II

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L'Enfer était bien sous terre, des milles sous terre, comme le folklore des mortels le disaient. C'était là l'une des rares choses de vrai. Pas de flammes éternelles, pas de fournaise ou d'abysses insondables. Non, les murs brillaient d'eux-même d'une lueur bleuté, puissante et belle. La première pensée, d'ailleurs, des mortels en arrivant ici était le réconfort, ce qui était d'autant plus cruel quand on connaissait leurs sorts. Une immense cité, unique, résidait au centre de cette grotte monstueuse. Elle était en permanence animée par des cris et des supplications par ci, des coïts de succubes et d'incubes par là. Les Dieux avaient interdis les plaisirs, avaient interdits la puissance et la magie, les Démons avaient refusé d'obéir. Ils avaient fait leur la puissance et distribuaient la magie à quiconque en voulait...Tout en respectant ce fichu pacte qui les liait. Ils avaient perdu la guerre, et n'y avaient survécu qu'avec la promesse de ne plus revenir dans le monde des mortels, sous peine d'être écrasé. En retour, les Dieux promirent de faire de même. Pendant des siècles, les Démons espérèrent, en vain que leurs rivaux trébuchent, et manquent à leur promesse. Le Démon des Démons, Rachork, avait cessé d'espérer depuis longtemps, mais laissa les siens continuer à croire à un retour, ou à une vengeance. Il savait cet espoir futile, mais qu'importe. Il voulait les siens heureux, car un Démon malheureux était forcément dangereux, même pour lui. Ce n'était cependant pas le cas pour tout le monde, bien au contraire. Les démons espérant un retour étaient nombreux.

La dernière fois, la victoire leur avait échappé de peu, et en changeant de stratégie, la revanche serait à portée de main. Il leur fallait simplement de ne plus se soumettre, et surtout s'alliés sous une même bannière. Ce serait, cela dit, déjà un exploit ! Les démons, contrairement aux Dieux, ne s'aimaient pas et se faisaient mutuellement la guerre. C'était dans leur nature. La seule force capable de les unir assez pour une quelconque invasion ou guerre était la peur que pouvait leur imposer Rachork mais celui-ci pour l'heure souhaitait attendre. Il avait bien son plan en tête et le déclarait à qui voulait l'entendre, mais il n'entrait jamais dans les détails, restant sybillin à chaque fois. Nombre étaient les Démons qui le croyaient pas, mais jamais ils n'oseraint le dire de vive voix alors ils faisaient comme tout le monde : ils attendaient.

Un seul être démoniaque avait le culot et le courage de tenter quelque chose. Elle ne vivait pas dans la cité. Elle n'en avait pas le droit. Seuls les mortels et les Démons les plus puissants - ou les favoris de Rachork mais ce n'était pas toujours la même chose - en avaient le privilège. Elle, comme les autres entités trop faibles pour pouvoir prétendre à mieux ou méprisé par le Démon originel, vivait dans l'Enfer profond, terrée dans une grotte sombre et humide. Contrairement à d'autre, elle n'était pas enchainée. Ce n'était pas du fait de son créateur et supérieur. Si cela ne tenait qu'à lui, elle y serait certainement encore. Mais, sûr de maitriser entièrement les Enfers, il ne s'attardait pas sur une démone aussi insignifiante que Syn. Elle avait été libérée par les Kremlins. Ils n'étaient que des insectes et pendant des siècles, voir des millénaires, elle avait réchigné à faire appel à eux. Mais plus le temps passait, plus elle était faible et ne pouvait faire la difficile. Un temps serait venu où elle n'aurait même plus cette possibilité.

Elle avait lutté, mais elle avait perdu l'embarras du choix et avait dû accepter de commencer bas. Elle avait pris facilement le contrôle des Kremlins, créatures des bas-fonds, même pas dignes d'être utilisées par les Démons en tant que créatures mineures envoyées sur le plan mortel. Non, ils n'étaient bons qu'à servir les démons, voir de servir de déjeuner. Mais, quelque part, c'était aussi un avantage pour Syn. Rachork et ses Démons Majeurs n'accepteraient jamais d'être doublés par une Démone mineure et les conséquences pour elle pourraient terribles. Jamais ils se douteraient qu'un Démon puisse utiliser les Kremlins pour renverser le pouvoir de Rachork encore moins pour affronter les Dieux.

