VI

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Waël, loin de tout ça, avait franchi les lignes ennemis. Il était dans le noir complet et n'était pas stupide : il savait que Gérold l'attendait. Quelque part, il l'attendait même.

Il venait pas spécialement dans le but de le tuer, mais il voulait comprendre. Il faisait confiance à ses amis pour se défaire des assaillants, ils n'avaient pas besoin de lui et s'il le fallait, ils pourraient aussi se défaire du mage. Il ne se proclamait pas nécessairement plus fort qu'eux, même si chacun savait qu'épée en main, il avait le talent d'un artiste. Alors qu'il s'avançait avec prudence dans les ruines, craignant l'embuscade à chaque tournant, à chaque coin, il entendit une voix au-dessus de lui :

— Je ne sais pas si tu es téméraire ou fou, mais en tout cas, je lève mon chapeau devant ton courage, mercenaire.

Gérold sauta au sol, devant Waël. Ce dernier se courba légèrement, se tenant prêt à esquiver. L'imprévisibilité des mages les rendait redoutable dans un affrontement au corps à corps. Il devait se méfier. Pourtant...

— Dit le mage qui aurait pu me tuer des Ténèbres.

L'homme écarta légèrement les bras, la capuche toujours levée sur la tête.

— J'aurai aimé le faire, crois-moi, mais on m'a demandé de te laisser une chance. Tu es un mortel, comme nous et tu es concerné par ce qui va se produire, par notre quête et peut-être souhaites-tu te joindre à notre action pour sauver ce monde du glas qui l'attend.

— Sauver ce monde ? Comment peux-tu le prétendre en ayant tué un Templier ?

— Il ne nous aurait jamais rejoint. Il n'aurait jamais accepté. Toi, tu peux le faire.

— Et pourquoi le ferais-je ? Qu'est-ce que j'en ai à foutre, de ce monde ? Rétorqua froidement le mercenaire, qui croisa les bras.

— Ne t'en fais pas, je ne vais pas faire appel à ton ancien...Poste. Je sais qui tu es, Waël, ancien Templier. Mais que crois-tu qu'il se passera si nous échouons et que ce monde connaisse sa fin ? Tu crois que tu pourras continuer sur cette voie et à vendre ton cul au plus offrant ? Tout sera en flamme !

— Et en imaginant que je te crois, et que j'accepte de te suivre, quel danger devrons-nous affronter ?

— Ça...Tu le sauras si tu me suis.

Waël était un homme de raison, de logique. Il s'accorda un instant de réflexion. Qu'est-ce que ça pourrait lui coûter de le suivre et de laisser une chance à sa parole ? Il secoua la tête. Non, c'était un piège. Il le poignarderait à la première occasion et offrirait ainsi à son maître - ou employeur - un temps précieux. Il reprit une position de combat, et attendit. Gérold soupira, décroisant les bras.

— Dommage. Tu aurais pu faire un allié précieux.

Il leva son bras droit au dessus de son épaule gauche et Waël fléchit les genoux, prêt à esquiver et à foncer sur lui. Sa fenêtre serait brève, mais s'il était assez vif, il avait moyen de finir ce combat rapidement. À son grand étonnement, le mage ne lui envoya pas de projectiles. Nulle boule de feu ou de glace, nul sort jaillit de sa main. Mais quand il tendit de nouveau le bras, une épée de flamme apparut dans sa main. Elle était jumelle de la sienne, et son adversaire prit exactement sa posture. Waël, connaissant ce genre de stratégie, élaborée pour déstabiliser l'adversaire, ne se laissa pas impressionner.

— Tu en es donc un, remarqua t-il. J'en connais un autre, bien meilleur que toi. Si tu croyais me faire peur...

