I

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Leur périple se faisait dans le calme absolu. Ils parlaient peu, et rien ne venait déranger leur voyage. Pas de bandits, et c'est à peine s'ils croisaient des marchand ou des vagabonds. Pour le plus grand déplaisir de Garet, ils ne s'arrêtaient guère dans les tavernes. Lorsqu'il avait demandé pourquoi à Phillia - qui était la seule à lui adresser la parole volontier, même si Atryonas n'était pas spécialement belliqueux - elle lui avait dit que la discrétion était toujours une bonne arme, dans n'importe quelle situation. "Et cela vaut pour tout, pas uniquement pour les missions" avait-elle ajouté. Oui, ça, il validait. Il savait se faire discret, se terrer dans l'ombre et les Ténèbres, c'était ce qu'il avait toujours fait. Il n'avait pas honte de le reconnaître, c'est ce qui l'avait maintenu en vie. Pour le moment, sa mission pour devenir un héros ressemblait plus à un simple pélerinage. Si cela le confortait et le rassurait, il savait qu'il aurait besoin de sortir des sentiers battus pour devenir un héros, d'affronter un danger, d'enfin trouver ce courage qui lui avait tant manqué autrefois.

Il soupira, assis à l'arrière de la charette. Qu'as-tu ? "Je m'ennui, pardi. Je croyais que j'allais pouvoir devenir un héros, pas que j'allais pouvoir m'endormir". Ça viendra peut-être plus vite que tu ne le penses. D'ailleurs, la question c'est pas de savoir "quand" ça arrivera, mais de savoir si tu seras prêt. Alors, ne sois pas si hâtif, et prépare-toi. "M'ouai...". Guère convaincu, Garet observa le paysage autour d'eux. La forêt était devenue de moins en moins danse, et plus plate, mais il savait que cela ne durerait guère, ils retrouveraient les arbres en s'approchant du territoire des Tekhtons. Il regarda au loin, se demandant où étaient ses montagnes, ses superbes montagnes. Les paysages vallonnés de son enfance lui manquaient. Ici, tout était plat, terne, placide. Tout se ressemblait, le confortant dans la morosité de l'ennui. Écoute. "Hein ?" Prête l'oreille à ce qu'il se passe autour de toi. Obéissant à son oncle, Garet tendit l'oreille pour entendre une conversation entre Waël et Volkan. Il tourna la tête vers eux, curieux de savoir ce qu'ils se disaient alors que, selon toute vraissemblance, ils ne se rendaient pas compte qu'il pouvait les entendre.

— C'est trop calme, fit Waël comme en écho aux pensées du jeune homme, êtes-vous sûr qu'il ne s'agit pas là d'une fausse piste ? Après tout, les indices sont maigres et ça fait déjà quatre jours sans la moindre trace.

— Nous n'avons pas le choix. Si vous avez une autre idée, je suis preneur.

Silence. Non, bien sûr que non, les indices n'étaient pas maigres, ils étaient inexistants. Ils avaient fait le lien avec une rumeur entendu ci-et-là, mais même ça, c'était léger, Garet s'en rendait bien compte.

— Effectivement, je n'ai rien de mieux à proposer. Mais ne serait-il pas plus judicieux d'attendre les réponses du Temple ?

— Autant attendre que le vent nous hurle la réponse.

— Le Temple est donc tombé si bas, pour prendre à la légère la disparition d'une relique si importante si proche de l'an 0 ? Fit Waël avec une touche de regret et de déception dans la voix.

— Ce n'est pas si simple, répondit le Templier. Le protocole, les mesures...On se noye dedans, et chaque décision prend un temps fou à être prise. Non, c'est une prise de risque certes, mais une prise de risque utile.

— Ouai...Enfin, le risque n'est pas le même pour tous.

Ils parlent de toi. "J'avais compris, merci."

— Effectivement, confirma Volkan. D'ailleurs, il serait temps de s'en occuper.

— Comment ça, de s'en occuper ?

— Et bien, comme je l'ai dis, on a du temps avant d'arriver jusqu'au territoire des Saldins. Largement assez pour commencer à le former.

Waël eut un rire qui ne plut pas à Garet.

