I

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Quelque part sur un continent inconnu, An - 7


Le peuple des Transformés vivait dans le Canyon. La région était immense et pour quelqu'un qui ne connaitrait pas le lieu, il serait très facile de se perdre et de mourir de l'aridité des terres, de l'avarice du ciel et de la faune; Mais le peuple de Therion connaissait ces terres par coeur. C'était leur territoire, leur foyer. Ils savaient où trouver de l'eau, quel ancien lit asséché suivre pour trouver un petit lac remplit de poissons et accueillant faune et flore permettant aux leurs de survivre malgré ces conditions difficiles. Ils n'avaient pas d'ennemis, pas d'alliés. Ils étaient en dehors du monde grâce à ce lieu inhospitalier formant une défense naturelle parfaite. Les armées qui avaient essayé de les envahir s'étaient étiolées toutes seules, la chaleur ou la folie emportant les guerriers et les guerrières. Cela n'empêchait pas son peuple de savoir se battre. Ils n'étaient plus si nombreux, et une guerre aurait vite fait de les emporter. Cela dit, cette guerre ne pourrait venir d'eux. Les Transformés étaient un peuple pacifique, n'aspirant qu'à la tranquilité. Ils n'étaient pas spécialement hospitaliers avec les étrangers, mais pas agressifs non plus. Bref, ils formaient un peuple à part, désirant subsister loin de tous les méandres de ce monde et des affres des guerres. Ils ne s'aventuraient d'ailleurs guère souvent bien loin de leur canyon.

oute la vie de Therion on l'avait préparé au jour de ses dix huit ans. Ce jour était pour eux le plus important de tous : c'était le jour de la Transformation. Et ce jour approchait de plus en plus. Il l'avait attendu avec tant d'impatience, que les jours avaient été des semaines et les semaines des mois et les mois des ans. Mais plus on s'en approchait, plus son esprit s'en éloignait. Oh il avait toujours hâte de savoir en quoi il allait se transformer, mais quelque chose d'autre, quelque chose de terrible l'occupait. Une ombre avait grandi encore et encore, accaparant toutes ses nuits et ses moments d'inattention. Il la voyait encore cette nuit-là. Un visage à la fois superbe et affreux. Une peau bleu très pâle, de grands yeux dorés comme ceux d'un loup, des cheveux épais noirs et long qui ne ressemblaient à aucuns autres - qui flottaient, défiant l'apesanteur - et surtout des os sortant de son cou et de ses joues. Une apparence hideuse, et pourtant, il se sentit attiré. Son esprit luttait pour ne pas être happé, mais il sentait que ce rêve n'était pas comme les autres. D'ailleurs, il ne s'y passait rien. Il voyait ce visage et uniquement ce visage. Il se réveilla, comme d'habitude, en sueur sur son tapis, dans la hutte de ses parents.

— Therion, ça va ? Demanda Dust, son père.

Il était accroupi devant lui, l'air soucieux. Sa peau, légèrement hâlé par le soleil violent du canyon, était peinte en rouge par endroit par des tatouages tribaux. Ils représentaient sa transformation - un ours - et sa fierté. Ses longs cheveux noirs - ceux dont avait hérité Therion - encadraient un visage sévère d'un homme qui ne l'était pas tant. Therion se redressa et se rendit compte qu'il était en sueur.

— Oui ça va, père. Encore ce cauchemar.
Dust lui sourit, visiblement rassuré et se redressa.

— Bon, alors lève-toi, il faut amener de la nourriture à ta grand-mère.

Therion soupira et obéit.

— Tu soupires, fils ? Cela fait au moins six mois que je ne t'ai pas donné cette corvée. Aujourd'hui, j'ai à chercher l'eau un peu plus loin que d'habitude.

— La rivière est à sec ?

— Oui. Mais ne t'en fais pas, elle va vite retrouver son niveau.

