V

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— Hil ! Cria Waël.

Comme s'il s'agissait d'un signal - et ça en était très probablement un ! - Zu, d'un coup de pied dans la terre, éteignit les flammes et Hilik dégaina sa hache et la lança, utilisant ses deux mains, sur l'archer. L'arme fendit l'air aussi bien qu'elle fendit la chair du type, en pleine poitrine, le faisant tomber de son piedestal, sans un cri mais avec un bruit mou. Gérold tourna la tête vers son comparse et poussa un râle de rage, avant de lancer sa petite boule de feu dans la direction, vague, du groupe de mercenaire en criant.

— Maintenant ! Que l'armée des Dieux déboule et tue ces fumiers ! Pour les Dieux, pour le monde !

La boule de feu explosa au sol, éclairant brièvement ce qui serait le lieu de l'affrontement. Garet s'attendait à ce que Waël pousse le même genre de cri de guerre, mais il en fut tout autre. Il se rapprocha des deux Tekhtons mais aussi de Zu, et ensembles, ils s'avancèrent pour faire face. Phillia se plaça devant le marchand et Garet qui réalisa alors que la situation était la même que des années auparavant : il n'était rien de plus qu'un boulet pour eux, qu'un enfant faiblard qu'il fallait défendre devant le danger. Non, il ne pouvait laisser ça arriver ! Il devait faire quelque chose ! Il s'avança pour rejoindre Phillia, malgré que celle-ci tendit le bras pour l'en empêcher, et tandis que le chef de leurs assaillants sauta de son perchoir, se fondant dans l'obscurité.

— Préparez-vous, ils sont là, avertit Waël.

— Garet, reviens derrière moi, fit Phillia d'une voix inquiète.

Encore une fois, il sentit une boule dans son ventre le réchauffer. Oui, il y avait de l'angoisse, c'était indéniable, mais pas seulement. Elle avait peur pour lui. Loin de lui donner l'envie de se rétracter et de se réfugier derrière elle, ça lui donna plus de courage encore. Il dégaina son arme, maladroitement, et tenta de raffermir sa prise, mais l'angoisse rendait sa main moite et glissante.

— Garet !

Elle avait presque crié. Mais cette fois, nulle autre boule que l'angoisse réchauffa la poitrine du jeune Nordien : les attaquants arrivèrent en masse de l'obscurité, tels des ombres mouvantes, et armées. Ils étaient nombreux, bien plus qu'eux. Une flèche d'Atryonas se ficha dans l'épaule de l'un, le fauchant dans son élan, et l'immense épée de Waël s'abattit sur un autre. Ce dernier leva son arme en opposition, mais la force du coup d'espadon fut tel que l'homme en tomba au sol, et un second coup le frappa de plein fouet, envoyant une gerbe de sang dans les airs. Mais ce que vit Garet, surtout ce fut que l'un d'entre courut d'un air déterminé et rageur vers lui. Il voulut lever son arme, faire quelque chose. C'était son moment, son heure. Il avait attendu ça pendant des années, comme une revanche sur la vie. Mais quelque chose bloquait les jambes. La même chose qui avait étreint son coeur des décennies avant quand il avait vu sa mère et son père mourir. Il entendit, vaguement, Phillia hurler son nom. Bouge, imbécile ! Fais quelque chose ! Ne meurs pas ! Planque-toi ! Mais il en fut incapable, et alors que du coin de l'oeil, il vit Hilik donner un coup d'épée si puissant qu'il envoya rouler la tête de son ennemi plusieurs mètres plus loin, il vit l'assaillant crier et lever une dague. C'était maladroit, moins précis et moins professionnel que ses amis mercenaires, mais il semblait déterminé et possédé par la rage qu'il devrait lui aussi ressentir.

Il chercha de l'aide des mercenaires, mais Zu lui faisait dos, maniant sa faux avec habileté et agilité, la faisant régulièrement tournée dans les airs, faisant reculer ses adversaires. Hilik maniait son épée avec dextérité détournant des attaques et se défendant comme un démon. Et de toute manière, il était trop loin, tout comme son frère, qui tenait une flèche encochée, cherchant une ouverture vers les assaillants de l'autre Tekhtons. Enfin, Waël était lui-même aux prises avec les ennemis, et cherchait à avancer, certainement pour partir à la recherche du mage. Non, il était...Il sentit une main lui attraper le col par l'arrière et qui le tira vivement en arrière. Les yeux écarquillés, il vit la dague lui passer quelques centimètres devant le visage.

— Mais...Que...

