Chapitre X.1

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Seigneur, j’étais dans le néant, infiniment nul et tranquille. J’ai été dérangé de cet état pour être jeté dans le carnaval étrange.

Paul Valery

Tu aimes les gens ; ils t’intéressent. Moi, je préfère les lieux.

Kenneth Grahame à sa femme

Préparatifs — Teresa en mission — Affaires et brosse à dents — Chez les MacNulty — Plouf ! — Tour du propriétaire — Une collation bienvenue Tentative d’exégèse littéraire — À toute vapeur — On n’est tranquille nulle part — Teresa s’alanguit — Un moment d’égarement — Mon royaume pour une serviette — Soulagement — Au naturel — Artistes et modèles — Teresa la passe-muraille — Rêverie crépusculaire — Marcy la sirène — Galipettes ? — En toute intimité — Câlinothérapie (bis repetita) — Des sœurs très affectueuses — Enfin tranquille.

Comme bien souvent, ce fut Marcy qui prit les choses en main, estimant que si l’on devait demander son avis à tout un chacun, alors on serait encore là la semaine prochaine. Cette décision peut paraître fort peu démocratique, mais, d’une part il est établi que les familles ne sont généralement pas des démocraties, d’autre part Max et Teresa ont parfois tendance à se disperser et à faire preuve d’un sens de l’organisation des plus approximatifs ! Marcy résolut donc de faire le point avec ses cadets autour d’un thé dans la cuisine :

— Bien ; Max pendant que tu étais chez le garagiste, Star m’a appelé pour confirmer l’offre de son oncle et m’en dire un peu plus : l’hôtel des MacNulty est du côté de l’Estérel et sur les hauteurs de l’arrière-pays, donc ce n’est vraiment pas loin et nous devrions y être en environ une heure ; ce qui fait que l’on ne va pas s’encombrer de tout un tas de trucs inutiles, hein, Teresa ?

— Pfft, dire que les livres — mes chers livres — sont inutiles ! Eh bien, venant de toi Marcy cela m’attriste et m’étonne et…

— Je te fais juste observer que pour un petit séjour de détente tu n’as pas réellement besoin de trimballer un volume de bouquins équivalent à la totalité de l’Encyclopædia Britannica !

— Marcy n’a pas tort ! on va justement chez l’oncle de Star pour se changer les idées, changer d’air, tu peux survivre quelques jours sans tes livres, non ?

— J’essaierai, mon vieux, mais ce sera très dur et...

— Si tu as terminé ma grande, je te suggère — si vraiment tu veux te rendre utile — d’aller faire une petite course en ville ! Cela te dégourdira les pattes et t’éviteras la tentation de remplir une pleine valise d’autres bouquins !

— Pourquoi ? Max a fait les courses il y a deux jours !

— Teresa, insista Marcy, je pense qu’il serait des plus courtois, étant donné que nous aurons le gîte et le couvert gratis, d’apporter au moins une boite de chocolats à nos hôtes ! Va chez le confiseur qui est juste à côté de la boulangerie et achète une livre de chocolats assortis, je te passe ma carte bleue et prends au passage quelques beignets à la confiture pour nous trois !

— Si tu me prends par les sentiments, ma tendre Marcy, alors je m’incline volontiers !

— Et tu n’oublies pas le reçu !

— Merci de m’honorer de ta confiance…

Teresa fit une révérence des plus comique à son ainée, mit la carte bleue dans son portefeuille et prit congé. De leur côté, Max et Marcy empaquetèrent assez rapidement leurs affaires : quelques maillots de bain, trois ou quatre t-shirts et pantalons de rechange, sous-vêtements, etc. Marcy avait presque toujours une petite valise prête, au cas où un de ses groupes habituels partirait pour un concert improvisé, et n’eut qu’à rajouter un ou deux maillots de bain qui — à ce que Max pouvait en juger — ne manqueraient pas de donner des palpitations à cette chère Star.

Quant à Max, si emballer ses affaires ne lui pris guère de temps, il en perdit par contre beaucoup à retrouver sa brosse à dents et à se souvenir s’il l’avait ou non empaqueté : cet ustensile indispensable avait manifestement le don de se trouver à la fois part tout et nulle part, un peu comme le fameux chat de Schrödinger ou les paires de chaussettes dans la machine à laver. Après avoir tourné en rond un bon moment, il demanda à Marcy si, par hasard, elle ne l’avait pas vu. Avec son pragmatisme habituel, Marcy lui fit remarquer qu’au pire un arrêt dans la première pharmacie venue résoudrait le problème étant donné qu’ils passaient des vacances seulement dans l’arrière-pays et non pas aux confins de l’Himalaya !

Le temps que Teresa soit revenue, les bagages étaient faits et considérant que Teresa ne prendrait pas trop de temps à faire les siens — si elle s’en tenait aux vêtements — il était presque deux heures de l’après-midi ; par précaution, Max téléphona à Star pour lui demander si elle était prête et celle-ci répondit — assez mollement — qu’elle aurait bouclé ses bagages d’ici une petite heure et qu’ils pouvaient prendre leur temps. Teresa fit une ou deux tentatives — avec corruption — pour tâcher d’emporter un maximum de livres, mais ses ainés tinrent bon et elle se consola en se vengeant sur les beignets.

Les bagages enfin bouclés, le trio quitta la maison sur le coup de trois heures et quart et, après avoir fait un détour pour récupérer la jolie blonde — enfin prête — à son appartement, tous se mirent en chemin et Marcy, qui avait bien préparé l’itinéraire, décida de prendre la route nationale, jugée plus nettement plus agréable et délassante que l’autoroute. Comme l’avait expliqué Star, l’hôtel du couple MacNulty était perché sur les hauteurs de l’Estérel, mais facilement accessibles et d’où l’on pouvait voir — toujours selon Star — la baie de Cannes. Le voyage fut des plus tranquille et se déroula sans incident, même si à un moment Teresa se proposa de citer quelques passages de Ulysse pour distraire l’assistance, mais Marcy lui fit gentiment remarquer que la lecture de James Joyce nécessitait une telle concentration d’esprit pour l’apprécier pleinement que cela risquait par trop de la distraire de la conduite et mettre en péril ses passagers. Teresa bouda un peu, du moins jusqu’à l’arrivée à destination.

Situé dans un parc arboré, le domaine des MacNulty comprenait un vaste corps de ferme, mas quelque peu à l’abandon que l’oncle de Star avait acquis pour une bouchée de pain, tandis que tante MacNulty ; qui avait l’architecture dans le sang, s’occupa de la réfection : elle était justement assez habile pour ne pas tomber dans ces caricatures architecturales qui polluent les bâtiments de cette sorte et réussit le pari d’en faire un hôtel à la fois modeste — il ne comptait que dix grandes chambres — mais suffisamment haut de gamme pour attirer une clientèle aussi aisée qu’en mal de calme et d’authenticité. Les prestations supplémentaires, telles que le sauna ou les deux grands bassins extérieurs qui combinaient de façon plutôt heureuse les bains nordiques et l’Onsen japonais, contribuaient aussi parfaitement à combler les exigences des clients qu’à justifier les tarifs assez dispendieux du séjour. En garant la voiture devant l’entrée, Marcy put constater avec plaisir qu’une immense piscine s’ajoutait au reste, bordée de lavandes, de canna flamboyant et de genêts qui formaient des petites rocailles aux pieds de majestueux pins parasols.

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