Chapitre V.3

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Star ne put qu’acquiescer : il y a peu, se trouvant du côté de Grenoble, elle avait dû prendre un autocar pour rentrer sur Antibes. Cela lui avait coûté trente euros et avait pris douze heures : à tel point que de concert avec d’autres voyageurs elle avait proposé de pousser directement le bus, ce qui irait selon eux plus vite et économiserait du carburant. L’idée d’un séjour au pays de l’homme tranquille fut donc momentanément écartée.

— Humm… Et une île déserte, cela ne serait pas si mal, non ? s’exclama Teresa, soudainement pensive.

Max la regarda d’un air intrigué tandis que Marcy et Star se demandèrent si cette curieuse suggestion pouvait avoir un rapport avec cette nouvelle émission où des gens apparemment sains de corps et d’esprits, du moins à ce qu’on pouvait en juger, abandonnaient joyeusement tout confort moderne pour vivre des aventures que même Papillon en personne, au temps du bagne de Cayenne, n’aurait peut-être pas osé affronter, mais il est vrai que ce dernier ne bénéficiait pas non plus du support médical et technique adéquat.

— Je ne suis pas sûre qu’une île déserte soit un lieu idéal, de plus elles sont difficiles à trouver de nos jours sans compter qu’elles sont pleines de bestioles désagréables, fit sagement observer Marcy.

— Et cela coûterait beaucoup plus cher que l’Irlande, renchérit Star, sauf en cas de naufrage bien sûr…

Bien que consciente que la fréquentation des îles, plus ou moins désertes, avec tout le confort et la logistique voulue était en général l’apanage de ceux dont les comptes bancaires affichent à minima sept ou huit zéros. Il en fallait tout de même plus pour décourager notre Teresa qui, légèrement éméchée, venait de se rappeler qu’un exemplaire quelque peu défraîchi de Paul et Virginie traînait quelque part dans sa bibliothèque :

— Allons, souvenez-vous de ce vieux film, une histoire sur une île tropicale où se retrouvent une jeune fille et un de ses cousins, en pleine nature et tout et tout ! Comment est-ce que cela s’appelait déjà ?

— Je crois que c’était Le lagon bleu, avec Bo Derek dans le rôle de la fille, par contre je ne sais plus quel acteur jouait le rôle du cousin, répondit Star après quelques instants de réflexion.

— C’est ça ! Une île absolument magnifique, pas un nid à serpents, scorpions ou autres bestioles, non, non ! Une eau et un ciel sublime, des fruits et de l’eau douce à profusion, tout ça avec une météo idyllique ! Tu vois d’ici les avantages mon vieux : pas de souci à se faire pour le ravitaillement et même pas de garde-robe à trimballer, juste quelques feuilles par-ci, par-là au besoin, et encore seulement en cas de mauvais temps ! Tout ça gratis bien sûr. C’est assez tentant mon cher Max, tu ne trouves pas ?

— Du moment que je ne risque pas d’y croiser M. HiggelBottom, pourquoi pas ? répondit l’intéressé, songeur.

Ses yeux brillants du même bleu que ledit lagon, Teresa passa un bras affectueux autour du cou de son jumeau et d’un geste ample de sa main tendue, dressa à son attention le décor hollywoodien de son nouvel éden personnalisé.

— Dis-moi, Teresa, si ma mémoire est bonne, ça ne se passe pas si bien que ça dans le film : non seulement rapidement les choses ne sont pas très claires entre les deux gamins, mais au final tout le monde finit par passer l’arme à gauche !

Teresa prit d’un air boudeur ce dernier sarcasme :

— Je t’en prie, Marcy, Max et moi on sait se tenir quand même ! Et puis ce sont des vacances, pas un naufrage comme le propose miss blondinette. Du reste tu serais du voyage bien sûr !

— Sans moi, dit Star vexée, je déteste les bestioles !

— Pas si sûr ma vieille, ajouta Max, sarcastique à son tour, si jamais tu apprenais que Marcy se balade sur une île paradisiaque vêtue de seulement quelques feuilles, tu serais capable de battre tous les records de traversée de l’océan à la nage !

Star éclata de rire, les joues en feu rien qu’à cette idée.

Teresa éclata elle aussi de son rire habituel, certes bruyant et exaspérant, mais tout de même assez communicatif, juste après avoir fait remarquer qu’au vu de sa plastique sculpturale la confection pour Marcy d’un simple bikini entraînerait la déforestation complète des lieux !

Marcy se contenta de lever les yeux au ciel, trouvant la blague un peu lourde…

— Plus sérieusement, que diriez-vous d’un petit séjour chez tante Beth, rien de tel que la campagne, l’air pur, les balades ? suggéra Max en finissant son café.

— Et les étangs, la vase, les chardons, les orties…

— Marcy, ne sois pas aussi rabat-joie, si mes souvenirs sont bons on s’était bien amusés !

— Les chardons, ma grande, souviens-toi des chardons !

— Marcy…

— Et le coup de l’opossum ?

Max chercha un instant de quoi étayer les envies de campagne de sa jumelle, mais elle n’eut pas besoin de lui pour continuer :

— Je sais, Marcy, mais Max et moi avions des circonstances atténuantes : d’abord, on avait neuf ans…

— Presque onze ! Rectifia l’intéressée.

— Si tu veux, et puis notre mois d’argent de poche a suffi pour remplacer ton pull et puis après tout on n’a pas idée de porter du mohair en plein été !

— C’est bon, c’est bon ! je blague, mais avouez, vous deux, que vous aviez fait fort cette année-là !

Subitement intriguée, Star prit la parole :

— Je connais la maison de votre tante Beth, je crois même qu’on avait dû y passer des vacances tous ensemble il y a longtemps ; mais qu’est-ce que c’est que cette histoire d’opossum, Max, je ne m’en souviens pas ?

Tandis que ses sœurs débattaient rétrospectivement du montant du dédommagement du fameux pull, les souvenirs de Max se firent plus précis. Il se versa, ainsi qu’à Star, un peu de cognac sec et se décida à lui donner le fin mot de l’histoire :

— Si ma mémoire est bonne, c’était l’été 2005 ou 2006 et Teresa avait effectivement fait très fort ! Moi aussi, remarque…

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