Garet savait que ses parents n'aimaient pas sa lâcheté. Son père était forgeron, il était fort, respecté, et sa mère la plus grande guerrière du village. Ils l'aimaient, mais ils auraient aimé qu'il leur ressemble plus. Il le savait, et chaque jour, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s'approcher un peu plus à l'image de ce qu'ils voulaient, pour correspondre à leurs attentes. Mais c'était dur. Un vrai chemin de vie, parcours d'obstacles immense, qu'il peinait à franchir. Parfois, il avait l'impression d'avoir à faire à une montagne immense, et que la gravir lui prendrait une vie entière. Parfois, un vent d'espoir venait lui caresser les cheveux - souvent quand il voyait sa mère - et il se sentait pousser des ailes. Mais ces moments étaient rares, et ce jour-là, ils semblaient même être à des lieux et des lieux de lui. Il voyait, chiffonnant nerveusement un bout de tissu dont son père usait souvent pour s'essuyer les mains. Il lui avait volé un jour, et le gardait depuis en cachette pour ce genre de moment. Cela l'aidait à se canalysé, à ne pas fondre en larme. Bien sûr, il le cachait à ses parents pour ne pas rajouter à leur honte. Mais il ne pouvait s'empêcher de le triturer nerveusement les voyant s'affairer. Il aurait aimé venir avec eux, se sentir utile pour une fois. Voyant son regard inquiet ou envieux, son père lui fit un clin d'oeil en balançant son sac sur l'épaule, alors que sa mère s'approcha de lui en s'accroupissant.

— On va voir Jorg. On a des choses à voir. Sois sage, d'accord ? Va dans les bois si tu veux, mais...

Elle ne termina pas sa phrase. Elle ne voulait pas non plus l'encourager dans sa lâcheté. Puis elle savait qu'il ne s'éloignerait pas.

— D'accord. Je serai à la rivière.

Sa mère sourit. La rivière était un endroit assez éloigné, et elle ne pensait pas son fils capable d'y arriver. Et elle n'avait pas tout à fait tort à cet instant. Garet voyait déjà les Ténèbres des arbres se refermer sur lui, les loups lugubres sortirent de leurs tannières invisibles pour se jeter sur lui. Il sentait leurs crocs farfouillant ses entrailles, ses griffes le tirer hors d'atteinte du village. Il entendait déjà ses cris de peur et d'horreur. Toutefois, Freya appréciait l'intention de son fils, qu'elle savait louable et lui embrassa le front tendrement, arrachant un léger rictus d'envie de Mornald qui n'avait que trop peu droit, à son goût, à ce genre de tendresse. Elle se redressa et saisit son barda. Jorg habitait au centre du Marché. Le clan du Loup Blanc vivait sur un territoire très vaste, et il y avait même des familles qui vivaient jusqu'à deux jours du Marché, qui était le coeur du clan, là où se trouvait la maison de leur chef, et le seul endroit où on pouvait trouver jusqu'à une dizaine d'habitations et de commerçants. Eux-même vivaient à deux heures de ce lieu, qui n'était en revanche qu'à demi-heure du bois et de la rivière.

Après un dernier sourire en direction de leur fils unique, les deux Nordiens partir pour le Marché qu'ils savaient bondés. Le clan vivait des temps prospères, et ils étaient bien décidés à faire en sorte que ça dure. Quite à déclencher une guerre. Une guerre qui finirait de hanter les nuits du jeune Garet si ce dernier connaissait le sujet dont ses parents allaient débattre avec leurs pairs. Il les regarda s'éloigner par le chemin principal jusqu'à ne qu'il ne puisse plus les voir puis, ne supportant pas ce silence et cette solitude effrayants, il fonça par un chemin presque parallèle, mais qui descendait bien plus vite pour aller son unique ami.