Chapitre 34 : Embuscade

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20 septembre 2115, 07:00

Campement Terrien

Comme prévu, les officiers supérieurs accompagnés du général Hanrel et de Gurracha s'étaient rendus dans la navette de communication afin d'entrer en communication avec Anouchka Petrov. A sept heures précisément, la connexion commença à s'établir. Peu après, la dirigeante apparaissait sur l'écran, et l'ingénieur chef prit la parole :

« Madame la présidente, la situation a considérablement évolué. Premièrement, nous avons récupéré le capitaine Tenson et le lieutenant Federico. Deuxièmement, nous ne les avons pas récupérés seuls. Avec eux se trouvaient un général Martien, qui est ici, ainsi qu'un de leurs commandants. Et ce n'est pas tout. Un autre homme est avec eux. Il prétend avec insistance qu'il est Terrien et qu'il a été envoyé il y a plusieurs années sur Mars lors d'une opération semblable à la notre. Savez vous quoi que ce soit par rapport à la chose ?

-Fascinant. Procky IV. C'était le nom de cette mission. C'est mon père qui fut autrefois chargé de la direction de cette opération. Il m'en parlait de temps en temps, l'air troublé, presque hanté. Où est cet homme ? Je veux le voir. »

Gurracha s'avança donc et se présenta au premier rang, dépassant les autres officiers.

« C'est moi, madame la présidente.

-Quel est votre nom ?

-Gurracha.

-Et bien Gurracha, mon père aurait été fier de vous. Comment se fait-il que vous soyez là ?

-C'est ce que tout le monde me demande, et je n'ai pas la réponse. Nous avons survécu au milieu de cette galaxie qui ne nous attendait pas.

-Qu'importe. L'important est que vous soyez bien en vie. Je suis sincèrement honorée de faire votre connaissance. Mais... N'étiez vous pas plusieurs ?

-Nous étions quatre, oui. Les trois autres sont restés à mon vaisseau, mais il suffit que vous me demandiez de les appeler pour qu'ils soient ici.

-Ce n'est pour l'instant pas la peine. Vous me voyez simplement réjouie que nous ayons pu retrouver des héros de l'espace comme vous.

-Merci madame. A présent, pourrais-je parler de mon plan ?

-Pardon ? Quel plan ? Au sujet de quoi ?

-La Terre meurt toujours, je le sais.

-Oui, c'est pour cela que Gaïa a été lancée.

-Nous n'aurons jamais le temps de déplacer la population à ce rythme.

-Mais...

-Je dirige une importante flotte spatiale. Combinée à celle des Martiens, nous pourrons transférer les Terriens sur Mars. De là, nous les redirigerons sur une exo-planète tout à fait propice à notre nouveau développement.

-Ceci n'est pas prévu. Les expéditions doivent tout d'abord renforcer leur potentiel scientifique et technique avant que nous déterminions si...

-Ce n'est pas la peine, la planète dont je vous parle est à cent pour cent compatible avec notre organisme. Général Hanrel ? Quand connaîtrons-nous l'attitude des Martiens ?

-J'ai envoyé le commandant Zalos à notre capitale pour faire part de la situation à notre Conseil. Mais je suis plus que certain que la réponse sera favorable.

-Merveilleux ! Madame la présidente, nous allons organiser l'opération de transfert. Nous vous recontacterons lorsque nous serons prêts à décoller. Quand à vous, commencez à avertir la population et à organiser des aires d'atterrissage pour nos vaisseaux. Gurracha, terminé. »

Le Mongol éteignit alors la transmission et satisfait, sortit avec Hanrel et Tenson. Vandervoorde eut un sourire puis retourna également vaquer à ses occupations. Quelques secondes après sa sortie, l'écran de communication se ralluma. C'était de nouveau la présidente, mais elle avait l'air désormais contrariée :

« Ingénieur-chef, qu'est ce que c'est que ces histoires ?

-Je n'en ai aucune idée madame ! Cet homme sort de nulle part. Votre père dirigeait vraiment l'opération Procky IV ?

-Oui. Et les remords le rongeaient. Il ne cessait de répéter que ces hommes ne pardonneraient jamais. Quand je lui répondais qu'ils étaient forcément morts, il rétorquait « pas forcément ». Et bien il avait raison.

-Vous pensez qu'ils sont dangereux ?

-Quels sont leurs liens avec Tenson ?

-Ce sont eux qui l'ont ramené. Ils ont l'air de très bien s'entendre, comme avec les Martiens.

-Alors ils sont plus que dangereux.

