Chapitre XI.1

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Le monde est une comédie pour ceux qui pensent,

une tragédie pour ceux qui ressentent

Horace Walpole

Comment se lever de bonne heure — Winston et l’ordinateur malade — Un problème évident — Coup de pouce — Hasard et nécessité — Un travail inattendu — Recrutement et thème astral — Applepies&Conspiracies — C’est un complot ! — Travailleurs détachés — La nouvelle lubie de Teresa — L’art de ne rien faire — Qui êtes-vous, Monsieur Wordsmith ? — La vocation contrariée de Benny Blarney Bloobs — Nouveau plan de carrière — Le choc des titans — Un sujet d’étude inattendu — De la nécessité d’une bonne mutuelle.

La petite baignade de la veille avait finalement fait du bien à tout le monde et la famille Green dormit du sommeil du juste, enfin jusqu’au moment où Marcy, en pleine forme, voulut inviter ses cadets à faire un peu d’exercice matinal. Il est inutile de préciser que les jumeaux — surtout Teresa — n’avaient pas vraiment la même conception, en termes de temporalité, du mot matinal : pour Marcy, la matinée commençait après cinq heures et demie, six heures maximum, et pour elle une grasse matinée pouvait aller jusqu’à huit heures et demie maximum. De toute façon, son métabolisme prenait le dessus dès six heures et la mettait en pilotage automatique : ainsi elle enchaînait sa douche, son choix de vêtements et son petit déjeuner suivant le rythme méthodique et précis de son horloge interne qui en fin de processus — on aurait presque pu entendre le ding annonçant la fin de cuisson — livrait une Marcy pimpante, pleine d’énergie et prête pour sa journée de labeur ! En ce qui concernait Teresa, cela faisait longtemps que son horloge personnelle avait perdu ses aiguilles, ou plutôt elles étaient restés bloquées sur dix heures et demie du matin, moment où elle se levait — enfin glissait mollement de son lit — continuait de glisser vers la salle de bain, là elle retrouvait une station plus ou moins verticale et engageait le combat avec sa brosse à dents (un modèle électrique comme celle de Max, mais ce choix était plus nettement plus guidé par la flemme que par l’efficacité dentaire) combat dont elle sortait vainqueur en moyenne quatre fois sur six. Ensuite, elle glissait à nouveau lentement le long de l’escalier, puis du bas de l’escalier jusqu’à la cuisine, endroit qui déclenchait son système de géolocalisation olfactif pour la guider vers la cafetière, puis la ramenait vers la table. Au bout de deux mugs grand format, son cortex cérébral terminait enfin sa séquence d’initialisation grâce à laquelle elle pouvait enfin ouvrir les yeux, cesser de s’exprimer par monosyllabes et reprendre sa place dans le monde des vivants.

Mais c’était les vacances et après une longue discussion — avec un argumentaire, une rhétorique et des subtilités de négociation dignes d’une tentative d’harmonisation fiscale européenne ou de la question irlandaise — Marcy renonça temporairement à convertir les jumeaux aux bienfaits de l’exercice matinal ; de toute façon Star venait d’arriver et se proposait d’accompagner la belle sportive dans son footing quotidien. La jolie blonde avait revêtu pour l’occasion une brassière couleur anis, un pantalon moulant vert et jaune citron et des baskets assorties ; elle ressemblait tout à fait à un sucre d’orge et Teresa se serait sans doute laissé aller à quelques sous-entendus grivois à ce sujet si Max ne l’avait pas subtilement fait taire d’un violent coup de coude dans les côtes ! Marcy et Star parties, les jumeaux retrouvèrent leur vitesse de croisière : Max versa une imposante ration de café à sa sœur, ils s’installèrent sur la terrasse pour déjeuner et, tandis que Teresa puisait largement dans la corbeille de viennoiseries, il se remémora un incident qui sur le moment ne l’avait pas marqué sur le moment, mais comme il y quelques jours, la DRH lui avait laissé entrevoir la possibilité de prolonger son contrat, sujet qui jusqu’à présent n’avait encore jamais été évoqué, il ne put qu’y repenser tant il est vrai que dans sa vie comme dans sa carrière, le hasard eut beaucoup à faire avec Max :

Un jour qu’il passait devant le bureau de la contrôleuse de gestion Mme Marquet, femme d’un certain âge et même d’un âge certain, cette dernière lui demanda :

— Dites-moi, Max, vous qui vous y connaissez un peu en informatique, depuis ce matin mon PC ne veut plus démarrer. Pouvez-vous y jeter un coup d’œil ?

Il hésita un instant : cette maîtresse femme, qu’il surnommait en privé « Winston » du fait de sa notable ressemblance avec un bulldog et parce que ses décisions en matière d’optimisation des ressources financières se soldaient immanquablement par du sang, de la sueur et des larmes, était comme on l’aura compris d’un abord assez intimidant. Néanmoins, il entreprit d’entrer dans la cage au lion et posa ses dossiers sur un coin libre du bureau :

— Je vais jeter un coup d’œil, ce n’est peut-être pas très grave !

— J’espère bien, le travail s’accumule et je n’ai pas envie d’attendre le bon vouloir de ces fumistes de la maintenance informatique qui ont toujours plus urgent à faire !

Cela s’annonçait mal, Winston avait envers les ordinateurs la même défiance que cette chère miss Salisbury, mais ils étaient néanmoins indispensables à son travail, de ce fait ses rapports avec les équipes de maintenances étaient souvent tendus.

— Avez-vous essayé de le redémarrer ?

— Trois fois, sans succès, vous avez une idée de ce qui se passe, Max ?

Au chevet de l’ordinateur malade, le pauvre Max s’inquiéta : dans les administrations le matériel informatique était le plus souvent en retard d’une ou deux générations, le temps que les spécifications matérielles et logicielles soient validées par tous les échelons hiérarchiques. Autant dire que le poste de travail de Mme Marquet était un vieux coucou et le fait qu’un simple redémarrage ne règle pas le problème le rendait plus inquiétant encore : Max pensa à un problème de carte mère, d’alimentation ou pire encore de disque dur, ce qui aurait envoyé l’engin à la casse et il redoutait la réaction de sa propriétaire s’il devait lui annoncer la perte de ses précieux fichiers (en dépit des consignes sur les sauvegardes des données, il était à peu près sûr qu’elle ne s’en était jamais préoccupée) en attendant la machine inerte se contentait d’un vague message sur son écran noir !

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