VII

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Lorsque la porte s'ouvrit, Unya fut surprise de voir sa fille habillée comme si elle partait chassée : bottes et veste de cuir dont la capuche était levée sur la tête, ne laissant voir que son visage - et encore, si on ne se concentrait pas, il était difficile de voir ses yeux - ainsi qu'une mèche de cheveux d'un bleu profond comme la nuit rebelle sur son front. Elle avait une dague à la ceinture et son arc dans son dos. Alors qu'elle même était en tenue de nuit, elle se couvrir machinalement d'une cape posée avec soin sur la chaise de son pupitre. Elle fronça les sourcils.

— Laeth ? Que fais-tu là ? Et surtout, dans cette tenue ! Tu comptes encore désobéir à ton père et partir chasser ? Tu sais dans quel état ça le met à chaque fois et j'ai un mal fou à l'apaiser à chaque fois. Un jour...Rah !

Elle poussa un soupir exaspéré à l'idée de la conversation hypothétique qu'elle aurait, une fois de plus, avec son époux, fatiguée d'avance.

— Non, mère, vous n'y êtes pas. Je ne vais pas chasser. Pas cette fois.

Le ton de sa fille était grave. Quelque chose s'était passé. Quelque chose qui n'était pas anodin. Elle sentait sa fille effrayée. Elle sentait toute son énergie en ébullition. Elle maudit le temps de lui avoir retiré son don de clairvoyance, même si elle savait, en épousant Draël, qu'elle le perdrait. Une vestale avait une chance divine de hériter ces pouvoirs, et si elle se détournait des Dieux et la voie sacrée qui devenait alors la sienne, son don disparaissait, et été transmit à quelqu'un d'autre. Quand elle se rendit compte qu'elle avait fait cadeau de la Clairvoyance à sa fille, elle fut d'abord épris d'un sentiment de fierté. Mais très vite, elle se rendit compte que le don avait tout d'une malédiction. La seule chose qui pouvait être pire que de vivre une catastrophe, c'était bien de la voir venir d'abord. Entendant les mots grave de sa princesse de fille, elle se raidit, son visage se fermant.

Laeth eut l'impression de voir sa mère alors qu'elle était petite et qu'elle lui avouait une bêtise de faite. Contrairement à son père, Unya avait une colère froide. Ses yeux se faisaient de glace, ses lèvres se pinçaient légèrement. Sa voix ne montait pas, mais devenait tranchante comme du rasoir et chaque mot était soigneusement choisi, et faisait mouche systématiquement.

— Que veux-tu dire, Laeth ? Où vas-tu ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

La princesse Drow se mordilla la joue intérieure. Elle retira lentement la capuche de sa tête et Unya posa une main sur sa poitrine en voyant le regard de sa fille. Elle n'était plus vestale certes et avait perdu son don, mais elle restait sensible à toute forme de magie. Et sa fille avait ouvert les "écoutilles". Elle ne lançait pas de sort, mais visiblement, elle se tenait prête.

— Laeth ! Répond...

— Venez avec moi.

— Pardon ?

— Mère...Père est aveuglé par...Je ne sais même pas par quoi. Mais il n'est pas capable ce que je vois. Ce qu'autrefois, vous avez vu. Mais je sais que vous, mère, pouvez me comprendre. Quelque chose s'agite dans ce monde et nous ne pouvons pas rester là sans rien faire...

Au fur et à mesure qu'elle parlait, Laeth sentit les larmes poindre de nouveau mais elle les repoussa à chaque fois, non sans mal. Unya, elle, levait la tête, inspirant profondément. Elle resta silencieuse un bon moment, comme si elle n'avait pas compris ce que venait de lui dire sa fille, ou comme si elle ne l'avait pas entendu. Finalement, elle baissa les yeux et se tourna, offrant son dos à Laeth. Cette dernière eut un léger hoquet. Elle s'attendait à un refus, à des larmes, voir à de la colère, tout en espérant qu'elle comprenne. Mais jamais elle n'aurait imaginé que sa mère la mépriserait autant.

— Mère...Vous devez me comprendre ! Les Drows ne peuvent pas rester hors du monde !

— Drowakar est ma vie. Si tu veux partir, tu quitte Drowakar.

C'était presque un murmure, un fil de voix qui se laissa porter jusqu'à l'oreille pointue de Laeth pour lui brûler les tympans. Mais elle resta fière et renifla une dernière fois.

— Très bien. Sachez que je ne regretterais jamais rien.

Laeth remit sa capuche. Elle aurait au moins essayé. Quand elle quitta la pièce, sans un regard, Unya ferma ses yeux pour éteindre les larmes qui s'apprêtaient à les quitter.

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