II

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Il avait aussitôt rejoins le temple de Maskar. Sur le chemin, particulièrement plaisant - vert, bordé de plantes odorantes et colorées - Garet s'interrogea. Qu'avait-il de particulier à Maskar, qui était un village avant d'être un temple ?

— Rien, à ma connaissance. Maskar est un petit temple, un petit village. Mais je dois me tromper. Ou peut-être est-ce le point de départ d'autre chose ?

Sven se trompait rarement. Mais il était aussi rare qu'il ignore quelque chose. Il avait quelque chose d'omniscient qui impressionnait son neveu. Et qui, accessoirement, le rassurait. Il était impossible d'halluciner quelque chose qu'il ne pouvait savoir, n'est-ce pas ? C'était donc qu'il n'était pas fou.

— N'est-ce pas dangereux de se lancer dans une mission alors que je n'ai ni arme, ni armure ? Et si le Temple refuse ma candidature ?

Sven soupira.

— Ne t'inquiète donc pas de tout ça, nous verrons ça sur place. Laisse donc tonton faire.

— Je n'ai plus huit ans pour...

Sven lui ficha une tape derrière la tête. Garet s'empressa de se masser le crâne.

— Aïe...

— Imbécile, souffla le Nordien, j'ai dis ça comme ça. Essaye de réfléchir avant de causer, petit, je ne pourrais pas toujours t'aider, surtout si tu n'es plus seul.

— Plus seul ? S'interrogea Garet.

— Tu ne crois tout de même pas que le Temple enverra un seul type pour une mission ? Surtout un type comme toi...Non, étant donné que ce sera certainement une mission capitale pour eux, ils enverront tout un groupe de guerrier, les plus expérimentés possible.

— Mais alors...

— ...Tu seras la cinquième roue du carrosse, mais du moment que tu soignes ton entrée, tout ira bien, crois-moi. Tu seras le bonus, ils ne te refuseront pas la place, car ils ne compteront pas sur toi.

— Sympa.

— Quoi ? Tu l'as dis toi-même, tu es habillé comme un clochard sans arme ni armure, tu crois qu'ils t'embaucheront pourquoi ? Ton petit cul ?

Garet soupira, un peu perdu. Un coup il n'avait pas assez confiance en lui, et un coup trop. Que penser ?

— Arrête un peu de penser à l'avenir et profite du présent, regarde devant toi, gaillard !

Garet obéit à son oncle et siffla à son tour. Il arrivait au village et aurait dû trouver une porte fermée avec des gardes. Mais la porte était littéralement explosée, un des battants à moitié tombé, et de gardes, nulles traces. Garet s'arrêta devant le trou béant se demandant ce qui pouvait avoir fait ça. Une armée avec un bélier ? Peut-être, mais pourquoi n'en avait-il pas entendu parlé avant ? Une armée, c'était visible, on l'entendait avant de la voir, on voyait ses traces, ses survivants, la peur qu'elle répandait, la fumée avant le feu, bref, on était rarement surpris en la voyant. Sven secoua la tête.

— Non, jeune homme, seule la magie peut faire ça. Et puissante.

— La magie ?!

Garet n'avait jamais entendu parlé d'une magie capable de faire ça mais après tout, il ne connaissait rien à la magie, venant d'un peuple qui voyait la magie comme une arme de lâche incapable de se battre au corps à corps. Il leva une jambe pour faire un premier pas dans la cité mais s'immobilisa. Et si ceux qui avaient fait ça étaient encore là-bas, ne risquait-il pas bêtement sa vie ? Il imagina un vieux monsieur psalmodiant avant de lui envoyer un coup de bâton dans la poitrine. Il imagina sa poitrine exploser comme la porte. Sven, qui s'était avancé, s'arrêta et se tourna vers lui avant de soupirer.

— T'attends quoi ? C'est ta chance, mais elle va s'envoler si tu ne la saisis pas à temps. Allez, viens...

Sven tendit la main vers lui, avec un sourire rassurant.

— Je suis là, neveu. Pense à ta mère et à ton père.

Garet vit l'image de ses parents tournés vers lui derrière Sven. Oui, pour sûr, ils l'encourageraient à suivre Sven. Il soupira et s'avança. Rien que ce geste lui demanda un gros effort, et une fierté qu'il savait mal placée souffla son vent porteur sur son dos. Il ne prit pas la main de son oncle - il n'avait plus huit ans - mais resta proche de lui, ouvrant et fermant nerveusement ses poings. Il regarda autour de lui, mais ce qu'il voyait n'était guère pour le rassurer. Les gens - gardes ou villageois ? Impossible à dire - avaient certainement déjà commencé à rassembler les corps quelque part, mais Garet voyait encore les traces de sang, nombreuses ci-et-là. Le village avait été attaqué.