Therion hocha pensivement la tête. Il se souvenait des mots de sa mère. Sois attentif au monde qui t'entoure, Therion, il cherche régulièrement à te parler. L'Homme gagnerait à l'écouter, il serait plus sage. Était-ce là un mauvais signe ? Pas selon son père, qui gardait son sourire et son optimisme à toute épreuve. Ce n'était pas son cas. Ses rêves, la rivière qui s'assèche pour la première fois depuis dix ans...C'était sûrement lié. Enfin, il savait qu'il ne parviendrait pas à le convaincre. Il se redressa enfin, et étira ses muscles encore endormis, avant de s'habiller.

— Ne reviens que demain si tu veux. Je n'aurai pas besoin de toi, ce soir.

Ce n'était pas de refus. Le chemin était long jusqu'à la maison de sa grand mère, et l'aller-retour serait éreintant.

— Merci, à demain père.

— À demain fils.

Therion sourit légèrement, prit les affaires destinées à la mère de sa mère et quitta la hutte familiale. Il n'avait pas fait deux mètres que son père quitta la hutte à son tour, et lui tendit un bâton.

— Prend mon bâton de marche. Ça peut aider.

Therion eut un léger rire.

— Je n'ai pas cent ans, père, je pense que je peux marcher trois heures sans tomber.

Devant l'air sérieux et insistant de Dust, Therion finit par soupirer et prendre le bâton en inclinant légèrement la tête. Il remarqua alors que son père lui lançait un regard étrange. Il semblait mélancolique, presque triste. Il faillit lui demander ce qu'il avait, mais décida qu'il n'avait pas de temps à perdre dans une conversation qui aurait mérité un bon thé ou un repas bien chaud, et s'en détourna. Il avait de la route. Le bâton était simple, mais semblait solide, et taillé avec soin. Therion devait reconnaitre à son père un certain talent dans ce domaine. Son trajet n'en fut que plus agréable. Il longea le bord du canyon où était installé son clan, à la lisière d'une jungle étrange, qui semblait avoir été mis là par hasard, contrastant avec le reste du paysage. Elle n'était pas immense mais apportait au peuple de Therion tout ce qui fallait en nourriture et en bois. La rivière faisait le reste.

Sa grand mère vivait un peu en marge de la société, et sa maison avait suivi, naturellement, le même chemin et Therion dût s'éloigner de cette jungle et des huttes des siens, érigées au bord de la jungle, voir en plein milieu de celle-ci pour les plus téméraires - elle n'était pas sans danger - et s'enfoncer un peu dans les canyons. Il trouvait parfois un cactus ou les traces d'un lézard, mais sous le soleil brûlant, les traces de vie s'effaçaient, comme s'il avançait dans le temps, s'éloignant d'un présent tranquille pour un futur désertique, après un passé agité. Lorsqu'il vit, en haut d'une petite pente, la maison faite d'argile rouge de sa tante, il ne put réprimé un soupir. Enfin. La marche fut longue. Heureusement, il ne fut pas dérangé, les dangers du canyon étant bels et biens existants, avec les coyotes ou les scorpions Noirs.

La porte s'ouvrit alors qu'il entreprit de gravir la dernière côte le séparant de sa destination. Une femme en sortit, quasiment nue. Malgré son âge, elle portait les mêmes habits qu'une jeune femme de vingt ans : une bande pour caché la poitrine - plus serré, il est vrai, que chez ses consoeurs plus jeunes - et un pagne pour le bas. Elle croisa ses longs bras - la longueur de ses bras avait toujours impressionné Therion - devant son ventre, laissant le vent balayé ses longs cheveux blancs devant son visage, plus clair que la moyenne de son peuple. Et étonnament bien conservé. Il ne fut pas étonné non plus de la voir sortir à son encontre. Elle ne l'avait pas vu par la fenêtre, il le savait, elle l'avait sentit venir. Quand il fut près d'elle, ils s'observèrent un moment sans rien dire avant qu'il la prenne dans ses bras. Il avait dû grandir pas mal, car la dernière fois qu'il l'avait vu, il faisait sa taille, et là, elle dût se mettre sur la pointe des pieds pour pouvoir poser son menton sur l'épaule.

— Bonjour Thérion.

— Bonjour grand-mère.

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