Ils étaient laids à souhaits, avec leurs grandes oreilles écailleuses, et leur peau de lézard. Leurs yeux globuleux étaient dorés ou orangés, et possédaient deux paupières. Ils n'avaient pas de nez, et leurs bouches étaient garnies de petits crocs. Leurs bras étaient ridiculement longs pour leur taille d'un mètre vingt en moyenne. Quelques-uns, redoutés par les autres mais encore plus stupide, étaient plus grands, faisant à peu près la même taille que les nains et possédaient une paire de bras supplémentaires. Ils vivaient en meute et en général, le plus intelligent les guidait. Ou plutôt, les moins bêtes, au grand dam de Syn. Elle les avait convaincu, leur parlant de gloire et de crainte. Et de repas. Sur ce dernier point au moins, elle n'avait pas menti : ils pourraient se régaler de tout leur saoûl de corps de mortels. Elle savait qu'ils adoraient la chair d'enfants et c'est pourquoi on interdisait à ces derniers d'errer seuls hors de la cité. Avertissements pris en général à la légère car venant de leurs geôliers et bourreaux. Ils n'avaient pas hésité une seconde. Jamais aucun Démon ne leur avait adressé la parole, et même si actuellement, son image n'était pas forcément synonyme de peur ou de respect dans la cité, si cela devait advenir grâce à eux, la gloire les éclabousserait forcément ! Ils étaient venus jusqu'à elle. Bien entendu, sa cellule n'était pas gardée. Elle était trop...Minuscule ici, ombre encagée dans un vent de liberté.

En arrivant, ils hésitèrent tout de même. L'entité attachée devant eux n'était n'importe qui après tout et même s'il ne s'agissait pas d'un Démon Majeure, elle restait capable de les anéantir d'un claquement de doigt. Un "clac" et hop, plus de Kremlins. Leur chef, Mourk, s'était finalement approché, lentement, plus téméraire que les autres. Elle était dans l'ombre et d'elle, il n'avait pas vu grand chose. Son corps était nu, et si sa poitrine était ronde et ses hanches bien dessinnées, à aucun moment il ne se serait amusé à la toucher. Oh l'envie ne lui en manquait pas. Sa peau légèrement bleu semblait d'une douceur infini et le noir de ses cheveux était intense. Mais les griffes, fines mais longues, trahissaient la mort atroce qu'elle pourrait lui infliger. Non, elle les avait demandé, et il devait se contenter de leur marché. Timidement, il s'approcha, à pas de loups. Les Kremlins étaient d'une nature lâche, et aucun ne bougea. Si Mourk se faisait déchiqueter, ils prendraient leurs jambes à leurs cous. Il tendit une main, déglutissant, ses immenses yeux clignant plusieurs fois dans un bruit liquide infâme. Et tout à coup, Syn leva la tête, lui faisant faire un formidable bond en arrière. Elle avait de grands yeux, dont l'iris n'était qu'un cercle rouge, vide hormis un point noir au centre. Son nez était pointu, sa bouche et ses joues rondes. Elle avait presque le visage d'une enfant, ce qui rendait le spectacle plus terrible encore.

— Oh mes petits amis, vous êtes là...Siffla t'elle.

Elle avait une voix aigüe et perçante, comme un serpent et quand elle ouvrit la bouche, de petits crocs pointues luisèrent à la lumière naturelle de la grotte. Mourk devina qu'elle pourrait aisément lui arracher la carotide si elle le désirait. Il hésita un moment avant de faire courbette. C'était maladroit, mais au moins, il montrait ainsi sa soumission, ce qui fit rire la démone.

— Vous méritez votre réputation, vers. Maintenant, libérez-moi. Libérez-moi, et ensembles, nous changerons les règles établies.

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