- Que faisons-nous ?

-Laissons les agir. Tentez de vous renseigner sur leurs intentions. Nous allons gentiment accepter leur aide, pour le moment. »

Tandis que Petrov réfléchissait à comment retourner la situation à son avantage, Gurracha menait ses invités vers la sortie. Sans prévenir les responsables de la base, il les amena de nouveau à son vaisseau, qui était en train d'être réparé. Selon les pirates, le hublot ne pouvait être refait dans l'immédiat, ce qui rendait l'engin incapable de quitter la planète pour le moment. Le général Hanrel contacta donc Zalos pour lui demander d'envoyer un vaisseau. Quelques instants plus tard, un vaisseau de transport arriva, et le groupe monta dedans.

« Alors commandant ? Quelles nouvelles du Conseil ?

-C'est oui monsieur ! Sans aucune surprise, le Conseil a approuvé à l'unanimité l'aide aux Terriens.

-Gurracha, nos flottes pourront travailler ensemble. Que faisons-nous maintenant ?

-Nous allons sur Namaria. J'aimerais que vous puissiez voir cette planète de vos propres yeux. »

Il se rendit dans la cabine pour guider les pilotes, tandis que les autres restaient dans le salon. Alors que Federico allait se coucher un moment, Hanrel se rendit dans la salle des communications pour s'entretenir avec l'amiral Nox. Restés seuls, Tenson et Zalos passaient le temps :

« La dernière fois que nous étions tous les deux, capitaine, c'est lorsque nous étions prisonniers à Loyva.

-C'est vrai. J'ai l'impression que c'était il y a des années.

-Les choses ont tellement changé depuis.

-C'est un peu de notre faute.

-Ne vous en faites pas. Le changement n'a été que bénéfique. Les Terriens ont apporté beaucoup de bien sur Mars.

-Et vous, commandant, vous nous apportez un avenir. C'est bien plus qu'un changement de régime. »

Zalos répondit par un sourire et un silence de quelques secondes s'installa. Il se mit à réfléchir puis, hésitant, demanda :

« Carmen m'a dit que vous désapprouviez. Pourquoi ?

-Je ne vais pas tenir des centaines de fois le même discours. Lançons nous plutôt dans un cas concret. Imaginez que vous soyez avec le lieutenant Federico dans une mission capitale pour la victoire. Vous êtes dans une base ennemie, votre objectif est de faire exploser, disons les réserves d'énergie. Vous arrivez à quelques pas du générateur, et c'est vous qui avez les explosifs. Federico vous couvre. Vous installez les explosifs, mais au moment de partir, le lieutenant est touchée et s'effondre, blessée. Que faites-vous ?

-C'est évident ! Je vais la récupérer !

-Vous vous faites tuer à découvert, elle se fait exécuter à terre, les explosifs sont retirés, la mission est échouée. Vous avez perdu, commandant.

-...

-Raisonnement simple mais logique. Si ce n'était qu'un soldat pour vous, vous accepteriez que la mission devienne suicidaire et vous vous feriez sauter tout les deux. Mais vos sentiments vous empêchent d'être l'acteur de sa mort, ce qui fait rater une opération probablement préparée dans le plus grand secret et avec le plus grand soin. Tous les espoirs placés en vous peuvent s'envoler, la guerre est perdue et votre peuple est réduit en esclavage.

-N'avez vous pas l'impression d'aller un peu loin, capitaine ?

-Bien sûr que si. J'exagère, mais je veux vous faire comprendre mon état d'esprit.

-Sauf votre respect, il est erroné. Etes-vous une machine ?

-Non, mais je connais les ordres de priorité qui régissent mon métier.

-Le général Hanrel n'est pas beaucoup dérangé par la relation que j'ai avec le lieutenant Federico.

-Le général Hanrel peut penser ce qu'il veut. Ce n'est pas son peuple qui est à deux doigts de l'extinction.

-Je le sais bien. Mais nous sommes vos alliés. Les Terriens ne disparaitront pas tant que nous pourrons agir pour l'en empêcher.

-Je le sais également, rassurez vous. Nous n'aurions rien pu faire sans vous. Mais ce sujet est particulier. J'estime que vous n'avez pas suffisamment de recul pour faire abstraction de vos sentiments le moment venu. Lorsque tel sera le cas, j'accepterai.

-Si j'en crois votre cas concret, lorsque tel sera le cas, je serais mort, et elle avec.

-J'ai dit que j'exagérais, commandant. »

La porte de la salle de communications s'ouvrit cependant, et Tenson changea de sujet :

« Certes commandant, mais nos avions de chasse sont probablement plus maniables que vos propres chasseurs. J'estime le rapport de force de un pour trois.

