureuses viennoiseries encore épargnées par Teresa, la conversation commença et se porta rapidement sur le travail de Marcy : en effet, cette dernière avait parlé du quelque peu énigmatique monsieur Wordsmith à Star, qui découvrit que ce dernier — par un hasard que l’on ne rencontre guère que dans les romans — habitait un petit immeuble situé précisément au n° 119 de la même rue où logeait la jeune fille :

— C’est vrai que j’ai croisé ce curieux petit bonhomme plus d’une fois, un homme tout à fait charmant, très distingué, mais quelque peu vieille France !

— Quant on l’observe de près, il semble sortir tout droit d’un roman de Wodehouse ou d’Agatha Christie !

— Et que fait-il donc dans la vie, ce bon monsieur Wordsmith ?

— D’après ce que j’en sais, Star, il est à présent à la retraite ; mais il passe néanmoins énormément de temps à répondre à des courriers ou donner des conseils par téléphone. En fait, son dernier travail fut de gérer un bureau d’immobilier de grand luxe, il est sans nul doute particulièrement fortuné ; c’est un homme très discret, mais qui de dédaigne pas parler de lui !

— Voilà qui est intéressant.

— Il m’a un jour confié qu’il avait travaillé en tant que conseiller pour une très prestigieuse compagnie d’assurance.

— Je ne vois rien de très passionnant là-dedans ! remarqua Star, un peu déçue.

— Attends, il y a quelques années alors qu’il exerçait pour la compagnie en question, une mauvaise chute l’a cloué chez lui pendant plus de quatre mois…

— Et donc ?

— Non seulement il put continuer son travail depuis son bureau, mais fut en mesure d’élucider plusieurs cas particulièrement épineux, dont certains risquaient de mettre en péril ses employeurs !

— Sans bouger de chez lui ? S’enquit Teresa, subitement intéressée.

— Tout juste, un peu comme Nero Wolfe ou le fameux Don Isidro Parodi de Borges et Casares.

— Ou comme Sherlock Holmes dans l’homme à la lèvre tordue et encore Hercule Poirot avec La Disparition de M.Davenheim.

— On peut voir les choses comme cela, petite sœur ! conclut Marcy en se versant une nouvelle tasse de thé.

En attendant, le de plus en plus énigmatique monsieur Wordsmith semblait fasciner Star :

— Dis-moi, Marcy très chère, comment en es-tu venue à travailler pour ce si curieux personnage ?

— Disons que ce fut un complet hasard !

Max, qui n’avait encore rien dit, jugea qu’il était temps d’ajouter son grain de sel à la conversation :

— Hé bien pour commencer, il faut savoir que fameux Benny B. Bloobs n’y fut pas étranger.

— Ce gros balourd stupide ?

— Tout juste, voilà les faits ! Marcy, n’oublie pas de me corriger si j’oublie quelque chose :

Soyons clairs, si vous croisez Benny Blarney Bloobs, vous aurez certainement le réflexe de changer de trottoir sans attendre. Né un peu trop tard pour faire carrière comme lutteur de foire, Benny avait manqué sa vocation : environ deux mètres dix de la semelle de ses bottes au sommet de sa casquette à carreau pour pas moins de deux cents kilos, une barbe et des lunettes noires à la ZZ Top et une esthétique vestimentaire improbablement située quelque part entre le biker américain, le gentleman-farmer et le guerrier visigoth ! Coquetterie de plus, il portait un anneau — assez imposant — dans le nez, conséquence d’un pari stupide, mais qui somme toute ne jurait pas tant que cela avec le reste de sa tenue.

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