IV

7 minutes de lecture

Leoken profitait de la balade pour poser ses yeux là où aucun humain ne l'avait fait avant lui. Il comprenait pourquoi maintenant les Drows gardaient si farouchement l'accès à leur île. Elle était magnifique, et partout où se posaient ses yeux, il y avait merveille en plus de beauté.

— Moi aussi j'empêcherai quiconque d'abâtardir cette beauté.

— M'ouai...Fit en réponse Ellya.

— L'inverse venant de toi m'aurait confondu, rétorqua l'amiral, mais tu devrais profiter. Hume cet air pur ! Regarde ce vert absolu ! Admirable !

— Fermez-là derrière, ou je vous bande les yeux ! Lança Laeth.

Elle menait la marche en direction du palais. Elle savait qu'elle au devant d'une grande dispute et ça la fatiguait d'avance. Elle aurait aimé être d'une nature moins rebelle, plus complaisante, mais ce n'était pas le cas. C'était plus fort qu'elle. Elle avait raison, le savait, et elle n'en démordrait pas. Et donc, ils iraient se disputer, chaudement. C'était inévitable, aussi inévitable qu'un lever de soleil et elle voulait s'y préparer, mais les deux piailleurs de derrière l'empêchaient de se concentrer. Le silence ne dura d'ailleurs malheureusement pas longtemps, avant qu'ils recomment à se jeter des vannes au visage, si bien qu'elle finit par abandonner.

Ils étaient quinze, soit beaucoup moins qu'espéré, mais plus qu'attendu. Leur chef s'approcha de Thérion, assit sur un rocher, pas mécontent de pouvoir souffler. Il releva sa tunique pour relever un tatouage représentant une flamme sur la page d'un livre pour confirmer son identité.

— Gérold. Je suis venu, tel que vous me l'avez demandé. Maintenant, que devons-nous faire ? Quel est le plan ?

Thérion fit la moue. Il ne connaissait pas ces hommes, et s'ils étaient les premiers qu'il s'apprêtait à envoyer une mort possible, si ce n'est certaine, ils n'en seraient pas les derniers. Il allait enfin pouvoir tester la loyauté et la volonté de ses soldats.

— Nous donner du temps, rien de plus, rien de moins.

L'homme s'appuya sur une lance en plissant légèrement les yeux.

— C'est à dire ?

— Nous sommes suivis. Je ne sais pas par qui, ni combien ils sont. Je ne sais pas où ils sont exactement, mais il faut les ralentir un maximum. Si vous parvenez à les éliminer, faites-le mais...

Thérion laissa un blanc.

— Mais ce n'est pas ce qui est prévu, n'est-ce pas ?

— Effectivement. Puis-je compter sur vous ?

Demanda Thérion. De nouveau, la tête haute, l'homme montra son tatouage. Ça vallait la meilleure réponse audible.


Leoken fixait l'immense porte en tentant de maitriser son tract. Les bras croisés, appuyé contre l'arbre contre lequel le palais était construit, Ellya secouait la tête.

— J'imagine que c'est le plus beau jour de ta vie, amiral.

— Tout dépend de toi. Ne me fais pas affront avec tes manières ingrates !

— Si mes manières laissent à désirer, prends-en toi à la personne qui me les a apprise.

— Ce que tu peux être cocasse parfois.

Ellya ouvrit la bouche pour répondre, mais des bruits de pas de l'autre côté de la porte l'interrompit. Leoken se redressa d'un coup, et remit en place son manteau.

— En fait, laisse-moi parler, ce sera mieux.

L'elfe roula des yeux. Elle aimait emmerder son protecteur, le pousser dans ses retranchements, mais elle détestait être le centre d'attention plus encore, alors pas de risque qu'elle parle à un roi. Lorsqu'enfin, on leur ouvrit la grande porte, Leoken s'avança en premier, bien sûr, prenant une démarche qu'il voulait certainement assurée et noble, mais qui en réalité ne faisait que lui donner un air arrogant et conquérant. Certainement pas le meilleur choix au vu de la situation. Mais il était têtu et enfermé dans son personnage, elle ne pourrait pas le changer, sûrement pas aujourd'hui. Il gardait son regard fixé devant lui, vers le fond de la salle et un trône surlequel un Drow était assis. L'air mauvais, il était grand et carré. Une carrure de guerrier, à ne pas en douter. Il les fixait, se tenant le menton entre l'index et le pouce.

Deux lignes de soldats se faisant face leurs traçaient un chemin direct. Ellya regardait autour d'elle, cherchant une éventuelle sortie. Ils n'étaient pas les bienvenus, c'était une évidence et ils feraient mieux de s'attendre à toutes les éventualités, y compris défendre chèrement leurs vies. Et vu leur nombre, la fuite serait leur seule solution viable. Elle voyait Grondan qui, visiblement, faisait la même chose, regardant le plafond fait de bois, ou les murs inexistants ou presque. Ils étaient au moins à trente mètres du sol et Ellya se rendit vite compte que la seule issue était celle par laquelle ils venaient d'entrer. Elle fut sortie de ses rêveries par la voix grave du roi.

