III

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Neko regarda Thérion essoufflé, sur le rocher. Elle se faisait du soucis. Il était jeune et il n'y a pas si longtemps elle aurait aussi dit "vigoureux" mais plus le temps passait, plus il marquait le coup. Et il y a quelques jours, sa fatigue s'accentua encore alors qu'il venait d'apercevoir quelqu'un qui, selon ses mots, l'espionnait. Ami ou ennemi ? "Le temps nous le dira bientôt" avait-il répondu. Neko n'en avait que faire. Elle était jeune et ne possédait pas le recul nécessaire pour élaborer toute forme de plan. Thérion, en revanche, en plus d'être doué du pouvoir de vision, était très intelligent. Il était la personne la mieux placée pour sauver ce monde, même malgré lui, mais elle se rendit compte aussi en le voyant, le front posé sur la paume, que cela devait être un terrible fardeau. Pourrait-elle seulement l'en soulagé un peu ? Rien qu'un peu ? Elle s'approcha, félinement. Elle posa son menton sur son genou et il ouvrit des yeux humides sur elle.

— Toi aller ?

Il força un sourire.

— Je suis fatigué, mais ça va, ne t'en fais pas Neko. On peut repartir.

— Toi sûr ? Toi fatigué...

Saisissant son bâton qu'il avait laissé au sol, il s'appuya dessus pour se relever, difficilement. Il avait l'impression d'avoir cent ans.

— Non, pour être franc, mais on a pas le choix, nous sommes suivis et pressé.

Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais elle huma une odeur et tourna la tête vivement vers le sud. Repérant son geste, Thérion devina de quoi il s'agissait et lui posa un doigt sur l'épaule.

— Du calme, Neko. Ils sont là.

Ils étaient venu à cent, au cas où. Ce n'était bien sûr pas une force d'invasion, bien au contraire même, mais une protection contre d'éventuels pirates. Leoken avait fait le choix, judicieux selon Grondan, d'accosté avec une force très limité de dix personnes, dont lui-même et sa protégée, Ellya. Il sentait cette dernière particulièrement tendu, mais à sa place, il le serait aussi. Ils avaient pris une barque, et avaient ramé vers le rivage, Leoken le pied posé sur le rebord dans une position qu'il voulait héroïque. Mais Grondan commençait à le connaitre, et savait que c'était plus pour soigner son image qu'autre chose. Il secoua la tête, amusé, en le voyant ainsi, tenant son chapeau entre l'index et le pouce.

— Il n'y a pas une once de vent, Leo, arrête tes conneries, avait lancé Ellya.

— Vous n'entendez rien à une tenue correcte, jeune demoiselle, alors je vous prierai de garder vos blâmes pour vous.

Grondan avait ris dans sa barbe. Inutile de se mêler à une telle conversation, il la suivit avec intérêt, s'amusant des piques que se lançaient respectivement ses deux invités. Il était le capitaine du Vent Marin, navire marchand de son état. Acquis à la cause de leur maître, il avait accepté un tel voyage, tant pour les ouvertures possibles que pour apporter sa pierre dans la quête de Thérion. Lorsque finalement, ils accostèrent, ils tirèrent la barque. Grondan chercha un endroit où la cacher mais Leoken secoua la tête.

— Pas la peine, ce n'est pas une quête de furtivité. Suivez-moi.

Leoken fit un pas en avant, toujours dans une posture héroïque. Mais il n'en fit qu'un, et personne ne le suivit. Le minuscule banc de sable sur lequel ils venaient d'accoster montaient ensuite vers ce qui semblait être une jungle. Sur un rocher les surplombant se trouvait une panthère en position de bondir. Grondan commença à dégainer, lentement, arrachant un grogneement à la panthère, mais Leoken posa sa main sur le bras du capitaine pour l'arrêter.

— Stoppez là votre ardeur, jeune impétueux.

— Pourquoi ?! Elle va nous bouffer si on ne fait rien ! Objecta Grondan.

Ellya s'avança en chantonnant. Grondan se tourna vers elle, ne comprenant pas ce qu'il voyait. Ellya était une elfe noire, et en tant que tel elle avait la peau très sombre, presque noire, des yeux rouges sang. Elle avait les traits fins, comme toutes les races d'elfes, mais possédait les cheveux bleus. De ce qu'il savait, c'est ce qui lui avait valut d'être chassée des siens. Habituellement, elle dégageait tant de colère, tant d'animosité, que personne - Grondan le premier - n'osait l'aborder, ne serait-ce que pour lui dire bonjour mais soudain, alors qu'elle psalmodiait une mélodie qui semblait venue d'un autre monde, il la trouva lumineuse et superbe.

— Ne la regardez pas. Ne l'écoutez pas, fit Leoken.

— Hein ? Pourquoi ferais-je cela ? Elle est si belle, si mélodieuse...