Et soudain, Gérold attaqua. Waël leva son arme, qui rencontra celle de l'assaillant dans un tintement étrange et provoquant une gerbe d'étincelles rougeâtres, qui les illuminèrent. Elles s'éloignèrent, se rencontrèrent à nouveau, tels un couple vivant une histoire romantique et passionnelle, illuminant l'obscurité, testant leur force. Waël sentait toute la détermination et la volonté dans les attaques de son ennemi. Il manquait certes d'entrainement, mais quelque soit ses intentions, il était convaincu, et irait au bout de ses convictions. Si le mercenaire voulait la victoire, il devrait le tuer, ou du moins le blesser gravement. Ce n'était néanmoins pas un problème pour lui. Une taille fendit l'air au-dessus de sa tête alors qu'il s'était accroupi, réchauffant l'atmosphère. Il voulut en profiter pour tenter une pique sur le pied de son assaillant, mais celui-ci avait anticipé et recula d'un pas avant d'attaquer de nouveau.

— Tu es plutôt habille épée en main, pour un mage, lança t-il.

Gérold, concentré dans son combat, ne répondit pas. Il savait que ce combat était scellé depuis toujours. Il affrontait sa destiné, rien de moins. S'il réussissait à vaincre son ennemi, il pouvait aussi changer celle du monde, mais il n'en avait guère l'espoir. La première chose qu'ils avaient appris sur Waël était son talent épée en main. Ils n'avaient que peu de chance de victoire de cette manière. Seul un guet-apens ou une attaque en masse pourrait avoir raison de lui. Il l'avait quémandé, conseillé, mais Thérion s'était montré, malheureusement magnanime. Il espérait que cela ne finisse pas par leur porter préjudice.

Il porta un coup en y mettant toute sa force. Waël para, mais sans vraiment reculer. Il férit à son tour, usant de tactiques diverses. De haut, puis de pointe. Gérold détournait à chaque fois, mais le mercenaire remarqua qu'il fatiguait de plus en plus. Il réalisa que le mage puisait sans cesse dans sa magie pour utiliser sa lame et que chaque coup l'affaiblissait peu à peu. Il était condamné depuis le début du combat, et le savait. Il frappa à gauche, à droit, puis au dessus, s'acharnant avec force et vitesse, ne laissant pas une seconde de répit à Gérold, qui dût mettre genou à terre pour rabattre le dernier coup sans être tranché en deux. Le mercenaire en profiter pour attaquer, encore et encore, jusqu'à ce que le la lame disparaisse, brisée par la fatigue du mage et la volonté du guerrier. Gérold mit un bras à terre, essoufflé, tête légèrement baissée, mais il fixait son ennemi dans les yeux. Il allait peut-être mourir ce jour, mais il n'était pas dis qu'il mourrait en couard.

Waël hésita. Il commença à lever son bras, mais quelque chose retînt son bras. Ce n'était pas la pitié, il avait déjà tué auparavant, et cela ne l'effrayerait guère : si son ennemi avait été plus fort, leurs rôles seraient inversés et les Dieux seuls savent ce qu'aurait alors fais Gérold. Mais les paroles du bandit faisaient des échos dans son esprit. Il ne pensait pas que le monde était en danger, et mettait ça sur le compte de croyance populaire, mais il était aussi persuadé que l'homme n'était pas mauvais, mais juste prit par ses convictions, prêt à aller au bout pour sauver un monde qu'il pensait en danger. Ses motivations étaient bonnes, bien meilleures que les siennes et méritaient peut-être qu'on lui accorde le bénéfice du doute. Juste au cas où.

— Putain !

S'insultant lui-même et sa bêtise, il baissa les bras, rengainant sa lame. Le combat était terminé et une nouvelle fois, il venait de prendre une décision qu'il regretterait peut-être plus tard.

— Ne nous suis plus !

Sachant très bien que ce serait vain de l'espérer, Waël se détourna, laissant Gérold tomber dans l'inconscience. Ils n'avaient plus le choix maintenant, ils étaient à leur tour suivis, et devaient prendre la route au plus tôt.

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