IV

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Alors que les lunes étaient hautes dans le ciel et que son père, enfin, allait se coucher, la princesse Laeth quitta le palais. Ce dernier était situé à même une forêt, construit sur un arbre immense et plusieurs fois millénaire. Tout chez lui représentait la nature, de sa couleur verte prédominante aux matériaux naturels utilisés. Elle l'aimait, peut-être autant que son père, mais elle le trouvait trop haut, trop éloigné de la terre sur lesquels les arbres vivaient. Elle descendit à l'aide d'une liane. Un escalier existait, mais il serait trop long à descendre. Elle n'avait que peu de temps. Les rayons de lune étaient de puissants moteurs pour entrer en transe. Sa mère avait refusé de la former sur ses visions, pour la protéger, alors elle avait dû apprendre seule. Elle l'avait bien fait. Cela ne lui faisait pas peur. Les gardes s'inclinèrent en la voyant passer. L'un d'eux se permit simplement de lever une main :

— Ne tardez pas trop princesse s'il vous plait, sinon votre père sera...

— Vous avez qu'à dire que vous ne m'avez pas vu.

Elle se retourna pour faire un clin d'oeil au garde. Il avait beau porter un casque cachant presque entièrement son visage, elle vit sa peau changer de teint. Elle était belle et le savait, et en jouait parfois un peu trop. Elle était élancée, avec des hanches marquées, des cheveux bleus nuit tombant en haut de son dos, encadrant un visage très fin et des yeux à l'iris mauve. Comme certains membres de sa famille, elle avait une marque : un tatouage en forme de croissant de lune sur sa joue bleu, qui s'illuminait lorsqu'elle entrait en transe ou usait de la magie. Elle camoufla un petit rire et accéléra la cadence de ses pas.Il n'avait pas tort quand il parlait de la colère de son père. Mais qu'importe, elle voulait savoir. Elle devait savoir. Et si elle devait agir seule, elle le ferait. Sans hésiter. Lorsqu'elle parvînt en bas, elle défit sa robe, la laissant glisser le long de ses hanches, et frissonna quand la douce brise caressa sa peau. Elle n'avait pas énormément de temps et devait faire vite si elle voulait éviter que ses parents se rendent compte de son absence, et si elle était agile et rapide comme tous les autres membres de sa race, elle pouvait aller encore plus vite.

Ses joues s'illuminèrent alors qu'elle laissait la magie l'envahir. Elle s'en enivra, comme un ivrogne buvant un vin hors de prix. Elle savourait cette sensation un peu plus à chaque fois. Sa mère l'avait averti de ce qu'elle pouvait provoquer, mais qu'importe. Elle se sentait si puissante, tellement loin de la condition des autres mortels...Et finalement, elle canalysa une petite partie de cette force dans un sort unique. Il n'était guère puissant, ni difficile, mais c'était son favori. Elle écarta les bras tout en continuant d'avancer, nue. Sa peau disparue laissant place à un pelage doux et soyeux de la même couleur, ses mains et pieds se changèrent en pattes et une queue lui poussa dans le dos. De Drow, elle passa à panthère. De marche, elle passa à la course, bondissant dans la plaine de Drowakar, avant d'entrer dans une jungle dense et escarpée, bondissant sur des rochers sur lesquels se reflétaient une Lune admirative, ou sur les branches hautes des arbres séculaires. Elle aurait pu se balader ainsi toute la nuit sans se lasser, mais pas cette nuit. Elle avait une destination et sa course ralentie lorsqu'elle arrive près d'un point d'eau somptueux : une grande cascade qui tombait dans un petit lac, cerclé par la jungle, avec un petit îlot au centre du lac, seul point de terre sur cet ôde au bleu.

Elle y bondit dans un saut que seule une panthère aurait pu faire, à la fois plein de grâce et d'une extrême agilité. Une panthère bondit, mais une Drow atterit, toujours nue. Elle frissonna encore, mais elle sentit que cette fois, le froid n'y était pour rien. Les Lunes l'éclairaient parfaitement. C'était idéal. Elle disposa l'encens en grand nombre et alluma les herbes. Ceci fait, elle se mit sur ses genoux, les mains posées sagement sur les cuisses, et ferma les yeux. Et elle attendit. Attendit. Inspira. Attendit. Inspira. Les effluves lui montèrent au nez, lui embrouillèrent la vue et l'esprit. Quelle douce sensation, quelle douce mort ! Le monde lui semblait petit et immense, et une odeur de cannelle lui parvenait maintenant aux narines. Elle se vit dans les airs. Elle se fit faucon, chouette. Elle vit le monde d'en bas via le monde d'en haut. Le monde lui parla. Il lui susurra ses secrets et elle ne fit plus qu'un avec lui, oubliant jusqu'à l'existence de son enveloppe charnelle.

