Chapitre VIII.2

3 minutes de lecture

Max se retint d’éclater de rire, même s’il avait un peu de peine pour la pauvre Lucy. En attendant, celle-ci, qui était partie vers le comptoir, passa devant eux en grommelant : « Un échantillon ! Tu parles, c’est monsieur VanLangenhove qui va être content ! Et ce sale gosse Booo ! Booo ! à n’en plus finir, petit crétin va ! Dire que certaines espèces ont au moins la décence de bouffer leur progéniture si elle est défectueuse… »

Max se crispa un peu, autant du fait de ces propos inhabituellement virulents que de l’éclair vert des yeux de Lucy, terriblement menaçant cette fois-ci malgré les épaisses mèches noires qui le masquait. Certes elle exprimant une rancœur légitime, mais qui, mâtiné de ce bon sens très darwinien, vous donnait quelques frissons dans le dos, indubitablement Lucy était une joyeuse nature !

Pour sa part, Star, qui avait fini de croquer les gaufrettes dans l’assiette de son ami, continua d’observer les joyeux convives. Tandis que sa compagne peinait à écrire une carte postale et à faire taire ses lardons, le type sortit et tritura compulsivement son téléphone portable — chaque époque a les objets transitionnels qu’elle peut —, Star se dit que la suite risquait d’être intéressante…

Max entr’aperçut Lucy qui discutait avec son patron ; quinquagénaire assez râblé, d’ordinaire affable, mais dont les moustaches en guidon de vélo pointaient à présent de façon menaçante. Quelques minutes plus tard, elle apportait à la table de ses tourmenteurs une petite coupe avec trois boules de glace et une gaufrette en guise de bonne volonté.

— Voici, monsieur : vanille, chocolat, pêche. Le chef vous souhaite une bonne dégustation.

Le hipster d’occasion regarda la coupe sous tous ses angles :

— Hum, à voir comme ça, en plus le chocolat c’est toujours un peu écœurant, enfin, on va goûter… Qu’est-ce que tu en penses chérie ?

— Le chocolat est pâteux, la vanille est un peu meilleure, mais elle ne vaut pas celle qu’on a mangée à Saint-Raphaël ce matin.

— Tu as raison, et la pêche est fade en plus !

— Un peu molle cette gaufrette, si ça s’est du fait maison… hum ce ne serait pas plutôt du déballé maison ?

Les joues de Lucy commencèrent à prendre une belle couleur fuchsia, mais elle resta de marbre ; après tout le client a toujours raison. En attendant pâteuses, molles ou fades, les trois boules de glaces et la gaufrette disparurent en un éclair et le bonhomme montra à Lucy son téléphone.

— Si j’en crois ce comparateur, votre café a quand même quelques mauvaises notes — enfin ce n’est pas de votre faute — mais j’ai quand même du doute sur votre « Fait maison » ou alors votre patron se surestime un peu, ce ne serait pas la première fois qu’on fait le coup à des touristes, hein chérie ?

— Écoutez monsieur, murmura Lucy en serrant les mains sur son tablier, je peux appeler mon patron et…

— Non, non, pas la peine, je ne voudrais pas qu’il rate ses fameuses gaufrettes ! Et puis j’ai promis des glaces à mes enfants, bon je vais prendre des coupes simples, mais sans ce… ce chocolat ou cette pêche, il ne faut pas rigoler tout de même ! Ha, j’espère que la chantilly est correcte au moins.

— Elle est en supplément ! avoua Lucy

— Ha, et c’est le bon vieux coup du supplément, toujours la même chose ! Les fameuses «gaufrettes» aussi j’imagine ?

Sans que ce si sympathique couple de vacanciers et leurs merveilleux enfants s’en rendent compte — à moins qu’ils ne s’en fichent royalement — les autres clients commençaient à s’impatienter et les plus proches de la scène, Max et Star en premier, qui ne manquaient rien du calvaire de Lucy ruminaient dans un coin de leur tête des pensées de moins en moins avenantes quant à ces enquiquineurs.

Max, qui est justement très sensible à la présence des enquiquineurs de tout poil, sentit quelque chose qui changeait rapidement dans l’atmosphère ; une subtile, mais sensible baisse de température, la lumière devenant un peu grise, les sons qui s’étouffent. « Exactement comme avant une éclipse solaire » se dit-il « ou alors une tempête » ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire HemlocK ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0