VIII

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Laeth avait vu qu'elle avait perdu les humains bien avant d'arriver à la chambre de sa mère, mais tant pis. Elle les retrouverait bien ! Leur meneur semblait avoir quelques aptitudes pour la discrétion. Puis, s'ils voulaient vraiment sauver un monde, ils devaient être assez doués pour se débrouiller dans un palais Drow qui ne les cherchait pas. En quittant la pièce, elle était plus décidée que jamais à partir, mais savait que ce serait peine perdue sans les humains. Elle revînt donc sur ses pas, tâchant de trouver des indices de leur passage. À chaque embranchement, elle se penchait, regardait le sol, inspectait le moindre recoin, en vain.

Elle commençait à perdre espoir quand les tintements de cloches se firent entendre. Elle déglutit. Ils s'étaient fait repéré. Elle hâta le pas. Elle devait arriver la première, au risque de rencontrer des gardes. Elle était déterminée à sauver ce monde, quelque soit la menace, mais elle ignorait si elle serait prête à s'en prendre à des membres de son peuple, surtout si c'étaient des soldats qui ne faisaient rien d'autre que leur métier. Elle abandonna donc son pas feutré qu'elle usait pour quitter sa chambre et échapper ainsi à la vigilance de son père, pour la course pure. La tentation de se laisser aller à la métamorphose était grande, surtout qu'elle s'était ouverte à la magie naturelle, mais elle y résista. Elle pourrait affronter un Drow sans lui faire de mal en tant que princesse, mais en tant que panthère, elle ne serait pas apte à cela. De plus, elle devait rester méfiante vis-à-vis des humains, juste au cas où elle se trompait.

Les cloches cessèrent, mais elle avait mémorisé la provenance du bruit et réalisa qu'il s'agissait des cuisines. Cela pourrait être pire. Lorsqu'elle arriva devant les portes, elle hésita sur la marche à suivre. Devait-elle faire une entrée fracassante pour ainsi espérer surprendre les protagonistes ? Elle misa sur le contraire, et ouvrit lentement la porte, et passa simplement la tête. Elle vit une folle scène. Les humains se trouvaient bien à l'intérieur luttant avec les Drows. Ces derniers étaient plus grands, certains nettement, et devraient avoir un net avantage sur leurs ennemis. De frêles humains ne devraient pas pouvoir tenir tête plus de cinq minute. Et pourtant, elle vit l'amiral en frapper un à la gorge avant de lui faire une clef de bras et de l'envoyer au sol. Un d'entre eux avait même récupéré un bâton qu'il utilisa pour frapper un aide-cuisine dans l'estomac, puis leva le bâton.

— Non ! S'écria t-elle.

Si ils tuaient un drow, tout était fini. Elle ne pourrait jamais collaborer avec eux, et son père mettrait leur tête à prix. Son cri surpris tout le monde, mais les Drows, rassurés de voir leur princesse, furent les premiers à se resaissir et celui qui venait d'être frappé en profita pour saisir son agresseur par les jambes et l'envoyer au sol d'une prise incroyablement souple.

— Ne les tuez pas ! Ils sont innocents !

— Ne vous en faites pas, majesté...

Laeth tourna le regard vers l'humain, le blond qui se faisait nommer pompeusement "l'amiral". Ce dernier venait d'envoyer son adversaire sur une table, la renversant. Il fit une révérence qu'il voulait certainement grâcieuse mais qu'elle trouva ridicule. Heureusement, il n'avait plus son chapeau : elle l'avait mis dans un sac, avec le reste de leurs affaires, à la sortie de la cité.

—...Sous mon commandement, pas un des vôtres ne trépassera, je puis vous le...

Il ne termina pas sa phrase, un Drow le plaquant du côté. Elle jura et s'avança pour l'aider. Mais alors qu'elle fit un pas, elle entendit des bruits derrière elle : des soldats venaient à eux. Elle ne pouvait pas les laisser entrer, sous peine de voir la situation se dégrader. Elle referma la porte et la poussa, servant d'épart de son corps, les bras tendus.

