IV

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La troupe entière, Garet le premier, se leva d'un bond quand la flèche traversa la gorge du Templier. Ce dernier se raidit d'un coup, comme s'il venait de prendre un vilain coup dans le fessier et un râle sortit de sa bouche, remplaçant la fin de sa réplique et mettant fin à sa dernière conversation. Chacun le regardait bêtement, les yeux écarquillés. Waël fut le premier à dégainer, rapidement suivi par les autres. Phillia se préparait à...Faire quelque chose. Quoi, Garet l'ignorait, mais il la vit, se tendre et lever une main. Cependant, aussitôt, Waël l'arrêta.

— Phillia, attend.

Elle obéit et suivit son regard, alors que Volkan était tombé à genoux. Garet reporta son attention sur lui, et sentant son coeur et sa respiration s'emballer, il ne parvînt pas à le quitter des yeux. Il avait l'impression que le Templier lui parlait, à lui et à lui seul. Il cherchait à lui transmettre un message que le nordien ne parvenait pas à comprendre. Puis il se souvînt de la sensation qui lui avait étreint le coeur en voyant sa mère tomber elle aussi et il se rappela des paroles de Sven. Oui, mon petit, ta vieille amie est revenue. Elle te cherche, te trouvera si tu ne prend pas garde. Elle te regarde et susurre ton nom. Répondras-tu à son appel ? "Non..." Je l'entend, neveu, mais pas tes amis. Dis-le ! Hurle-le ! Garet se tourna vers les autres. Leurs visages étaient concentrés. Déjà, ils regardaient pardelà le corps encore chaud et peut-être respirant encore de Volkan. Ils étaient sourds et aveugles à la mort qui les fixait de son oeil vitreux. Ou serait-ce son contraire ? Est-ce qu'ils l'entendraient, bien plus distinctement que toi et répondraient à son appel en se préparant à, à leur tour, faire couler le sang et les larmes ?

Waël n'était pas insensible. Mais s'il connaissait Volkan et ses préceptes, il savait aussi que s'il se laissait aller, ils allaient au devant d'une mort rapide. Il voulait avant tout leur éviter de subir le même sort. Quand Volkan toucha le sol, tous purent les apercevoir. Garet y compris. Tout d'abord, ils ne purent que les deviner, plus précisément. Deviner deux silouhettes grandes, minces, debouts sur les murs des ruines. L'un d'entre eux tenait ce qui semblait être un arc. Certainement l'arme du méfait. Ils ne bougeaient pas, et pour un peu, on pourrait les croires illusions, et ils pourraient se fondre dans la nuit, devenant invisibles à leurs yeux. Garet d'ailleurs en était sûr : ils pourraient le faire s'ils le voulaient. Waël, lui, craignait autre chose.

— Préparez-vous ! Atryonas !

Sans besoin d'ordre ou de mots supplémentaires de la part de Waël, le mercenaire encocha une flèche, prêt à tirer. Phillia, de nouveau, voulut préparer quelque chose. Elle écarta les bras et inspira. Garet, qui était le plus proche d'elle, sentit comme un crépitement dans l'air, qui se chauffa. Ce fut comme si le brasier s'intensifiait. Mais, de nouveau, Waël intervînt.

— Phillia, non !

— Mais je...

— Protège le marchand et Garet.

— Waël je...

— Fais ce que je dis.

Garet se tourna vers le chef de leur groupe alors qu'il venait de monter à peine son ton, le rendant aussi froid que lui. Il portait son casque impressionnant Garet qui, d'un coup, se sentait immortel. Comment pourraient-ils perdre le combat avec un tel guerrier dans leur rang ? Phillia soupira et le temps d'un instant, le regard qu'elle porta à Waël ne fut pas des plus doux, mais elle obéit et se rapprocha de Garet.

— Je n'ai pas besoin d'être protégé, protesta t-il.

En vain, bien sûr, Waël l'ignorant déjà, et la jeune femme ne lui accordant même pas le moindre regard. Tu le penses vraiment ? Es tu sot à ce point ? "Je ne suis plus un enfant". Pour le moment, tu ne l'as prouvé à aucun moment. Moi-même j'attend toujours de voir ça ! Mais comment le pourrait-il, s'ils le protégeaient à chaque fois que sa vie pouvait être en danger ? Mais des secondes passèrent. Pas beaucoup, mais largement suffisament pour qu'une autre flèche puisse fendre l'air. Visiblement, l'archer n'avait pas l'intention de tirer encore. Pour l'instant.

— Pourquoi ne tirent-ils pas ? Grinça Waël.

Il se tenait les bras écartés, visiblement prêt à esquiver le moindre trait.

— Ils souhaitent peut-être négocier, fit Zu.

Waël ne se tourna pas vers son ami, car cela ouvrirait une brèche immense dans sa défense mais il serra les poings, outrés par ce qu'il venait d'entendre.

— Tu es sérieux, Zu ? Car c'est comme ça que tu ouvres des négociations toi, en tirant d'abord ? Et surtout, tu crois que je vais négocier avec des assassins ?

Zu soupira, alors que Garet remarquait que la poitrine du Templier se soulevait encore. Faiblement,certes, mais la vie ne l'avait pas quitté totalement.

