V

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Bien des années étaient passées depuis que Zu avait rencontré la petite Phillia. Et alors qu'au début, il pensait simplement la former avant de la laisser s'envoler de ses propres ailes, elle s'attarda finalement dans sa vie, l'accompagnant dans ses aventures et ses mésaventures. Il ne saurait dire si c'était parcequ'elle était là, mais déjà, l'amertume du temps l'avait gagné. Oh pas autant qu'il ne le ferait plus tard, mais déjà assez pour que la petite voix d'autrefois se fasse un bout de chemin. Ce n'était plus quelque chose qu'il pouvait nier, contrôler et faire taire d'un simpe index sur la lèvre. Elle faisait partie intégrante de sa conscience.

Bref, Phillia avait partagé son temps, et il lui avait enseigné ce qu'il pouvait sur le maniement des armes, mais aussi sur le métier de mercenaire. La confiance, l'esprit de groupe. Mais aussi la méfiance et l'acceptation de la mort.

Ce jour-là, alors que son groupe, qui comptait déjà Waël parmi ses membres mais pas en tant que chef, faisait une pause bienvenue près d'un lac, Zu la cherchait dans le camp. Ils étaient nombreux, près d'une vingtaine, et éparpillés tout autour du point d'eau. Certains se baignaient, d'autres se baladaient. Les plus affamés de combat d'entre eux aiguisaient leurs armes en vue d'une prochaine mission. Elle ne tarderait sûrement pas, leur chef n'aimant pas l'inaction. Il ne la trouva pas parmi mais ne s'en inquiétait pas. Ce n'était pas la plus guerrière, et n'aimait pas spécialement le sang. Elle le faisait quand il fallait et n'hésitait pas une seconde notamment quand ses amis étaient en danger, mais elle n'y prenait nul plaisir, contrairement à certains d'entre eux. Zu n'aimait pas la voir se battre.

À chaque blessure infligée, à chaque âme volée à ce monde, elle perdait un peu plus de son innocence. Oh certes, pour l'heure, elle n'était pas en première ligne. Elle manquait encore d'expérience et de talent, mais plus d'une fois elle avait atteint par les combats. Et de plus en plus souvent, ce qui inquiétait pas mal Zu. Il désirait d'ailleurs lui en parler. Il voulait connaitre son état d'esprit, comment elle vivait ces batailles. Il ne la trouva pas dans le lac, ni sur la berge. Mais où pouvait-elle bien être ? La dernière fois qu'il l'avait vu, la veille, elle discutait autour d'un feu avec Elandor. Ce n'était pas un type franchement recommandable, mais il n'était pas son père. De plus, de loin, ils semblaient bien s'entendre, discutant en souriant. Il l'avait même vu rire, un moment. Il se passa la main sur les cheveux en regardant la grande étendue d'eau devant lui, et réalisa, en y repensant, qu'il n'avait pas non plus croisé Elandor autour du lac. Serait-ce une coïncidence ?

Possible. Voulait-il prendre le risque ? Il soupira et changea de tactique. S'il était Elandor, où se trouverait-il ? Il plissa légèrement les yeux. Il y avait bien une théorie qui pourrait l'aider mais...En était-il capable ? Il jura, n'ayant rien d'autre, et se mit à chercher en faisant des cercles, au diamètre de plus en plus grand. Il finit par trouver leurs traces, assez éloignées du camp. Plus que ça, en les inspectant, il comprit qu'une des personnes ayant laissées ces traces étaient suivi par les autres. Cela ne pouvait dire qu'une chose. Elandor était encore plus pourri qu'il ne le songeait. Il devait faire vite, il devait l'arrêter. Saisissant la faux dans son dos, prêt à la décrocher, il accéléra le pas. Il ne savait pas comment son chef prendrait la chose, mais il n'en avait que faire. Il n'avait pas vendu son âme au point de laisser un gros porc toucher à sa protégée. Ou à n'importe quelle autre femme d'ailleurs !

Il s'arrêta quand il vit, à travers des fourrés, la silouhette accroupie de Phillia. Elle était la tête baissée, les épaules affaissées. Était-elle...Il n'eût pas le temps de se poser la question et fut vite rassuré quand les épaules de la jeune fille se secouèrent, et il comprit qu'elle sanglotait. Dégainant son arme sans hésiter, il s'élança en poussant un cri de colère, certain de voir Elandor et des amis à moitié nus ou les armes tirés. Mais il n'en fut rien. Son visage, qui exprimait la colère passa soudain à la stupeur. Devant lui, il n'y avait nul perver, nul mercenaire prêt à violer une jeune femme. Il y avait trois cadavres carbonisés. Ils étaient entièrement noirs, ce qui restait de visage étiré dans un rictus de souffrance visible, qui laissait suggérer toute la douleur qu'ils avaient ressenti. Le sol, par endroit était brûlé, noirci. L'un d'eux était à genou, les autres sur le flancs.

— Qu'est-ce que...Parvînt difficilement à articuler Zu.

En l'entendant, Phillia sursauta en se tournant vers lui. Il fit un pas en arrière quand il découvrit l'aura de la jeune femme. La jeune fillette remplie d'innocence qu'il avait découvert, le temps d'une seconde, s'évapora, laissant place à...Il n'aurait su dire. Quelque chose d'inquiétant. D'effrayant. Son aura était nettement plus ténèbreuse, plus terrible. Il aurait même parié avoir vu des crocs à la place de ses dents. Mais cet être maléfique disparu aussi vite qu'il semblait être venu, laissant place à un visage terrorisé d'une jeune fille qui réalisa qu'elle était assise dans un véritabe carnage. Zu comprit alors qu'elle n'était pas totalement responsable de ça.

— Que...Que...Commença t'elle.

Mais elle ne termina pas sa phrase. Pas correctement en tout cas, et elle poussa un long hurlement en lieu et place. Un hurlement où l'incompréhension se mêlait à la peur. Zu se précipita. Il pourrait avoir peur. Il devrait même avoir peur. Pourtant, il n'avait pas peur. Pas pour lui en tout cas. Il lui couvrit la bouche en la prenant contre lui. Si quelqu'un entendait ses cris, ça en était fini d'elle. On la ferait pendre, voir brûler. Elle cria encore contre sa main, pleurant à chaudes larmes, alors qu'il la berçait tendrement.

— Chut ma poupée, chut.

Entendant la voix rassurante et connue de son mentor, Phillia se calma peu à peu. Sa main, frêle et blâfarde, chercha celle de Zu sur son torse sans la trouver, et décida donc de s'attarder sur l'épaule du mercenaire.

— J'ai fais...Quelque chose de mal...

Zu releva les yeux sur les cadavres défigurés, aux visages déformés par la peur et la souffrance, avant de secouer la tête en caressant les cheveux de celle qui deviendrait une ravissante jeune femme.

— Non, ce sont eux qui s'apprêtaient à faire quelque chose de mal. Tu t'es défendu.

Elle renifla, peu convaincue par les mots rauques de son oncle d'adoption, alors qu'elle savait au fond d'elle qu'il avait raison. Elle n'avait que peu de souvenir mais se souvenait de sa peur, de sa voix suppliante...Elle ne dit mot alors, se laissant bercer par un Zu, plus inquiet pour l'avenir de sa protégée si son..."Don" venait à être découvert que pour le sort de trois pervers reconnus qui s'apprêtaient à franchir une barrière infranchissable.

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