II

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Laeth avait réussi, à force de course, à rejoindre son lit à temps. Elle était passée à toute vitesse devant les gardes après s'être rhabillé à la hâte, oubliant au passage de recouvrir une de ses épaules. Elle avait bondi jusqu'à sa chambre, ignorant si ses parents étaient encore dans le royaume du rêve, ou si déjà, ils la cherchaient dans le palais. Elle imaginait la fureur de son père si c'était le cas. Mais, finalement, elle était parvenue sans encombre jusqu'à sa pièce personnelle. Elle était sobre, mais qu'importe, elle n'aimait pas le luxe, et n'y restait, de toute manière, que peu de temps dans la journée.

À peine eût-elle remonter la couverture qu'on frappa à la porte. Juste au moment où elle se disait qu'un peu de sommeil ne lui ferait pas de la mal. Elle haussa les épaules, imaginant que c'était le prix que les Dieux lui faisaient payer pour son escapade nocturne, et se redressa dans le lit, amenant la couverture à elle pour cacher sa poitrine. La porte s'ouvrit sur un garde, qui détourna légèrement le regard lorsqu'il vit la position de la princesse, arrachant un sourire amusé à celle-ci. La pudeur des mâles l'amusaient toujours.

— Oui, c'est pourquoi ?

— Votre grâce vous demande, de toute urgence, à la salle des armes.

Laeth perdit son sourire. La salle des armes ? Ils n'y étaient pas allé depuis des décennies. Elle savait se battre, rivalisant même avec lui, et s'ils continuaient de temps à autre à avoir quelques échanges d'aciers, l'aspect urgent de la requête ne pouvait avoir un rapport avec un quelconque entrainement. C'était forcément plus sérieux que ça. Elle se redressa vivement, faisant tomber la couverture, révélant sa poitrine généreuse. Le garde se retourna complètement.

— Qu'est-ce qui se passe ?! Demanda t-elle.

— Je l'ignore princesse, le message ne le stipule pas.

Laeth s'habilla à toute vitesse, enfilant ses vêtements de cavaliers - un pantalon de cuir et une tunique presque masculine qui serrait ses seins de façon désagréable et outrancière - et fila rejoindre son père.

Il y avait une certaine animation, voir nervosité dans tout le palais, confirmant ses craintes. Elle ne se souvenait pas d'avoir déjà vu ça par le passé. Jamais les Drows n'avaient eu d'ennemis, et hormis quelques bêtes téméraires et plus fortes que la moyenne, rien ne les avait mis en danger auparavant. Et plus elle approchait de la salle d'armes, plus elle croisait des gardes en tenue de guerre. Des casques légers, ressemblant plus à des couronnes qu'à des armures, du cuir sur le corps, de grands arcs et des lames courbées. Certains avaient même une tenue de cavalier, et tous avaient l'air grave. Ils s'inclinaient légèrement sur son passage, mais elle n'y prêtait guère attention. Elle se fraya un chemin jusqu'à la salle d'armes. Elle était placée au sommet d'un grand arbre, et était immense. Elle entendit son père avant de le voir, lançant des ordres vifs. Il était lui-même en tenue.

— Père !

Il se tourna vers elle comme si elle revenait d'une bataille et elle se demanda, finalement, si les gardes ne l'avaient pas trahis. Il bondit vers elle et lui prit les bras.

— Laeth ! Arme toi, tu prend la tête d'un régiment de panthère.

Elle leva les mains, abasourdie.

— Attends, père, dis moi ce qu'il se passe, je suis perdue, là, je vais faire quoi avec les panthères ?!

Draël plissa légèrement les yeux. Sa fille avait l'air effectivement perdue, mais aussi fatiguée. Avait-elle encore fuit son lit cette nuit ? En d'autres circonstances, il se serait accordé un instant pour le découvrir, mais le temps lui manquait.

— Un navire arrive.

— Un navire ? Pirate ? S'étonna Laeth.

Les navires étaient extrêmement rares. Ce n'était pas le premier qui s'approchait, cependant, et elle ne voyait pas ce qui inquiétait autant son père. Un sort, ancien et puissant, protégeait son île. Seul un drow pouvait voir l'île et ses redoutables récifs. En général, lorsqu'ils voyaient un navire venir, dans ces eaux peu fréquentées, ils trouvaient un moyen de l'éloigner, souvent avec de la brume. Mais jamais Draël n'avait mis son peuple sur le pied de guerre ainsi.

— Si seulement...Je n'aurai pas besoin de toi. Non, le problème justement c'est qu'il se dirige droit sur nos côtes, en évitant les récifs. Il accostera d'ici une heure, grand maximum.

— C'est impossible. Personne ne peut franchir notre sortilège, hormis...

— Hormis un drow, je sais ça ma fille. Pourtant, je t'énonce un fait. Tout comme je sais qu'aucun drow n'a quitté l'île depuis des millénaires, si ce n'est sa création. Allez, va.

Perturbée, Laeth inclina la tête, se dirigeant vers le coeur de la forêt.

— Et ma fille...

Laeth s'immobilisa, se retournant vers son père.

—...Surtout, n'hésite pas. Protège Drowakar.

Ils échangèrent un regard entendus elle ne dit rien et se détourna. Elle sentit la lassitude de la nuit dans ses jambes et elle eût du mal à allonger la foulée. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Elle comprenait l'urgence, elle comprenait les angoisses de son père, car les mêmes étreignaient son coeur. Mais elle préférait réfléchir avec sa tête, et elle ne pouvait oublier la Transe de la nuit, et elle entendait encore les paroles de l'étrange homme qui l'avait repéré : "Mon messager arrive". Était-il sur ce navire ? La coïncidence serait étrange. Elle devait en avoir le coeur net. Elle devait arriver la première. Les panthères de Drowakar étaient plus agiles, plus fortes mais aussi plus intelligentes que les autres. Elles vivaient en harmonie avec la nature environnante et les Drows. Ces derniers parvenaient même à les monter, et pouvaient former un duo redoutable. Laeth n'était pas une cavalière comme une autre. La Transe lui avait permise de nouer des relations presque symbiotiques avec Nathanaëlle, sa monture. Plus grosse et plus sauvage que les autres, elle n'acceptait que la princesse comme cavalière. En la voyant, elle baissa légèrement la tête et la fille du roi soupira, avant de lui flatter l'encolure.

— Oui ma belle, je sais, ça fait un moment, je suis désolée. Je suis...Occupée ces derniers temps.

La panthère, qui était presque aussi haute qu'elle, lui donna un petit coup de museau en réponse, provoquant un petit rire de Laeth qui lui embrassa le front, avant de grimper dessus. Sa fourrure, mauve, se confondait avec la peau de ses cuisses nues et elle s'allongea sur elle un moment. Elle aimait cette bête comme une soeur et était intimement persuadée que leurs âmes étaient jumelles. Elle siffla, et s'élança dans les bois, suivit de près par une trentaine de cavaliers, en se demandant s'ils allaient affronter une horde d'envahisseurs, ou si elle allait devoir affronter le courroux de son père.

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