Phillia repassa devant lui. Sentant que le danger que représentait la mercenaire était - nettement ! - plus grand que le sien, l'assaillant se tourna vers elle, aussi vivement qu'elle était intervenue. Garet, le souffle court, se retrouva aux côtés du marchand et vit Phillia lever les poings. Le brigand attaqua de nouveau, mais elle n'esquiva pas. Tu peux encore intervenir. Charge-le. Fonce ! Oui, c'était une bonne idée, l'homme étant aux prises avec la mercenaire, il serait facile de le plaquer au sol. Mais, une nouvelle fois, ses jambes ne répondirent pas. Il entendait, au loin, la voix de sa mère. Celle de son père. Il vit le sacrifice vain de son paternel, il vit la mort héroïque et sanglante de sa mère. Il ne voulait pas les rejoindre, et s'il s'attaquait à cet homme mieux entrainé que lui, sa mort serait inéluctable. Phillia se colla tout à coup à son ennemi, une main sur les siennes, qui étaient jointes sur le manche de son arme. Sa paume frappe ensuite le type dans la poitrine, et il lâcha son arme sous la stupeur. Phillia la rattrapa au vol, et voulut la planter dans l'aine du type, mais qui avait déjà récupéré ses esprits, et maintenait, comme il le pouvait, la lame à distance. Il mesurait une bonne tête de plus que Phillia et nul doute qu'il prendrait rapidement l'avantage.

— Waël ! Laisse-moi cramer ces enfoirés ! Cria alors Phillia.

Mais ce dernier était déjà trop loin pour l'entendre, aux prises avec deux ennemis, parant leurs attaques avec son immense épée, avant de tenter d'estocquer à son tour, sans plus de succès. Elle serra les dents. Que devait-elle faire ? Les ordres de son chef étaient clairs, et il pouvait se montrer très dur quand on désobéissait, mais d'un autre côté, si elle mourrait, cela serait pas mieux. Le temps pressait, l'attaquant prenant de plus en plus l'avantage. Hilik et Zu étaient trop occupés également. Elle vit la faux de l'un traverser un ventre et ressortir de l'autre côté, avant d'en ouvrir un autre, puis son porteur dût reculer sous des assauts, alors que l'épée d'Hilik brillait quand le reflet des quelques flammes restantes - surtout celles générées par le sort du mage - s'illuminaient dessus, alors qu'elle virevoltait. Les seuls qui auraient pu l'aider étaient derrière elle : le marchand et Garet. Elle entendit le premier crier :

— Mais tu attends quoi ?! Aide-la ! Le second restait silencieux, mais elle commençait à comprendre qui était le jeune homme et se demanda, malgré tout si Waël n'avait pas raison depuis le début. Elle l'avait d'abord trouvé mignon, pensant que c'était un jeune homme plein de bonne volonté mais manquant d'expérience. Mais elle se demandait alors que son poignet lui faisait de plus en plus mal, si ce n'était pas tout simplement la lâcheté qui le bloquait ainsi. La peur de mourir ou d'être blessé. Si c'était le cas, son supérieur avait raison et ils ne pourraient le garder.

Mais soudain, alors qu'elle perdait espoir, une main solide attrapa son adversaire par la gorge et le souleva de terre, littéralement. Phillia fit un bond en arrière, reprenant son souffle. Elle ne reconnut pas immédiatement son sauveur. Puis elle réalisa, en voyant ses cheveux châtains, ses vêtements déchirés à de nombreux endroits qu'il s'agissait de Garet. Mais il y avait quelque chose d'étrange. Son aura avait complètement changée, et même son physique. Il semblait plus grand, plus musclé, plus carré. Il ne dégageait plus cet petit air de chien triste, mais semblait être devenu un loup redoutable. Le brigand posa ses mains sur les poignets de Garet tout en recherchant un souffle, en vain. Phillia entendit un "crac" sonore, puis elle vit la tête du type faire un angle bizarre, avant que Garet balance le corps au loin, qui se brisa contre un arbre.

— Bordel...Garet, merci...

Quand le jeune homme se tourna légèrement vers elle, elle fit un pas en arrière. Il avait la face défigurée par un rictus de haine. Elle se demanda même s'il n'allait pas se retourner contre elle, mais finalement, il s'avança vers les autres. Un de ceux qui affrontaient Hilik et l'attrapar par l'épaule. Il le retourna, avant de lui coller une droite monumentale qui lui brisa le nez et lui arracha deux dents. Identifiant le jeune homme comme la nouvelle menace principale, les autres se tournèrent vers lui. Même ses alliés s'arrêtent de se battre - hormis Waël, trop loin pour voir ce qui se passait derrière lui - pour le regarder, choqués.

Garet esquiva la première attaque, attrapa ensuite la hache qu'on abaissait sur lui par le manche, le brisa rien qu'en serrant le poing et rattrapa la lame pour la planter dans le crâne de son ancien propriétaire dans un cri de rage et se tourna pour recevoir l'attaque suivante. Il l'esquiva tout aussi facilement sous le regard médusé des mercenaires, et brisa la nuque de l'attaquant, avant de lui arracher un poignard des mains. Il en fallait visiblement plus pour effrayer ses amis, qui continuèrent leur charge sans faillir. Garet attrapa l'un d'entre eux, la tête sur le coude et lui planta la lame dans le dos, avant de l'envoyer sur un autre. Il continua ainsi son massacre, n'étant pas inquiété une fois. Il brisa des nuques, des colonnes. Il semblait posséder une force colossale et inhumaine. Finalement, il défit tout ses opposants, sans la moindre difficulté. Il se tourna ensuite, pas même essoufflé ou fatigué vers les mercenaires puis, soudain, blêmit et tomba dans l'inconscience.

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