-Concernant la chasse, peut-être pourriez vous vous défendre correctement. Mais que faites-vous de la flotte lourde ? Vous n'avez pas de flotte de guerre, alors que nous si.

-Dans l'espace, vous êtes les maîtres incontestés, je n'irais pas dire le contraire. Mais venez donc sur Terre, vous comprendrez qui nous sommes. Nous avons des flottes de guerre, mais pas comme vous l'entendez. Et je ne parle pas de nos armées de terre. Vos chars feraient pâle figure face aux nôtres.

-Je veux qu'un jour, vous me fassiez une démonstration de votre soi-disant superpuissance sur le sol. Je ne sais pas si je dois croire ce que vous me dites ou si ce n'est que de la vantardise. »

Hanrel, troublé, mit fin à la discussion qu'il pensait tout à fait réelle :

« Allons messieurs ! Il n'a jamais été prévu que nous nous fassions la guerre, il me semble ?

-Heureusement pour vous. J'ai un souvenir très précis de la première rencontre entre nous et l'Armée martienne. »

Le général Hanrel perdit instantanément toute retenue et se lança dans le débat, bien convaincu.

« Capitaine, ce n'était qu'un bataillon de protection et pas un régiment de l'Armée. Cessez de reparler de votre prétendue victoire...

-Prétendue ? Nous avons battu à plate couture les vagues successives d'assaillants, blindés ou pas. Même vos vaisseaux, alors...

-Ah vous voulez discuter ainsi ? Et bien discutons. Si j'avais été à la planification de cet assaut, vous n'auriez pas tenu vingt quatre heures ! »

Tandis que les trois militaires se lançaient dans un débat sur les capacités opérationnelles de leurs planètes respectives, Federico réfléchissait profondément. Elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil et tentait de comprendre ce qui se tramait. Au vu de ce qu'il racontait, Gurracha était sans aucun doute possible Terrien. Sa puissance en tant que pirate était incontestable. Mais pourquoi voulait-il absolument aider son peuple ? Il n'avait jamais tenté de recontacter la Terre ou de s'y rendre auparavant, malgré ses moyens. Il avait forgé petit à petit son autorité dans la galaxie sans se soucier de sa planète natale. Et maintenant que les Terriens se révélaient, il s'en faisait le plus grand défenseur. Elle se souvenait aussi des dernières paroles du souverain Kolbarba, lors de l'attentat de la Lune Pourpre. Il avait montré son savoir et sa lucidité, mais comment pouvait-il être aussi sûr de cette histoire de Période ? Il avait dit que c'était le Haut-Conseil qui décidait de ce changement, or, aucun membre de cette entité n'était apparu. Et puis, que voulait il dire ? Il avait conseillé d'être du bon côté, mais il y a côtés lorsqu'il y a conflit, et cela inquiétait le lieutenant. Elle estimait qu'il y avait eu suffisamment de violence, mais savait au fond d'elle que ce n'était pas fini. Elle redoutait beaucoup de choses, mais était prête à affronter tout ce qui viendrait.

*

20 septembre 2115, 10:00

Surface Namarienne

La navette, toujours guidée par Gurracha, se posa dans une clairière. Zalos alla réveiller Federico, enfin endormie, alors qu'Hanrel et Tenson se préparaient à sortir. La rampe s'abaissa et les deux hommes descendirent. La planète était plus que verdoyante : ils étaient dans une immense forêt composée d'arbres feuillus. Sur leur droite se trouvait une cascade qui donnait sur un cours d'eau assez conséquent. A droite, un trou dans les arbres semblait signifie un chemin praticable. Le Terrien, bientôt rejoint par son lieutenant, s'aventura quelques mètres sur l'herbe toute fraîche de la planète. Il s'agenouilla et prit une poignée de terre dans sa main, puis la serra. L'air était parfait ici : le mot « nature » prenait tout son sens. On était loin de l'environnement ravagé de la Terre, des déserts Martiens ou de la pollution de Zavodar. Cela rappelait à Federico la pureté qui régnait dans le Palais des Nuages. On pouvait entendre quelques bruits d'animaux, jusqu'à ce qu'Hanrel ne parle :

« Capitaine ? Je vais rester ici avec mes hommes. Je pense que vous devriez faire un tour avec Gurracha pour en apprendre un peu plus.

-J'y pensais justement. Masi vous ne venez donc pas ?

-Non, ce n'est pas la peine. Le commandant Zalos va vous accompagner.

