Chapitre II.1

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Ne prenez jamais la vie trop au sérieux : de toute façon vous n’en sortirez pas vivant.

Elbert Green Hubbard

Du travail et de ses soucis — Une grande sœur inquiète — Pâtisseries, chaussettes et autres mauvais signes — Câlinothérapie — Soucis du jour — Que faire quand on ne sait que lire — Désillusion artistique — Quand la culture vous exaspère — De la réalité et de ses inconvénients — Une cible toute désignée — Perversité d’une jumelle — De Joyce comme moyen de rétorsion — Punzie ne se laisse pas faire — Méthode éprouvée en cas de conflits fraternels — La nouvelle conquête de Star — Ne jamais arriver à l’improviste — Conduite à tenir envers les célébrités défuntes — Le réveil selon Marcy et Teresa.

« Encore une fois et… Vous avez bien compris, Green ? »

En ce vendredi après-midi, Max commençait déjà à avoir une migraine conséquente : Monsieur HiggelBottom, son supérieur hiérarchique direct n’était certes pas un tyran, mais avait un sens très aigu de la hiérarchie et, s’il ne dédaignait pas l’humour, en faire à ses dépens — même pour soutenir une collègue — était dans sa situation présente à peu près équivalent à pratiquer la roulette russe avec toutes les balles dans le barillet. De toute façon, son contrat se terminait dans peu de temps et il se consola en pensant que M. HiggelBottom se trouverait sans mal un nouveau stagiaire à tarabuster. Content de rentrer chez lui, il traversa le petit jardin et poussa la porte d’entrée.

Il faisait un peu froid pour la saison, mais dans le couloir une délicieuse odeur de pain d’épices et de biscuits lui redonna un peu de confiance en lui, à défaut d’en avoir pour l’humanité et surtout quand l’humanité se présentait sous la forme de M. HiggelBottom, visiblement Marcy s’était mise à faire de la pâtisserie, ce qui augurait un moment chaleureux pour le thé de cinq heures. Il posa sa veste sur le bas de la rampe d’escalier, se débarrassa de ses mocassins en les fourrant — comme d’habitude — sous le buffet et l’odeur réconfortante de cannelle, de gingembre et de vanille qui s’échappait de la cuisine l’envahit agréablement.

Sa sœur ainée l’aperçut au seuil de la cuisine et s’approcha, il devait être en une bien piètre condition, car elle l’examina avec une minutie quelque peu inquiète. Max se redressa un peu jusqu’à ce que son regard croise celui de Marcy, qui le dépassait largement d’une bonne tête :

— Mon pauvre Max, tu as vraiment mauvaise mine. Je finis par croire que ce travail ne te réussit vraiment pas ! Et sans attendre, elle lui posa maternellement une main sur le front :

— Heureusement, tu n’as pas de fièvre. Je pense qu’une bonne tasse de thé devrait arranger un peu les choses : Ceylan, Orange ou Earl Grey ?

— Je ne serai pas contre une tasse de Darjeeling, sans sucre s’il te plait !

— Pareil pour moi et avec du citron ! lança Teresa depuis le salon.

Il rejoignit cette dernière, assise en tailleur sur le canapé et emmitouflée dans un de ses habituels sweat-shirts informes, curieusement assortis à des chaussettes rayées rouges et vertes. Plus surpris de voir sa jumelle avec quoi que ce soit aux pieds que par ce choix de couleur quelque peu déroutant, Max décida de monter un peu le chauffage et proposa même d’allumer le poêle. Au vu du sourire satisfait de Teresa, il se dirigea vers le petit cellier et revint avec un fagot de bûchettes pour le feu. Le thé fumait déjà dans la lourde théière de fonte et Marcy, devançant les attentes de ses cadets, annonça que les biscuits seraient prêts dans une dizaine de minutes.

Curieusement, cette chaleureuse ambiance familiale l’inquiéta un tantinet : en général lorsque Marcy se lançait dans la confection de pain d’épice, biscuits au gingembre, scones, muffins ou encore Butterbredele, cela signifiait que quelque chose la tracassait suffisamment pour que la pâtisserie — soupape de sûreté mentale supplémentaire de l’ainée des Green — supplante le sport, son exutoire habituel. Quant aux chaussettes particulièrement hideuses de Teresa, elles n’auguraient rien de bon non plus, tout comme son sweat-shirt largement plus informe que ceux qui constituaient l’essentiel de sa garde-robe : La dernière fois que la jeune fille s’était attifée de la sorte, elle avait douze ans et c’était aux funérailles de M. Peabody, son hamster préféré où sa lecture d’un extrait du In Memoriam de Tennyson avait ému jusqu’aux larmes quelques pieuses vieillies personnes particulièrement sensibles de son entourage. Le temps de ces quelques réflexions, le bois se consumait déjà dans le poêle en braises satisfaisantes. Max achevait de régler le tirage lorsque Marcy revint dans le salon avec un plateau chargé de pâtisserie des plus appétissantes et il se retourna juste à temps pour voir les affreuses chaussettes rayées voler en travers de la pièce pour venir orner l’imposante euphorbe melophormis qui poussait près du mur opposé, signe évident que Teresa était à nouveau dans sa zone de confort.

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