Chapitre VI.4

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Max laissa les deux filles terminer leur discussion, finit son café et monta s’habiller ; il avait encore des choses à terminer et comme il déjà était tard que Marcy, selon toute vraisemblance rentrerait affamée, il songea au dîner qu’il aurait à préparer : Il est bien connu que les grands fauves sont beaucoup plus affables une fois l’estomac plein. Star, qui visiblement avait aussi à faire, s’était rhabillée en vitesse et quitta ses hôtes, non sans avoir encore rappelé à Max qu’ils se retrouveraient à seize heures au Newport Coffe pour l’anniversaire de Lucy. Heureusement, le dîner eut sur Marcy les effets émollients escomptés et elle demanda même à son frère de l’excuser auprès de Star pour son accès de mauvaise humeur, ce qui conforta Max dans l’idée qu’il se faisait de ses talents de médiateur culinaire. Teresa, inspirée, se plongea dans la lecture de Crime et Châtiment pour s’endormir comme une masse un quart d’heure après, démontrant par là même des vertus ataraxiques encore insoupçonnées chez Dostoïevski.

Puis l’après-midi arriva sans encombre. Max arriva un peu avant l’heure convenue devant la vitrine de Jonson&Marlowe, poussa la porte et, tout en cherchant Georges du regard, se dirigea vers le rayon poésie. Il n’était pas très fier de lui : reprocher à Star d’avoir oublié l’anniversaire de Lucy c’était une chose, mais de son côté il n’avait pas fait mieux en oubliant son cadeau. Fort heureusement il se rappelait avoir vu un recueil qui pouvait intéresser la jeune fille — en espérant qu’elle ne l’ait pas déjà — ne restait plus qu’à espérer qu’il soit encore en rayon.

Il fouina un moment sans grand succès et commença à désespérer quelque peu : il aurait juré avoir vu au moins deux exemplaires du recueil « La Terre vaine et autre poème… » dans une belle édition reliée (et à un prix raisonnable) l’avant-veille et avait même pris le soin de les dissimuler sous d’autres livres plus communs. Las, il eut beau se traiter d’andouille et regretter de ne pas l’avoir acheté tout de suite, cela ne ferait pas revenir le bouquin. Le plus curieux, c’est qu’il n’y en avait plus un seul : soit des inconditionnels de T.S Eliot étaient venus en masse rafler tous les exemplaires, chose peu probable au demeurant, soit il n’avait vraiment pas de pot et c’était là sa punition pour oubli flagrant d’anniversaire !

La réponse à toutes ses questions vint de la part de Georges qui lui remit une enveloppe d’un air quelque peu amusé :

— Pour vous, Max !

Ce dernier l’ouvrit, elle contenait un livre et une feuille de papier qu’il lut :

« Mon cher Hastings,

Comme je sais à quel point tu peux te montrer distrait, au point parfois d’oublier mon anniversaire, ce qui est un comble étant donné que — gémellité oblige — il tombe le même jour que le tien. Et comme je suis sure que cette tête de linotte de Star n’a fait que semblant de s’en souvenir et doit à l’heure actuelle — tout comme toi mon très cher frère — chercher désespérément un cadeau de dernière minute (je te parie un repas au Mycroft’s qu’elle va encore offrir un stylo à Lucy), j’ai donc décidé de prendre les devants.

Comme il n’y avait guère que toi pour planquer deux bouquins de T. S Eliot sous un exemplaire illustré de cinquante et une façons originales d’accompagner le poulet rôti en espérant qu’au rayon poésie cela passe inaperçu, je les ai récupérés. Un pour cette chère Lucy, bien entendu, et un pour moi. Rassure-toi, comme je suis une sœur dévouée et aimante, tu pourras récupérer l’exemplaire pour Lucy chez Georges, prêt à emballer, et le dédicacer à ta guise — par pitié, évite les lieux communs — tu trouveras également dans cette enveloppe un exemplaire de « Les Villes tentaculaires » qui à mon sens ravira notre Duchesse des Ténèbres bien-aimée et que tu lui offriras en mon nom.

Ton amour de sœur,

Sherlock

PS : J’espère donc très sincèrement, mon cher Hastings, que tu apprécies les services que je te rends et ne demande qu’en retour ta gratitude et de bien vouloir régler à Georges le montant pour les trois bouquins qu’il m’a avancés… »

— Teresa a beaucoup d’humour et de gentillesse ajouta Georges, amusé, vous avez de la chance Max, je crois que j’aurais aimé avoir une sœur comme elle !

Tout en cherchant son portefeuille, Max répliqua que si cela pouvait lui faire plaisir il la lui céderait volontiers à un tarif imbattable sans toutefois la moindre garantie de service après-vente. Quant à son sens de l’humour, il s’abstint de préciser l’usage qu’elle pouvait en faire !

Il griffonna à la hâte une dédicace propre au caractère de la petite Lucy, qu’il présumait plus sombre qu’à l’ordinaire, puis emballa du mieux qu’il put le bouquin sous le regard compatissant de Georges. Il avait beau râler contre Teresa, il n’empêche qu’elle lui avait tiré une épine du pied et commença à chercher un quelconque moyen de lui témoigner de la gratitude, du moins le minimum syndical en la matière. Tout en y réfléchissant, il continua vers le centre-ville, passa devant le fleuriste et obliqua vers le bord de mer pour atteindre, cent mètres plus loin, le passage qui menait vers le port. De là, rejoindre le café Newport ne prenait qu’une minute et il serait donc pile à l’heure pour attendre Star qui avait promis d’arriver à quinze heures.

Max s’installa à sa place habituelle, en bordure de terrasse là où la vue donnait directement sur l’entrée du petit port de Stratford, il appréciait beaucoup le confort simple des chaises de toile écrue et des petites tables en acajou du Newport. Tapotant machinalement le sac dans lequel il gardait les livres pour Lucy, il regarda au passage sa montre, elle indiquait seize heures et Star devait donc, en théorie, le rejoindre d’une minute à l’autre.

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