III

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Deux jours. Deux jours qu'ils étaient enfermés, avec certes un repas copieux par jour et la quantité d'eau qui leur fallait, et avec un paysage nettement plus beau que celui de la plupart des cellules des autres royaume. Mais Ellya ne supportait pas l'enfermement, qu'elle n'avait que trop connu. Alors que les autres attendaient, pour la plupart assis - Léoken étant carrément allong" sur le dos, les bras derrière la tête et le chapeau rabattut sur le visage - elle faisait les cents pas, cherchant une issue par tous les moyens.

— Tu devrais apaiser ton émoi, ma jeune compagnonne. Ton attitude n'est guère de rigueur en cette fâcheuse posture.

— Au moins j'essaye quelque chose.

— L'amiral a raison, Ellya. Vous devriez vous calmer. Faire les cents pas ne servira à rien, hormi peut-être énerver les gardes potentiels.

Ellya soupira. Elle avait l'habitude que son protecteur la houspille ainsi. C'était régulier, et elle avait appris à laisser couler, comme de l'eau sur de la roche. Mais Grondan n'avait jamais pris parti. Elle plissa les yeux en sa direction, hésitant à lui envoyer une réplique cinglante, mais elle vit son air fatigué, les cernes sous ses yeux, et elle se retînt. Oui elle n'était pas seule dans cette situation. Elle faisait preuve d'égoïsme et devait prendre sur elle. Elle poussa un râle et finit par s'asseoir, contre les carreaux, en ramenant ses jambes repliées sur elle-même, fixant l'extérieur avec envie. Elle n'avait pas quitté les souterrains pour croupir dans une prison Drow, elle trouverait une sortie. Coûte que coûte. Elle s'accrocha à cette certitude pour trouver la force de rester aussi calme que les autres.

En la voyant ainsi prostrée, les yeux embuées, Grondan la trouva soudainement jeune. Comme tout ses comparses, jusque-là, il ne la regardait que rarement. Il ne voulait pas être indélicat, et voir ainsi une elfe noire - magnifique en plus - était déroutant. C'était un spectacle rare dans une vie d'homme, unique même. Comme tous, il savait que les elfes étaient immortels, et il se laissait abuser par la différence minime entre immortel et ancien, vieux. Il se pencha légèrement vers Léoken.

— Quel âge a votre protégée ?

Un sourire que le capitaine ne put voir se dessina sur les lèvres de l'amiral. C'était une question qu'on lui posait souvent.

— Elle est majeure, à notre échelle, si c'est votre question. Mais bonne chance si vous souhaitez la culbuter.

Grondan faillit s'étouffer.

— Non non, vous méprenez, c'était une question tout à fait innocente. Elle paraît si jeune...

— Elle a trois cents pringtemps. Cela équivaut à seize de nos années.

Grondan hocha la tête. Ça expliquait en grande partie son comportement, mais alors d'autres questions se soulevèrent. Des questions qui ne concernaient pas nécessairement la jeune elfe noire directement.

— N'est-elle pas un peu jeune pour cette aventure ?

Léoken redressa son chapeau. Grondan était jeune et ses cheveux blonds lui donnaient un air de charmeur, démenti par sa timidité et son sang froid.

— Mais vous l'êtes vous aussi non ? Enfin, sachez que je ne l'aurai pas prise avec moi s'il n'y avait ce sortilège qui protégeait l'île.

Grondan n'était pas satisfait de cette réponse. Il n'était pas marié, mais il avait une soeur, à laquelle il tenait beaucoup. Si on lui aurait demandé de l'emmener dans cette expédition ô combien dangereuse, il aurait refusé, sans nul doute.

— Vraiment ? Vous avez risqué la vie de votre fille adoptive pour si peu ?

Léoken n'était pas homme prompt à se mettre en colère ou même à se vexer, et il ne perdit pas son sourire. Il savait que la relation qu'il entretenait avec Ellya pouvait être difficile à cerner.

— Si peu ? Oh Dieux ! Moi qui croyais que l'avenir de cet univers dépendant de notre aventure. Ellya n'est plus une enfant, Grondan. Elle est libre de ses choix. Et elle n'est nullement ma fille.

— Vous êtes son protecteur, ce qui revient au même, non ?

Léoken eut un petit rire, où il ne put cacher son dédain.

— Voyons capitaine, ne vous faites pas plus naïfs que vous ne l'êtes. Elle ne me doît rien, et vice versa. Je lui apprend simplement comment survivre en milieu hostile.

Grondan se tut. Il ne parvenait à comprendre ce qui reliait ces deux-là. Ils s'envoyaient des piques à longueur de temps, en devenant même usant pour ceux qui les entouraient, mais semblaient aussi liés d'une manière ou d'une autre.

— Quelle est votre histoire ? Elle doit être intéressante ?

Léoken, qui avait remis son chapeau comme il était, offrit un silence qui valait la meilleure des réponses. Grondan n'en apprendrait pas plus ce soir. Mais il voulait savoir. Ellya, sentant qu'on la fixait tourna le regard vers le capitaine, qui tenta un petit sourire en inclinant légèrement la tête. Elle plissa légèrement ses yeux rouges. Que lui voulait-il celui-là ? Elle n'avait pas entendu leur conversation, mais maintenant qu'il la fixait ainsi, elle était persuadée qu'ils parlaient d'elle. Bien qu'elle y soit un peu habituée, elle n'appréciait pas spécialement ça. Mais elle devait admettre que le regard du blondinet était différent des autres. Il n'était pas effrayé. Il ne semblait pas non plus...Excité. Il y avait autre chose. Quelque chose qu'elle ne connaissait pas mais qui ressemblait étrangement à ce qui l'avait convaincu de suivre l'amiral, des années auparavant.

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