Chapitre X.2

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L’oncle John MacNulty, qui attendait ses visiteurs sur le parking, semblait encore plus irlandais que si on l’avait directement extirpé d’une brochure vantant les mérites de la verte Erin ; à peine eut-il vu Star qui descendait de la voiture qu’il accourut prestement à la rencontre de ses invités :

— Comme je suis content de te voir ma chérie, cela fait drôlement longtemps ! dit-il en serrant joyeusement sa nièce dans ses bras.

C’était un bel homme de haute stature, visage franc et mâchoire carrée, mais toujours ornée d’un sourire aimable, le poil roux coupé court et des yeux limpides et clairs, dignes du glacier Briksdal. En dépit d’une météo particulièrement estivale, John MacNulty portait un polo clair sous sa veste de velours chamois, avec un pantalon assorti et de robustes chaussures de marche en daim. Dès qu’il eut fini d’embrasser sa nièce, il vint saluer les nouveaux arrivants, sa voix claire et joyeuse, mais tintée d’un léger accent — Connacht ou Ulster peut-être — contribuait non seulement à le rendre très sympathique, mais aussi à parachever son statut de parfait cliché irlandais (à dessein sans doute si l’on en croit l’avis de Teresa, qui comme tout le monde le sait, adore jouer les expertes autoproclamées).

Teresa qui, justement, s’était éloignée rapidement de la voiture de peur que Marcy lui demande de sortir les bagages rejoignit Max et Star vers la piscine. Elle faisait vraiment plaisir à voir : foulant joyeusement le magnifique gazon de la propriété MacNulty avec un plaisir délicieusement régressif et un sourire jusqu’aux oreilles ; Teresa ne tarissait pas d’éloges sur cette verdoyante pelouse et les majestueux pins parasols. Rayonnante, elle s’approcha de Star :

— Dis-moi, Star très chère, est-ce que cette superbe piscine est tout à fait opérationnelle?

— A priori, oui !

— Est-elle chauffée ?

— À moins que mon oncle ait changé quelque chose, elle est toujours à vingt-six ou vingt-huit degrés et….

— Pas la peine ! Allez, Max, vient te baigner mon vieux !

— Oui pourquoi pas ? Attends une seconde, je crois que nos maillots sont dans un sac qui encore dans la voiture, je vais voir si…

— Nos maillots ? Hum, pas de souci !

Max eut à peine le temps de comprendre : Teresa s’était débarrassée de ses oripeaux — jusqu’au dernier, excepté bien sûr son serre-tête — et plongea avec toute la grâce d’un lion de mer dans cette eau cristalline, éclaboussant généreusement Max et Star au passage.

— C’est malin, je suis trempé !

— Raison de plus pour sauter de suite, mon grand, elle est excellente !

Max soupira, ils n’étaient là que depuis quelques minutes et Teresa avait déjà montré à ses hôtes, juste pour s’échauffer, l’idée qu’elle se faisait de la décontraction ! lorsqu’elle en serait à la totalité de son potentiel, cela deviendrait joyeux...

Il eut un instant un peu peur que Star ne l’imite, mais la jolie blonde se contenta d’éclater de rire tout en se dirigeant vers la voiture, où Marcy achevait de sortir les bagages, afin de lui proposer de proposer une éventuelle baignade improvisée (sait-on jamais ?)

Teresa pataugeait joyeusement, mais trouvait incontestablement bizarre qu’en dépit de ses invitations, Max puisse sembler un brin réticent à se dénuder de suite et plonger avec elle. Histoire de le motiver un peu, plus elle entreprit un arrosage en règle, avec autant d’efficacité que si la nature l’avait doté d’un évent. Il décida de la laisser barboter et tandis que Star lui faisait faire le tour du propriétaire ; Max commençait à vraiment apprécier les lieux qui lui rappelaient le parc floral jouxtant Stratford et le parc du domaine MacNulty semblait presque aussi vaste, méticuleusement entretenu et — hormis un bosquet de palmiers — presque exclusivement peuplé de pins parasols de cyprès. Quant aux nombreux buissons de lauriers roses et de bougainvilliers grimpants, ils formaient de grandes taches de couleurs en contrepoint de toute cette verdure ambiante. C’était exactement le genre d’endroit ou Max aurait aimé passer de longues vacances — loin de monsieur HiggelBottom et consorts — malheureusement les tarifs de l’oncle de Star étaient quelque peu incompatibles avec ses finances.