Elle vit Drowakar dans son ensemble, elle vit les Lunes l'envelopper de leurs lumière argentées et reposantes. Puis elle vit le reste du monde. Elle vit l'Océan et son immensité bleu. Elle vit les nuages parcourirent les cieux, apportant avec eux le réconfort et la tristesse de l'eau qu'ils contenaient. Elle vit les cimes des plus hautes montagnes défier les Dieux, qui les récompensèrent avec d'immenses forêts de pins ou des étendues infinies de neige. Elle vit les prairies et les villes, les plateaux et les falaises, les rivières et les déserts. Elle ne fit plus qu'un avec le vent, et se pensa éternelle. Elle pourrait voyager ainsi pendant des mois sans se lasser, mais elle n'était pas venu pour ça. Elle avait perçu un danger, véritable, dont son père se faisait sourd. Elle n'avait pu en savoir plus, mais il fallait vraiment qu'elle persiste jusqu'à atteindre son but. Le destin de l'île était liée à cette découverte, elle en était intimement persuadée, tout ce qui lui manquait c'était une preuve, et elle comptait bien la trouver. Elle chercha des perturbations, peut-être des batailles. Elle ne trouva rien. Nulle odeur de sang ne dérangeait le vent, elle ne percevait que la douceur des pins ou des fleurs, parfois, au pire, le foyer un peu piquant d'une cheminée. Alors quoi ? Qu'est-ce qui pouvait bien déranger l'esprit d'Échor, dieu des messagers et du vent ? Elle regarda plus au sud, et vu quelque chose.

Une ancienne tour, des ruines habitées. Est-ce que cela pouvait avoir un rapport ? Elle voulut aller dans cette direction, sentant qu'elle touchait au but. Mais soudain, elle sentit un regard. C'était normalement chose impossible, dans cet état de transe. Même si une autre Vestale était en transe, elle serait dans son propre monde et ne pourrait la voir. Pourtant, on l'épiait, elle en était sûre. Elle chercha. Elle chercha à savoir qui pouvait l'épier. Il devait être puissant et donc, par nature, dangereux. Il devait avoir un lien avec ce qu'elle avait senti. Elle finit par trouver quelqu'un. Elle vit deux silouhettes, une grande et une petite. L'une des deux étaient plus visible et elle s'y attarda assez pour voir un jeune homme aux cheveux longs et à la peau hâlé. Il avait des yeux noirs. Intriguée par un tel physique, elle poussa. Elle voulut lire en lui, voir d'où il venait pour comprendre qui il était. Mais, alors qu'elle y parvenait presque, il tourna la tête pour la regarder. Droit dans les yeux. Elle voulut partir, mais il la retînt. Elle ignorait même que cela était possible. Pourtant, c'était un fait, elle ne pouvait s'éloigner.

— Ne m'espionnez pas, princesse. Allez plutôt vous occuper de mon messager, il va arrivé.

Laeth tomba en arrière sur le dos. Elle se sentit bête, et effrayée à la fois, le souffle court. Qui était cet homme ? Il ne semblait pas agressif ou avoir mauvais fond, mais s'il maitrisait assez la Transe pour pouvoir interagir avec elle, il devait être redoutable et faire un allié puissant, ou un ennemi incroyable. Quoiqu'il arrive, il fallait qu'elle aille à son encontre. Elle se mit sur ses pieds souplement, puis s'immobilisa, en se remémorant ses paroles : "Il va arrivé". Drowakar n'avait pas reçu de visiteur depuis des siècles, et c'était une chose qu'appréciait tout particulièrement son père. Comment réagirait-il ? Et devait-elle lui en parler ? Non, pas maintenant. Elle préférait d'abord échanger avec sa mère, elle saurait quoi faire et surtout quoi penser de cet homme qui pouvait l'épier à travers la Transe. Elle voulut se changer, mais elle se sentit tout à coup lessivée. Elle soupira profondément quand elle réalisa qu'elle devrait rentrer à pied. Elle aurait du mal à arriver avant le réveil du roi...

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