Cela ne pouvait être une coïncidence. Son poing se serra plus fort à cette pensée. Était-il devenu fou ? Il allait lui-même au devant sa mort. Il n'était pas courageux, certes, mais il n'était pas fort non plus, il ne savait pas se battre et ne courait pas vite. Même en cas de fuite, il serait un boulet. Il faillit faire demi-tour et s'enfuir en courant, mais un petit quelque chose le retînt. Peut-être était-ce un brin d'esprit revanchard, peut-être était-ce la vue de ces quelques âmes qui pleuraient ? Car peu importe qui avait attaqué ce village, il n'avait pas fait que détruire une porte. Où que le regard du jeune Nordien se porte, il voyait quelqu'un pleurer, ou regarder dans le vague pendant qu'on le soignait ou en attendant un soin. Partout, des gens s'affairaient, couraient, parfois les mains vides, parfois avec des bandages ou de l'eau. On soignait les blessé, et on commençait déjà à entamer les réparations. En effet, Garet voyait aussi des hommes - et certaines femmes - déplacer des débris, rassembler des morceaux de bois. Les dégâts sur les demeures semblaient minimes, mais plus on s'approchait du centre du village, plus le chaos prenait de l'ampleur, et Garet devinait qu'il suivait le même chemin que les...envahisseurs ? Agresseurs ?


Au bout de ce qui lui semblait être une éternité, Garet parvînt enfin au centre du village. Sur le chemin, il dût, à plusieurs reprises ravaler ses souvenirs. Souvenirs de sang, de feu, il revoyait la mort de sa mère, il entendait les appels à l'aide des enfants.

— Comment être sûr que c'est là qu'on doit aller ? S'enquit-il pour chasser ces idées noires.

— Ce sera soit là, soit au Temple. Mais il faut bien commencer quelque part, non ?

Oui, c'était logique. Et la suite donna raison à son oncle. Au centre du village se trouvait une grande et belle fontaine, épargnée par les combats récents. Juste derrière, il y avait un groupe d'individus sensiblement différents de ceux qu'il avait croisé jusque-là. Un d'entre eux était légèrement à l'écart, leur faisant face. Il était chauve, solide d'épaule et portait une tenue riche, avec notamment une grande cape. Il portait une sorte de couronne très fine. Il devait être âgé d'une quarantaine d'années.

— C'est certainement un membre du Temple, c'est certainement lui qu'il faut que tu ailles voir. Va, neveu.

Sven s'arrêta sous la stupeur de Garet. Son oncle allait-il vraiment l'abandonner ici et maintenant ? Il s'arrêta, le regardant avec effarement, mais il lui fit signe d'avancer et le jeune homme finit par inspirer profondément. Il n'avait plus le choix, de toute façon, il était assez proche pour que tous les regards du groupe soient, distraitement certes - comment imaginer qu'un gamin habillé comme lui venait suite à la quête ? - dirigés sur lui. Il s'approcha assez pour que leur conversation s'arrête et qu'ils l'observent, silencieux et intrigués.

— Je peux t'aider, jeune homme? Fit finalement le chauve.

Garet observa le groupe en face de lui. En plus du type que Sven avait identifié comme un membre du temple, il y avait un homme un peu étrange, aux cheveux rouge comme le sang avec une grande mèche qui défiait les lois de l'apesanteur au-dessus de sa tête. Il portait un bandeau et une écharpe dans laquelle il cachait le bas de son visage. Il le fixait avec un regard vert plus détaché que les autres. Il était assez grand et fin, et portait ce qui semblait être une faux dans le dos. Drôle d'arme !

À sa gauche se trouvaient deux guerriers qui avaient tout de ce qu'on pouvait en imaginer. S'il était difficile pour Garet de deviner les origines des autres, eux portaient une armure de plaque lourde qui ne pouvaient venir que de Tekhtons. Ils étaient grands, avoisinant les deux mètres et solides d'épaules. L'un avait un casque lourd lui prenant tout le visage, l'autre avait le visage à l'air libre : le visage rond, des cheveux coupés très courts, âgé d'une trentaine d'année, bref le guerrier par excellence. Ce dernier portait un arc, son compagnon avait une épée accroché à une hanche, et une hache de l'autre côté.

À sa gauche, légèrement de profil par rapport à Garet, se trouvait une jeune femme. À sa vue, Garet sentit une chaleur lui brûler la poitrine. Les cheveux bruns, un peu plus clairs que les siens, attachés en une queue de cheval courte, elle avait de grands yeux mi-vert mi-bruns, et des légères tasses de rousseur. Son visage, légèrement pointu comme celui d'une fouine ou d'une souris, était plus souriant que ceux de ses compagnons. Pas bien grande, elle était habillée comme une chasseuse, ou une voyageuse chevronnée, mais ne semblait pas porter d'arme.

Enfin, le dernier membre du groupe était celui qui marqua le plus Garet. Il se tenait penché en avant sur son genou, la jambe posée sur le rebord de la fontaine. Il portait une armure avec une cape d'un blanc immaculé assez imposante aussi, bien que semblant plus souple que celles de ses amis tekhtons, et un casque avec une collerette, une arète pour le nez et pour les joues était posé non loin. Il portait une épée qui semblait immense dans son dos, et son regard d'acier était planté dans celui de Garet. Il était plus âgé que ses compagnons - du même âge que le membre du Temple - et son visage plus fermé, plus froid. Ses cheveux noirs étaient relativement courts pour la mode de l'époque, et attachés en un catogan sophistiqué. Soudain, Garet entendit la voix de Sven dans son esprit. C'était lointain, mais clair : Méfie toi de celui-là, Garet. Il faut le craindre.

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