— Je ne les arrêterai pas longtemps, amiral, hâtez-vous !

Elle vit un drow la regarder, sourcils froncés. Il ne comprenait pas.

— Princesse ? Vous êtes alliés à ces filous ? Je...

Il ne termina pas sa phrase, une planche à découper en bois lui frappant le côté du visage l'envoyant dans l'inconscience.

— Ne vous en faites pas, votre altesse, nous avons la situation bien en main ! Parvînt à grincer Léoken alors que le Drow qui l'avait plaqué se maintenait à califourchon sur lui.

Mais celle qui se débrouillait le mieux était sans conteste Ellya. Elle était plus petite et moins forte que les Drows, mais aussi plus agile et plus rapide. Elle finit par arriver jusqu'à Léoken et le débarassa de son ennemi d'un coup de latte sur la joue du cuisinier, qui tomba inconscient. Elle jetta un regard dédaigneux à son protecteur, croisant les bras pendant qu'il se relevait, saisissant une table. Grondan vînt l'aider à l'amener vers la grande porte, alors que Laeth sentit le premier coup - déjà terrible - sur la porte. Ils utilisèrent la porte pour barricader, alors que Léoken se tourna vers elle, visiblement satisfait. Il s'inclina une nouvelle fois.

— Majesté, allons-nous chevaucher vos originaux mais ô combien magnifiques destriers ?

Laeth imagina l'homme, au visage tuméfié à plusieurs endroits, essayer de chevaucher une panthère et pouffa avant de se diriger vers l'autre bout de la pièce. Léoken, insensible à sa moquerie la suivit des yeux, alors qu'Ellya le rejoignit.

— Elle semble incroyablement insensible à mon charme.

— C'est tellement étonnant, mais comment fait-elle ?! Fit sarcastiquement l'elfe noir en s'éloignant.

Si l'Amiral n'était pas malheureux de partir en compagnie de la princesse, Enya devait bien admettre qu'elle n'était pas malheureuse de quitter cette cité de malheur !

Laeth était restée en retrait, laissant les humains mettre leurs affaires à la hâte dans la barque. Elle ne prêtait aucune attention à eux, et se focalisa sur la cité, dessinnée au loin, alors qu'un doux vent balayait ses cheveux sur son visage. Aucun Drow n'avait quitté l'île depuis des siècles, et aucun de cette manière. Jamais. Elle se demandait comment allait réagir son royal paternel. Colère ? Certainement. Chagrin ? Éventuellement. Allait-il la chercher ? Allait-il trouver le courage de quitter sa chère île pour retrouver sa fille ? Elle en doutait. Et de toute manière, cela ne changerait rien, sauf s'il venait l'aider. Mais c'était encore plus improbable.

— Majesté ? Êtes-vous prête ?

Elle faillit dire "non" et repartir en courant vers la cité, quite à se faire emprisonné par son royal père. Elle se mordit la lèvre, se souvenant enfant, courant après les oiseaux, allant là où le vent l'emportait. Elle se souvenait des premiers jours en panthère. Une rumeur circulait, une légende même, comme quoi il serait impossible de se transformer en dehors de Drowakar. Était-ce la vérité ? Possible. Il y avait vraiment un lien fort entre eux et la nature de cette île. Mais il était tout aussi possible que ce soit inventé de toute pièce par son père pour dissuader toute tentative de "fuite".

— Princ...

— Appelez-moi Laeth, fit-elle froidement.

Elle se détourna enfin de son île pour suivre les humains. En passant devant celui qui se faisait nommer "Amiral", elle plissa ses yeux.

— Mais que l'on soit bien clair humain. Je ne fais pas ça pour vous ou car je vous apprécie. Je suis ma propre voie.

Sans attendre de réponse, elle s'en alla vers le navire qui allait l'ammener à sa destinée.

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