Leoken lui marcha sur le bout des orteil avec son talon. Grondan jura en se dandinant puis fixa le sol en comprenant. Ce chant n'était pas anodin. Elle psalmodiait, elle chantait, et ils étaient subjugués. Sans l'intervention de Leoken - ou l'amiral, comme il s'était présenté bien que ce grade lui soit totalement imaginaire - il l'aurait suivi au bout du monde, et se serait attaqué à mains nues à la panthère si elle le lui avait demandé.

— Elle est dangereuse !

— Et elle n'est pas la seule...

N'entendant plus le chant de leur amie, Grondan et Leoken levèrent la tête pour s'apercevoir qu'ils n'étaient plus seuls. Des Drows se tenaient devant eux, à califourchons sur d'immenses panthères.

— Et merde ! Jura Ellya.

— Et voilà. Merde sera le premier mot officiellement prononcé le jour de la rencontre entre humains et drows, bravo Ellya, ironisa Leoken.

— Oh ça va !

Une des cavalières s'avança. Elle n'avait pas d'armes en main, contrairement à ses congénères, qui avaient leurs arcs tendus, prêtes à décocher, mais rien que la taille de sa panthère suffisait à dissuader Leoken d'attaquer. La bête s'approcha d'Ellya, qui était plus avancée que les autres.

— Ton chant a réussi à calmer la panthère, elfe noir. Je serai curieuse de savoir d'où tu tiens ce pouvoir, et surtout, comment toi et les tiens avez réussi à venir ici.

Ellya resta silencieuse, se contenta de fixer la cavalière dans les yeux alors que l'énorme museau de la panthère la reniflait. Grondan restait figé parce qu'il voyait. Il réalisa qu'il avait une chance qu'autre homme avant lui n'avait eu : rencontrer des Drows. Ils étaient grands, beaucoup plus qu'un homme, et majestueux. Leurs armures étaient simples, pourtant il sentit une étrange et grandiose force émaner d'eux. Pour rien au monde il voudrait affronter ces créatures. Et ils étaient incroyablement beaux ! Leoken brisa enfin cet étrange tableau, craignant que sa protégée craque. Il s'avança et, dans toute sa splendeur, ôta son chapeau, fit de grands gestes - Grondan surpris même une cavalière qui faillit tirer, ne sachant comment interpréter ce qu'elle voyait - avant de s'incliner, le chapeau toujours dans la main.

— Veuillez pardonner les manières de ma protégée, votre parfaite splendeur montée. Je suis Leoken, grand amiral de la flotte de Thérion, et en son nom, je suis viens porter un message de la plus haute importance.

La Drow qu'il en face de lui descendit souplement de sa panthère, et il put admirer sa grâce et sa beauté. Il était difficile de ne pas regarder son décolleté généreux et ouvert, mais il s'y contraint, se "contentant" du petit nez légèrement retroussé de la drow ou de ses grands yeux qui lui donnaient un air enfantin. Elle s'approcha de lui.

— Amiral, hein. J'aimerai savoir où est votre flotte. Amiral. Je vois un petit bateau au loin, et dix paysans armés devant moi. Je suis sensée être impressionnée ?

— Non, je ne cherche nullement à vous effrayer, madame, soyez-en assuré. Je suis un duelliste expert certes, mais guerrier ou stratège, point. Bien au contraire, j'ai un message.

La Drow qui semblait sûre d'elle, fronça légèrement les sourcils, et l'amiral crut déceler un changement dans son comportement, son aura. C'était infime, mais il l'avait fait réagir. Cela dit, il ne savait comment interpréter ce changement.

— Vous êtes le messager ?!

— Euh...D'une certaine manière...Mais je préfère dire que je suis un diplomate mais...

— C'est un messager, ouai. Coupa Ellya faisant soupirer son protecteur.

— Je vois...

En vérité, Laeth ne voyait rien. Elle espérait presque trouver une bande de soldats armés prêts à en découdre, les choses auraient été beaucoup plus simples. Elle se tourna vers les cavaliers et l'un d'eux devina ce qu'elle avait en tête et fronça les sourcils.

— Les ordres de votre père sont très clairs, princesse.

— Et les miens le sont aussi : prenez leurs armes et amenez-les au palais.

— Princ...

— N'ai-je pas été claire ? Grinça Laeth. Et ne pensez-vous pas que mon père voudra savoir comment ils ont fait pour passer le sortilège ?

Les cavaliers, qui connaissait la colère de la princesse autant que celle du roi hésitèrent sur la tenue à suivre. Mais finalement ils se dirigèrent vers les étrangers. Laeth se tourna vers eux alors pour voir "l'amiral" à genoux, en train de faire de grand gestes vers l'elfe noire - aux cheveux étranges pour un membre de sa race - pour qu'elle l'imite. De mauvaise grâce, elle finit par mettre un genou à terre.

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