-Dans ce cas, à tout à l'heure. »

Les deux Terriens et Zalos, guidés par Gurracha, commencèrent à s'enfoncer dans ce qui était effectivement un chemin.

« Ce sont mes hommes et moi qui avons aménagé ce passage lors de nos dernières visites. Il mène à un lac situé dans une clairière bien plus grande. De ce lac, on peut apercevoir une chaîne de montagnes, mais nous ne nous y sommes pas encore rendus.

-L'environnement est-il identique sur toute la planète ?

-En assez grande partie, oui. Mais la température varie légèrement. Les deux pôles de la planète possèdent en effet un caractère glacier, mais leur étendue est très limitée en comparaison du reste de la planète. Ce sont essentiellement des forêts, des plateaux, des montagnes, le tout assez verdoyant, comme ici. Vous trouverez de nombreux lacs et plusieurs mers et océans. Vous connaissez ce genre de géographie, alors pas de problème.

-Et concernant la faune ?

-Bien sûr, il n'y aucun animal Terrien ici, mais ce sont majoritairement des herbivores. Les quelques carnivores ne sont pas dangereux pour l'espèce Humaine et peuvent même être apprivoisés. Nous avons fait quelques expériences qui se sont déroulées avec succès.

-Totalement vierge de populations locales donc ?

-Exactement. Pour tout vous dire, nous n'avons trouvé aucune ruine ou vestige pour le moment, c'est assez curieux. Vous pourrez vous établir ici sans gêner personne. Bien sûr, ne rasez pas la moitié de la planète pour cela, n'est ce pas ? Nous serions obligés de trouver une autre planète dans vint ans.

-Nous tenterons de faire comprendre cela. »

Tandis que Gurracha et Tenson échangeaient, Zalos remarqua du mouvement sur sa gauche. Il se retourna vers Federico pour lui en faire part, lorsque celle-ci en faisait de même pour sa droite. Avant qu'ils ne se parlent, ils avaient compris.

« A terre ! » cria le commandant.

Les quatre se jetèrent au sol avant que des coups de feu ne retentissent des deux côtés. Les trois militaires et le pirate dégainèrent leurs pistolets et ripostèrent. Ils foncèrent tous sur la gauche du sentier et culbutèrent le groupe qui les avait attaqués : c'étaient des machines de combat Catysmopes.

« Encore ? » s'agaça Tenson.

Ils s'élancèrent ensuite en direction de la navette, fuyant les tirs nombreux de leurs poursuivants. Tenson contacta Hanrel : derrière la voix du général, on distinguait une violente fusillade.

« Tenson ! Nous sommes encerclés par un ennemi inconnu. Nous avons déjà deux blessés et on ne distingue pas nos attaquants !

-Ce sont des machines de combats d'Orthor. Elles nous ont prises à parti dans la forêt, nous arrivons. »

Pendant que le groupe revenait à toute vitesse, les machines entraient dans la clairière et s'avançaient vers le vaisseau. Hanrel appuya sur la commande pour fermer la rampe d'accès, mais un tir perdu vînt détruire le mécanisme : la porte ne pouvait plus se refermer, et la colonne d'infanterie s'approchait. Avec les militaires Martiens valides et blessés, il tirait à tout va sur les assaillants qui ne finissaient pas d'arriver. Au seuil de la zone, les Terriens et Zalos venaient d'arriver. Tenson aperçut le danger que couraient les occupants de la navette et se décida à charger. Le Mongol le retînt :

« C'est de la folie. On ne peut rien faire, ou nous serons tout autant encerclés !

-Les Martiens n'ont fait que se mettre en danger pour nous protéger jusqu'ici. Je ne vois pas pourquoi nous n'irions pas leur rendre la pareille. »

Il s'élança encore, vidant ses chargeurs avec précision, immédiatement suivi de Zalos et Federico, et enfin de Gurracha. Le commando enfonça la colonne ennemie et arriva à la rampe, âprement défendue : des épaves de machines gisaient aux côtés même des défenseurs. Mais arrivé à cet endroit, Gurracha reçut un tir à son flanc, et s'effondra. On le mit rapidement à l'abri, lorsque les machines de combat arrêtèrent de tirer et firent demi-tour.

« Elles vont s'enfuir !

-Nous devons savoir qui est derrière cela ! Gurracha, restez avec mes hommes. Nous allons traquer le chef de cette attaque. »

Hanrel remplaçant le pirate blessé, les quatre humains se mirent à courir dans la forêt, suivant à distance les machines.

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