— Allons ! Il est petit, jeune, grassouillet, lâche...Comment voulez-vous que j'obtienne quelque chose de lui ?

— Essayez. Ce sera toujours mieux que de devoir le sauver à la première altercation, non ?

Waël soupira, son cheval, devenant silencieux. Garet le regarda. Il portait son lourd casque à collerette, et impossible donc de voir son visage et de deviner ses pensées.

— Nous verrons cela. Il est temps que je parte un peu devant.

Volkan inclina simplement la tête, et le mercenaire s'éloigna sous les yeux du Templier et de Garet qui sentit un sentiment qu'il ne connaissait pas encore grandir au fond de son ventre. Ça mon petit, c'est la haine.


Thérion soupira d'aise en s'asseyant sur l'immense tronc devant lequel ils avaient décidé de monter leur petit camp. Il était bon marcheur, mais pour une raison qu'il ignorait, cette quête l'épuisait, physiquement comme mentalement. Il était prêt à n'importe quoi pour le confort d'un vrai lit, pour un bon repas chaud devant le foyer réconfortant d'une demeure, humble ou luxueuse, et surtout pour un bain chaud. Il sentit, pour voir et grimaça. Oui, décidément le bain ne serait pas de trop ! Ils avaient retrouvé la forêt profonde, et Thérion savait que sa jeune amie s'y sentait bien. C'était son élément. Elle avait découvert ces immenses bois de pins, hauts comme cent hommes, et s'en était trouvé fascinée. Depuis, dès qu'elle le pouvait, elle s'y perdait, abandonnant Thérion pendant parfois des heures. Il ne s'en inquiétait pas, bien au contraire. Elle était peut-être plus en sécurité que lui, seule dans les bois. Ce soir-là, elle revînt vite cependant, et pas les mains vides. Elle déposa le cadavre d'un lapin.

— Ah, il y a de l'amélioration ! Apprécia Thérion.

Neko pencha la tête.

— Quoi toi veux dire ?! Demanda t-elle.

Thérion fit signe que "rien". Habituellement, elle ramenait ses proies éventrées, déchiquetées et la moitié du corps était déjà dévoré avant qu'il ne puisse le mettre à rôtir. Enfin, ce soir-là, il pourrait avaler un repas agréable et nourrissant. Il le mit à cuir, sous le regard, toujours curieux de sa jeune amie. Elle resta silencieuse un moment, puis lança, l'air de rien :

— Tes amis vont mourir.

Thérion, ne s'attendant pas à une telle réplique à un tel moment, lança un regard attéré à Neko.

— Qui ? Quels amis ?

— Ceux de autre jour.

Thérion, qui pensait que son amie perdait espoir ou divaguait, comprenait enfin où voulait en venir son amie.

— Sûrement. Ils savaient où ils allaient.

— Pas ta faute. Sauver monde. Grande mort.

Thérion eut un léger rire étouffé. Elle aurait voulu camoufler un reproche, une critique, elle ne se serait pas prise autrement. Mais non, c'était sincère, et elle avait raison. Ce n'était pas de sa faute, c'était une grande mort héroïque dont le monde entendrait parler bien plus tard...Et pour sauver un monde ingrat qui ne le méritait peut-être pas.

— Oui, un peu de tout ça.

Et soudain, Thérion réalisa quelque chose, alors que la fille/chat commençait à rassembler du petit bois.

— Tu as peur de mourir, Neko ?

— Non, pas peur. Sais mourir mourir un jour. Grande mort, sauver monde. Un peu tout ça.

— Accepter la mort ne signfie pas ne pas en avoir peur.

— Moi pas peur mort !

Elle avait lancé cette affirmation en se tournant vers lui pour planter ses yeux de chats dans les siens, comme s'il venait de l'insulter de lâche. Il hocha doucement la tête. Il eût envie de la prendre dans ses bras, de la remercier pour tout ce qu'elle lui apportait, mais c'était inutile, et ça la mettrait en colère.

— Merci. Pour le lapin. Elle retrouva un sourire qui avait quelque chose de carnassier et d'enfantin à la fois.

— Oui, bon repas ! Prendre forcer pour sauver monde !

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