Tout le monde regagna les chambres qui leurs étaient attribuées afin d’y déposer leurs affaires et de faire un éventuel brin de toilette, surtout Star, très désireuse d’impressionner Marcy. Et même si l’heure du déjeuner était très largement dépassée, le couple MacNulty avait prévu une généreuse collation — preuve qu’ils connaissent bien l’appétit de leur nièce — assortie de non moins généreux café irlandais qui fut particulièrement appréciée et dont certains des convives les plus enthousiastes abusèrent un tant soit peu (on ne donnera pas de noms par simple charité, mais nos lecteurs les plus attentifs auront sans doute déjà quelques idées…) Après ces libations qui mirent au beau fixe le moral des troupes, tout le monde eut quartier libre jusqu’au dîner, sauf Teresa qui essaya d’entamer une discussion sur les œuvres de James Joyce avec oncle John qu’elle estimait — en bon irlandais qu’il était — à même de disserter sur son illustre compatriote (et encore une fois, par charité, on laissera au lecteur le soin d’imaginer la suite) devant ce début — inattendu, bien que pourtant prometteur — d’exégèse littéraire, les autres se dispersèrent très rapidement, attitude que Teresa trouva des plus ingrate…

Il était maintenant six heures et demie et Max ; qui avait largement profité du parc, rechercha maintenant un peu de tranquillité et se décida à expérimenter les vertus du bain de vapeur sèche qu’offrait le sauna. Après tout si elles réussissaient aux familles norvégiennes, elles auraient bien sur lui des effets aussi relaxants que revigorants ; ayant s’être dévêtu, réglé la température et versé un peu d’eau sur les pierres de lave, il s’installa du mieux possible sur le banc en bois d’épicéa et entreprit de se détendre. Après les élucubrations de Teresa, il avait également réussi à échapper à une nouvelle histoire de Star qui — ayant elle aussi un peu forcé sur l’excellent Irish Coffee d’oncle John — avait commencé à raconter comment un cousin de son grand-père, au sortir d’un pub enfumé, quelque part sur les quais mal famès de Cork, s’était fait tatouer « J’adore Miss Fitzpatrick et la salade de harengs saurs » sur une zone singulière de son anatomie…

Le calme et le silence aidant, et en dépit de la température, il se surprit presque à somnoler. Soucieux tout de même de ne pas finir bouilli comme les crustacés prévus au dîner pour ce soir, il se redressa un peu, vérifia les réglages de températures comme tante McNulty le lui avait expliqué puis croisa les bras derrière la tête et goûta un moment de repos bien mérité. Effectivement la vapeur commença à dispenser ses vertus relaxantes et même si le banc d’épicéa n’était pas ce qui se faisait de plus confortable pour son postérieur, Max — sous les effets conjugués de la vapeur et du café irlandais — retrouva peu à peu un degré de sérénité qu’il n’avait pas ressenti depuis un bon moment. En général, il appréciait beaucoup la compagnie de sa famille, de Star, Lucy ou le reste de son entourage habituel, mais il tenait également, et presque par-dessus tout à sa tranquillité. Et à l’instar d’un Glenn Gould, qui avait besoin de longs moments de complète solitude après le moindre temps passé en société, Max aimait profiter d’un peu de temps seul dans un coin tranquille, calme et savourer ainsi un moment de solitude bien mérité, loin de la foule des perturbateurs.

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