— Je vais être direct et franc. Vous n'êtes pas les bienvenus. Par ailleurs, mes ordres étaient d'éliminer les intrus (son regard se dirigea vers la gauche et Ellya remarqua que la Drow qui les avait accompané attendait non loin, dans l'ombre des soldats) ma fille vous a épargné, car son coeur est grand. Beaucoup plus que le mien. Donc soyez bref, et surtout, soyez convainquants. Donnez-moi une bonne raison de ne pas vous tuer, ici et maintenant.

Si Leoken fut effrayé, il n'en montra rien, gardant un léger sourire aux lèvres. Ellya voulut chasser ce sourire d'une tape derrière la tête. Le roi voulait déjà leurs têtes, inutile de l'énerver plus encore. Et ce sourire avait le don d'énerver les gens. Il s'inclina finalement, dans un geste répété toute sa vie en attente de cet instant. Si Ellya ne fut pas touchée par le fait de voir son protecteur légèrement incliné en avant, un pied relevé, un bras plié sous son ventre, l'autre tenant son chapeau loin de son chef, Grondan lui accorda une sorte de grâce. Le roi leva un sourcil.

— Nous sommes porteurs d'un message, majesté. Un message pacifique, bien entendu.

— C'est cela votre argument ?

Leoken se redressa lentement et remit son chapeau.

— Oui. La paix ne suffit-elle pas comme argument ?

Pendant quelques secondes qui parurent durer une éternité, le roi resta silencieux, fixant Leoken, puis Ellya.

— Tu vas me dire que tu es venu ici avec une elfe qui a juré d'éliminer les Drows avec des intentions pacifiques ? Je devrais te croire sur parole ? Te moques-tu de moi ?

Comme si un ordre était sousentendu dans la parole du roi, les gardes dégainèrent à moitié comme un seul homme, faisant sursauter l'ensemble de la troupe de Leoken. Ellya était la seule à maitriser un tant soit peu la magie,et hormis l'amiral, elle ignorait si les autres avaient des capacités au corps-à-corps suffisants pour resister à une escarmouche en tel sous nombre.

— Bordel Léo, dans quoi tu nous as entrainé ?!

— Ne me nomme pas ainsi, tu sais que j'ai cet hétéronyme en horreur. Et de quoi te plains-tu, toi qui réclame toujours de l'action ?

Capitaine Grondan déglutit, inquiet lui aussi. Il se tenait prêt, les bras écartés, dos à Leoken. Il couvrirait comme il le pourrait leurs arrières, mais il ne se leurrait pas, en cas de combat, ils étaient condamnés. Pourtant, l'amiral semblait d'un calme absolu et impressionnant. Comment faisait-il ? Qu'est-ce qui lui donnait cette assurance ? Contre toute attente, les Drows ne furent pas les premiers à bouger. Sous le regard horrifié d'Ellya et du captaine, Leoken dégaina un poignard de sa cheville, et le lança. La lame déchira l'air en direction du roi, avant de se planter dans le trône à quelques centimètres du visage du Drow. Les gardes n'attendirent pas la réaction de leur roi pour dégainer, et Ellya leva les poings, furax.

— Sale con ! T'es complètement marteau ou quoi ?!

— Tu pourrais être au moins cohérente dans tes insultes, jeune effrontée. Folie ou bêtise, il te faut choisir. Et fais-moi confiance !

Elle déglutit. Elle le connaissait depuis dix ans maintenant, et avait toujours été un oncle pour elle. Plus d'une fois il l'avait surpris, et elle savait même que c'était là sa caractéristique dominante, capable du meilleur et du pire. Le roi s'était dressé de toute sa hauteur.

— Garde, tue...

— Père ! Ne comprenez-vous pas le message ? S'écria Laeth.

Surpris, Draël s'interrompit, et se tourna, outragé vers sa fille.

— Oh que si ! Il...

— Il a visé à côté ! Vous étiez immobile, la voie était dégagée, pensez-vous qu'il aurait manqué son coup alors qu'il avait eu tout son temps, si vraiment il s'agissait d'un assassinat ?

Léoken inclina la tête, souriant, vers la princesse et se pencha vers sa protégée, sans quitter la magnifique princesse des yeux.

— Prends-en de la graine, ça c'est de la femme. Elle a tout compris dès le début et...

— Ça va, j'ai compris, ta gueule.

Leoken eut un petit rire étouffé, alors que Draël s'était immobilisé bêtement, le bras tendu. Les paroles de sa fille n'étaient pas idiotes. Il maitrisa sa colère et tenta de réfléchir placidement. Mais le risque inhérent à laisser des assassins vivants était haut, et pesait dans la balance. Il se rassit en soupirant.

— Enfermez-les, le temps que je réfléchisse.

— Père écoutez-les au moins avant !

Maintenant persuadée qu'il s'agissait du messager dont sa vision parlait, elle voulait l'entendre. Son message devait être d'une importance capitale pour qu'il risque ainsi sa vie.

— Je les laisse respirer, estime-toi heureuse.

Elle connaissait ce ton sec par coeur, et savait qu'elle n'obtiendrait rien de plus. Elle se contenta d'un soupir et d'un regard en direction des étrangers qu'on entraina vers ce qui servait de prison aux Drows.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Le Rêveur ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0