— Ouai, ça serait maladroit, je te l'accorde, mais...

— Pas de mais, Zu. Ils tuent, on tue.

Un rire se fit entendre et soudain, de silouhette à peine visible, ils passèrent à visages éclairés dans le noir. Un des hommes, celui le plus à gauche, était habillé de cuir, et ne semblait pas, au premier regard armé. Il tenait une petit boule de feu rougeoyant dans une paume ouverte, qui éclairait presque de manière inquiétante son visage et celui de son compère, non loin de lui. Garet put noter qu'il était relativement jeune, mais devait être un redoutable guerrier, car il portait une armure, et surtout...Son sourire, Garet. C'est son sourire carnassier. Ton amie la Mort y a posé son empreinte. "Ce n'est pas mon amie, et cesse de parler d'elle comme si elle existait, s'il te plait...". Tu la crains encore, tu es encore jeune. Lui, il l'a adopté comme une vieille amie et elle l'accompagne partout où il va. Si tu le croise, il faut que tu charmes sa compagne, que tu lui voles son amour. Sinon, c'est toi qu'elle va manger...

— Salut l'ami, fit finalement celui qui tenait la boule de feu.

L'autre, l'archer visiblement vu l'arme qu'il tenait, restait silencieux et l'arc baissée, lui aussi capuche sur la tête.

— Qu'est-ce qui te fait croire que nous pourrions être ami ? Fit Waël.

Garet le fixa un moment. Qu'est-ce qu'ils attendaient ? Pourquoi personne ne bougeait ? Et toi ? Garet ne bougeait pas, les jambes molles, mais ce n'était pas surprenant. Il était lâche, lui-même le savait. Mais pourquoi les autres restaient immobiles, eux qui se vantaient de leurs actes héroïques et guerriers ? Attend, tu vas voir. Patience, jeune homme, patience. Te jeter à corps perdu est débile, surtout quand tu as un mage et un archer devant toi.

— Nous ne le sommes pas. Nous pourrions le devenir, mais cela dépend de vous.

— De nous ? Tu viens de tuer notre patron, enfant de salaud ! Vociféra Atryonas.

Zu leva une main vers lui, comme pour le calmer.

— Calmez-vous les gars, essayons de négocier !

Même Phillia le foudroya du regard. Waël préféra ignorer l'intervention de son associé, mais se promit d'y revenir une fois les choses tassées. Cela méritait amplement une bonne discussion.

— Trêves de palabres, qui êtes-vous et que voulez-vous ?

Les deux hommes échangèrent un regard.

— Et qu'est-ce qui vous dit que nous ne sommes pas des brigands de grands chemin, lorgnant sur les effets du p'tit gros là...

Garet mit un certain temps à comprendre qu'il ne parlait pas de lui mais du marchand qui serra les dents, visiblement vexé...Mais trop lâche pour ouvrir la bouche. Le mercenaire eut un petit rire en réponse.

— Arrête, un brigand qui vise en premier un Templier et ensuite chercher à parlementer. Ou pas, d'ailleurs. Alors accouche, merde !

Le sourire de type passa de l'amusement à la narquoiserie, alors qu'il leva la tête.

— Je suis Gérold. Je suis un, je suis dix, je suis cent, je suis mille.

Et soudain, l'autre reprit avec lui. L'autre, puis d'autres encores, derrière eux, confirmant l'idée qu'ils n'étaient pas que deux. L'homme releva aussi sa tunique, dévoilant un tatouage d'une flamme sur un livre et son ami montra le même tatouage sur son cou en levant sa tête.

— Je suis le monde, reprirent-ils tous ensembles, je suis la résistance. Je ne crains ni la mort ni l'oubli car ma cause est juste et ma quête immortelle !

Un lourd silence suivit sa tirade, alors qu'il rabaissa sa tunique. Il sortit de la transe dans laquelle il venait d'entrer en soufflant. Waël avait perdu de son sourire et se tenait les dents serrées.

— Qui êtes-vous ?!

— Je viens de te répondre, l'ami. Maintenant, je vais répondre à ta seconde question. Je veux que vous fassiez demi-tour et oubliez complètement cette quête. Votre ami est mort et vous allez le rejoindre si vous perséverez dans cette voie.

Garet trouva l'argument étonnament bon. Oui, pourquoi poursuivre, maintenant que Volkan était mort ? La quête n'était-elle pas caduc ? Elle le serait si il était le seul donneur. Mais le véritable payeur, c'est le Temple. Et le Temple vit. Tant qu'il vit, l'argent est au bout du chemin. Garet regarda ses "amis" et sut qu'ils partageaient l'avis de son oncle. Il crut apercevoir un bref regard de Waël en direction de sa gauche, mais ne comprit pas ce geste, ni ce qu'il voulait voir. Pas tout de suite du moins.

— J'ai une réponse pour toi, lança leur représentant.

Prépare toi, ça va commencer. C'était difficile à croire, tant la scène était immobile et calme, tel un tableau. C'était comme si quelqu'un avait fait un dessin des ruines et qu'ils avaient pris vie à l'intérieur de ce dessin. Mais, le jeune nordien le comprendrait bien plus tard, c'était le calme avant la tempête. Gérold devait déjà l'avoir compris, car son sourire disparaissait petit à petit.

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