Chapitre IX.1

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Ayez d’abord des faits à citer, puis truquez-les autant que vous voudrez.

Mark Twain


Une invitation — Shopping improvisé — Teresa Westenra — Soirée télé — Max et la réincarnation — Insomnie forcée — D’après une histoire vraie — Pluralité des mondes et canular — Cette malicieuse cousine Mish — Gare au Tempus fugit — Réflexions — Préparatifs matinaux — Portrait de l’artiste en resquilleuse — Antonio et son garage — Les dessous de la Mafia — Don Expresso Ristretto — À vos risques et périls — Excédent de bagages.

Le coup d’éclat de Lucy au Newport Coffe avait laissé cette dernière complètement épuisée, mais son patron étant d’une nature généralement accommodante (et surtout content d’être débarrassé de ces gêneurs) il lui accorda le reste de l’après-midi. Max en profita pour l’inviter à passer la soirée avec Teresa et, sans trop de surprises, l’adolescente accepta avec joie.

Teresa, prévenue par téléphone, se chargea avec beaucoup d’enthousiasme de tout préparer d’autant plus que Max assurait la quasi-totalité du budget. Lorsqu’il revint plus tard en compagnie de Lucy, avec qui il avait fait la tournée d’un certain nombre de boutiques — pour la plupart des bouquinistes habitués de la jeune fille — mais aussi d’un petit bijoutier fantaisie où Lucy trouva, dans un inhabituel élan de coquetterie, une paire de boucles d’oreilles en triangles inspirés des symboles Illuminati et un collier assorti (Max fut si surpris que dans un moment d’égarement, il paya d’une traite ces singuliers bijoux) Max constata que sa jumelle avait bien fait les choses : au moment où ils arrivaient devant la porte celle-ci s’ouvrit dans un grincement inhabituel, dévoilant une Teresa dont l’attitude étrangement solennelle tranchait avec son accoutrement : un long poncho rouge sang rayé de noir, des leggins et de longues mitaines noires, de lourds bracelets de bronze aux poignets et aux chevilles ainsi qu’un imposant collier d’hématite. Devant ses invités, quelque peu surpris, elle fit une gracieuse révérence avant de déclarer d’une voix inhabituellement grave :

— Bienvenue chez moi ! Entrez librement et de votre plein gré. Et laissez quelque chose de ce bonheur que vous apportez…

Avant même que Max ait eu le temps de se demander où Teresa avait pêché son déguisement, il fut stupéfait — mais heureux — d’entendre Lucy éclater de rire aussi franchement !

De plus en plus curieux, songea-t-il, amusé, en voyant sa jumelle attifée à peu près comme la Lucy Westenra du film de Coppola. En tout cas, l’effet était des plus saisissant et lorsqu’ils passèrent à sa hauteur, Teresa ne manqua pas de succomber à la tentation d’en faire trop et de mordre — gentiment — Lucy et Max dans le cou : Lucy couina comme une musaraigne ébouillantée et Max faillit tomber dans l’escalier, mais fort heureusement cela n’entama pas la bonne humeur de chacun.

Tout le monde s’installa dans le salon et pendant que les deux filles discutaient, il gagna la cuisine pour préparer le nécessaire. Teresa avait effectivement bien fait les choses, car il trouva tous les ingrédients nécessaires à la soirée : à savoir des chips au paprika, au poulet et à la moutarde, des doritos ultras pimentées, des noix de cajous grillés, des cacahuètes et pleins de fruits secs, deux pizzas grand format jambon — fromage — champignons, deux anchois olives pepperonis, des petites saucisses et un assortiment d’olives, des cookies, de la glace vanille macadamia, des sodas et des jus de fruits, du café à profusion… Max empila tout ce qu’il put sur un plateau et s’empressa de rejoindre les filles qui accueillirent toutes ces victuailles avec un enthousiasme des plus plaisants.

Un peu plus tard, pour se mettre à l’aise, Teresa avait troqué son déguisement pour une tunique grenat informe tandis que Lucy s’était débarrassée de ses mocassins et remplacé son éternel sweater chauve-souris par une chemise de flanelle à carreau piquée dans l’armoire de Max. Ce dernier se demandait régulièrement à ce propos pourquoi toutes les filles qui venaient dans sa maison, à savoir principalement Star, Lucy et Mish, empruntaient systématiquement ses affaires. En attendant, lui aussi avait revêtu un pyjama confortable pour continuer la soirée et Teresa décida de lancer la séance cinéma, moment que Lucy, Max et elle-même attendaient avec impatience : la soirée commençait vraiment !

Bien plus tard, à demi assoupi sur le sofa, Max se demandait sérieusement si dans une vie antérieure, il n’avait pas été un coussin, un confortable oreiller, un canapé ou encore un matelas : étant donné le nombre de personnes qui avaient tendance à se caler, se fourrer, se blottir, voire s’étaler sur lui ; et cela allait de cette chère Teresa jusqu’à Milton, le chat énorme et mou qui servait d’animal de compagnie à Lucy, en passant par Lucy elle-même et occasionnellement la charmante Star.

En tout cas, les deux filles ne se posaient visiblement pas la question : Teresa s’était calée contre l’accoudoir du sofa et s’alanguissait sur l’épaule de Max, tandis que Lucy s’était elle aussi pelotonnée contre lui, la tête paisiblement posée sur ses genoux. Paisibles, effectivement, les deux dormeuses l’étaient tandis que lui… Max se promettait — une fois de plus en l’occurrence — de ne plus laisser le choix du programme télé à Teresa ; elle s’était certes surpassée, comme toujours, mais en ce qui le concernait, enchaîner Alien, The Thing et Fire in the Sky dans une même soirée était légèrement au-dessus de ses forces.

On en était aux vingt dernières minutes de Fire in the Sky — les plus terrifiantes — juste au moment où le héros du film retrouvait la mémoire et ces deux fichues marmottes dormaient comme des sacs. Comment peut-on s’endormir devant ce film ? Surtout quand les extraterrestres en titre se mettent en tête de jouer au docteur avec un malheureux bûcheron qui ne leur avait rien demandé et voulait juste couper quelques arbres tranquillement pour boucler ses fins de mois !

Bien évidemment, cette andouille de Teresa s’était assise sur la télécommande, la couvant avec toute la légèreté d’une enclume, et il lui était impossible de se lever sous peine de faire dégringoler la pauvre Lucy de ses genoux (et elle aussi pesait diablement lourd en regard de son gabarit) Max était donc condamné à endurer le spectacle et à subir — certes par procuration, mais tout de même — le supplice du pauvre type en proie aux improvisations médicales d’outre espace. Entre l’épouvantable parasite biomécanique d’Alien, la créature métamorphe sanguinolente à souhait de The Thing et les médecins extraterrestres kidnappeurs ; difficile de dire qui était le plus terrifiant ! Peut-être ceux de Fire in the Sky, dont les évènements étaient — parait-il — basés sur des faits réels, ce qui laissait place à tout un tas de spéculations peu réjouissantes pour quiconque à un esprit porté sur l’imagination, et Max n’en manquait pas

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