Fabriquer des bateaux leur prit deux mois. Heureusement pour eux, la région bordant l'océan était plus généreuse en bois et en ressources. Thérion en avait profité pour méditer, beaucoup. Il avait l'impression de ne pas l'avoir fait depuis des siècles, et pourtant, il s'y retrouva tout de suite. Sa grand-mère lui avait appris, quand il était enfant, à écouter ce qui l'entourait. Il aimait beaucoup le faire jeune, prenant ça pour un jeu avant que son père ne l'avertisse des dangers potentiels d'exclusion venant avec une telle pratique, et à l'époque, il l'avait pris très au sérieux.

Mais son père n'était plus là pour tenter de l'enchaîner au sol et il était libre d'écouter le vent qui soufflait sur son âme. Il entendit les feuilles des arbres bruisser sous le vent doux, il entendit les brindilles craquer au loin sous la patte maladroite d'un rongeur ou d'une bête plus imposante, il entendit les coups de maillets des siens, enfonçant rivets, ou sciant des branches grosses comme eux. Il entendit tout ça, mais plus que ça encore. Il entendit le murmure du vent, qui susurrait son nom. Thérion...Thérion...Le vent n'avaut pas de voix, pas de ton, mais il l'appelait et il le connaissait.

Alors il répondit. "C'est moi !" "Je sais Thérion...Alors tu t'es décidé..." "Tu le savais, n'est-ce pas ? Tu savais que j'allais finir par céder !" "Depuis toujours. Mais moins longtemps que ta mère. Elle te connaissait si bien." "Pourquoi es-tu partie ?" "Mais...C'est toi qui est parti, Thérion. Tu as décidé de me tourner le dos. J'ai juste choisi de ne pas te courir après." "C'est vrai. Je suis désolé." "Tu n'as pas à être désolé d'avoir suivi le chemin que tu as choisi." Je t'aime Ornara." "Mais qui te dis que je suis ta grand mère ? Je t'aime, Thérion, et je t'aimerai tant que je respirerai." Une larme coula sur la joue de Thérion quand il réalisa avec qui il communiquait. "Penses-tu que l'on se reverra un jour ?" "Ce sont sûrement nos adieux, fils". Thérion sourit. Le sourire le plus triste que ses lèvres ne firent jamais.