Chapitre IX.2

5 minutes de lecture

Un des deux extraterrestres tourmenteur était en train de fourrer dans le gosier de leur patient improvisé un quelconque liquide d’apparence infect quand la sensation de quelque chose d’humide contre son cou faillit envoyer Max au plafond, mais il eut assez de présence d’esprit pour tourner la tête légèrement sur sa gauche et s’apercevoir avec un soulagement — somme toute relatif — que c’était simplement cette brave Teresa qui, dans toute la profondeur de son sommeil et avec la générosité d’une limace, commençait à saliver — pour ne pas dire baver copieusement — contre son cou ; charmant !

Il repensa au mauvais tour qu’elle lui avait joué trois ans auparavant, lors de vacances en famille chez tante Beth. C’était au début de l’automne et Marcy, Teresa et lui discutaient dans le jardin autour d’un verre tandis que tante Beth et leur cousine Minerva s’étaient absentées pour la soirée. Il faisait nuit et la campagne environnante les enveloppait de toute son obscurité : Teresa scrutait le ciel tout en dissertant sur la pluralité des mondes possibles, citant pêle-mêle Pascal et Giordano Bruno — à sa décharge, elle en était à son quatrième verre — et Marcy, captivée, l’écoutait avec une attention inhabituelle tandis que Max se demandait sérieusement ce qui allait sortir de tout cela et d’un seul coup un sifflement sourd et continu se fit entendre, venant du champ voisin en contrebas.

Avant même qu’il ait pu se retourner pour voir ce qui se passait, Max fut abasourdi par l’expression absolument terrifiée de Marcy qui recula sur sa chaise : connaissant sa sœur, si quelque chose pouvait la terroriser à un tel degré, ce ne pouvait qu’être la fin du monde… quand il tourna la tête, ce fut pour voir un mur de fumée et de lumière rouge-grenat qui provenait de derrière les arbres, projetant les ombres de ceux-ci comme des spectres distordus, et les lumières bougeaient. Ce n’était pas un feu ou un incendie — ce qui aurait été effrayant, mais naturel — la ou les choses qui empourpraient la nuit venaient lentement, inexorablement sur eux dans un silence maintenant absolu et leurs fumées incandescentes rouillaient le métal des cieux. Max ne pouvait détacher ses yeux de cette apocalypse et son cœur faillit lâcher quand il entrevit la silhouette : une ombre changeante, vaguement humanoïde avec ce qui semblait un crâne parfaitement sphérique, mais un corps… un corps si maigre et décharné aux bras longs et fins comme des brindilles, bien trop décharné pour être simplement humain !

Face à cette porte des enfers, Max avait définitivement perdu toute espérance quand d’un coup, d’un seul il entendit derrière lui rire, et même rire aux éclats ! Ou Marcy et Teresa étaient devenues irrémédiablement folles de terreur ou bien elles se fichaient de lui ; une autre silhouette émergea de la lumière et des fumées à présent éteintes et dissipées : à moins que les extraterrestres ne comptent dans leurs rangs de superbes rousses aux longs cheveux bouclés, aux poitrines opulentes et à la peau hâlée, l’apparition semblait bien être sa très terrestre et matérielle cousine Minerva « Mish » MacCommara. Cette dernière, hilare, rejoignit le trio et passa plus qu’amicalement ses bras autour du cou de son pauvre cousin affolé qui commençait tout juste à comprendre la situation :

— Mon pauvre Max, tu verrais ta tête ! Tu vois, c’est fou ce que l’on peut faire avec des feux de Bengale, un melon, un vieux sac de toile et quelques bâtons ! Et, bien évidemment, quelques complices !

Elle fixa Marcy et Teresa qui pleuraient de rire elles aussi… Alors ce pauvre Max devint terrible, il les traita de tous les noms d’oiseaux qui lui venaient — s’étonnant même d’en connaitre autant — et jura de se venger, de les renier, de les couvrir d’opprobre et de les bannir à jamais de sa vie. Les trois filles écoutèrent sans broncher cette tirade vengeresse, quand Max est dans cet état le mieux est de le laisser se vider et d’attendre. Ses terribles résolutions durèrent environ un quart d’heure et prirent définitivement fin lorsque, malgré l’heure tardive, Mish sortit une énorme brioche aux fruits, du café et du cognac.

On comprendra donc que Max, tout raisonnable qu’il soit, n’ait guère l’envie de voir son nom figurer sur la même liste que Travis Walton ou encore Betty et Barney Hill ! Du reste, il avait l’habitude, s’il devait par hasard rouler la nuit et seul, de vérifier scrupuleusement heure de départ et d’arrivée dans la crainte — tout irrationnelle qu’on puisse la trouver — d’un quelconque « Temps manquant » concept bien connu des amateurs d’ovnis. Tellement bien connu que Teresa — toujours fine — trouva amusant et spirituel, un soir qu’elle et Max rentraient de nuit d’une visite dans leur famille, de modifier l’horloge de la voiture pendant que Max s’était arrêté pour remettre de l’essence, Teresa n’eut pas à en faire trop pour réussir à mette son jumeau tellement mal à l’aise qu’il en frôla la crise d’angoisse majeure. Certes, toutes ces choses sont hautement soumises à caution et il est infiniment plus probable d’être la victime d’un malfaiteur bien terrestre que celle d’un touriste d’outre espace !

Mais, et quoiqu’on en dise, même l’individu le moins imaginatif et le plus terre à terre qui puisse exister — monsieur Harris Bloom par exemple — a au fond de lui l’intuition confuse que si se réveiller avec la vision d’un quelconque malfaiteur penchée sur vous est incontestablement une expérience effroyablement traumatisante, cette expérience vous mènera littéralement au-delà de la folie si la silhouette de votre visiteur nocturne n’est pas une silhouette humaine…

Quoiqu’il en soit, le brave garçon finit tout de même par tomber dans les bras de Morphée — ce qui vaut tout de même mieux que ceux des médecins interstellaires — et c’est Marcy qui au retour d’une soirée entre amis, réveilla gentiment le trio.

Comme personne ne travaillait non plus ce jour-là et que Lucy était encore en vacances, chacun prit son temps pour le petit déjeuner, puis Teresa raccompagna Lucy — manifestement ravie de sa soirée — chez ses parents tandis que Max et Marcy s’attaquèrent à la suite des opérations. Bien décidés à profiter au mieux de l’offre de Star, il fallait boucler au plus tôt leurs quelques bagages, sachant par expérience que la jolie blonde avait tendance à emmener la quasi-totalité de ses affaires, ne serait-ce pour un séjour d’un seul après-midi. Max proposa de s’occuper de la voiture pendant que Marcy commencerait les préparatifs. Comme tous les ans Max amenait au garage la petite berline familiale, qu’il se partageait avec Marcy et Teresa, pour sa révision, aucun des trois ne roulait beaucoup, mais au prix ou sont les voitures mieux valait les entretenir au mieux. Il profita donc de leurs vacances improvisées pour décider d’offrir de suite à la voiture son check-up annuel. Max tenait beaucoup à cette voiture, car pour les déplacements qui excédaient de trop la périphérie de Stratford, il la préférait de loin aux transports en commun pour toutes les raisons expliquées auparavant et pour des raisons assez différentes de celle de Max, Teresa n’aimait guère les transports en commun.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire HemlocK ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0