Chapitre 35 : Rassemblement

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20 septembre 2115, 11:00

Surface Namarienne

« Restez à distance. Il ne faut pas que ces machines nous repèrent, ou nous ne pourrons pas savoir qui les commande. »

Les quatre avançaient donc avec précaution, jusqu'à ce qu'un bruit étrange se fasse entendre. Lorsqu'ils se retournèrent, ils aperçurent un arbre s'écrouler. Hanrel et Tenson sautèrent d'un côté pour l'éviter, tandis que Federico et Zalos sautaient de l'autre.

« Suivons l'arbre, nous nous retrouvons au bout ! »

Tous se mirent alors à courir dans la même direction. Mais à mi-chemin, le deuxième binôme sentit le sol se dérober sous leurs pas : un trou s'ouvrit sans aucune raison et avec rapidité, les précipitant dedans. Lorsqu'ils relevèrent la tête, ils aperçurent quelque chose de vivant. Celui-ci ressemblait à un gros buisson, mais sur pattes, avec près de deux mètres de hauteur. Il les fixait de deux yeux jaunes éclatants.

« Que voulez-vous ? » questionna Zalos, pointant son arme.

La chose resta silencieuse. De leur côté, Hanrel et Tenson courait à pleine vitesse, lorsque que comme par enchantement, la forêt laissa place à un ravin. Hanrel réussit à freiner à temps en se raccrochant à l'un des derniers arbres, mais Tenson ne le put pas : il chuta du haut du précipice. Le général se précipita au bord et constata que le ravin ne faisait que deux mètres et était rempli d'eau : Tenson allait s'en sortir. Pourtant, aucune vague ne prouvait qu'il venait d'y chuter. Hanrel se retourna, mais s'arrêta net. Devant lui se tenait un animal de grande stature, à six pattes. Sa crinière ressemblait à celle d'un lion Terrien, mais bien plus gros. La crinière était poursuivi par des plumes qui parcouraient le reste de l'animal. Les deux se fixèrent mutuellement. Quant à Tenson, il était effectivement tombé dans l'eau. Il avait pu rejoindre la rive et s'était allongé sur le dos dans le sable, reprenant son souffle. Il était sec et lorsqu'il ouvrit les yeux, il crut d'abord qu'il rêvait. Une sorte d'aspect fantomatique le surplombait, mais qui étincelait et dont on ne pouvait voir son visage : on aurait dit un esprit.

« Où suis-je ? » lui demanda le capitaine.

Sans que les humains ne le sachent, les trois êtres rencontrés prirent la parole simultanément, avec le même discours.

« Nous sommes le Haut-Conseil. Nous sommes ceux qui veillent sur la galaxie, ses planètes et ses peuples. Nous émergeons lorsque notre présence est primordiale. La situation actuelle fait de notre apparition une obligation. L'équilibre galactique est désormais modifié. L'arrivée des Terriens nous a fait beaucoup réfléchir et nous attendions de voir ce qu'ils nous réservaient. Nous savons que ce qui se passe n'est pas totalement de leur responsabilité, mais tout ce qui s'est passé l'a été grâce ou à cause de leur présence. Ceci signifie tout. Ces événements ne sont pas mineurs. Il y avait des milliers de futurs possibles, mais c'est celui où les Terriens s'imposent qui s'est développé. Les bouleversements sont déjà perceptibles, et le seront de plus en plus au fil des jours. Il ne faudra pas beaucoup de temps à la galaxie pour comprendre le retournement total de sa vie future. Nous tenions à ce que ce soit vous qui soyez les premiers au courant, en tant qu'acteurs majeurs de cette révolution. Une nouvelle période s'ouvre. Oubliez l'Unifié. Nous entrons dans le Chaos. Retenez ce nom, car c'est désormais celui qui se propagera sur chaque système. Nous visiterons chaque planète et informerons chaque race. Les mondes sauront qu'une nouvelle Période s'ouvre. A présent : empruntez ce passage. Il vous mènera à votre objectif. »

Derrière chaque interlocuteur, une sorte de portail doré apparaissait. Mais lorsque les humains se tournaient de nouveau vers les êtres du Haut-Conseil, ceux-ci s'étaient comme volatilisés.

« Lakko ? Nous avons franchi une de ces choses dans le souterrain de Loyva.

-Je me souviens. C'est comme cela que nous nous sommes retrouvés sur Kolbarba.

-Ils ont leurs propres portails pour traverser les planètes.

-Je crois bien. Allons-y ! »

Les deux officiers franchirent alors le portail et arrivèrent au seuil d'une autre clairière, derrière Hanrel et Tenson qui s'étaient déjà retrouvés. Lorsqu'ils furent tout deux là, ils voulurent voir le portail, mais il était aussi disparu.

« Ah, vous voilà. Si vous avez vu la même chose que nous, nous en parlerons plus tard. Regardez, les vaisseaux de transport Catysmopes. Ils sont en train de réembarquer leurs machines. Et si vous regardez au centre, vous pouvez voir deux Catysmopes.

-Savez vous qui ils sont ?

-Oh, rien de bien original. Le général Vorkalter et le général Brozimer.

-Tiens. Cela faisait un moment.

-En effet. Allons leur rendre une petite visite. Rangez vos armes mais restez sur vos gardes. »

Le commando sortit de la forêt et marcha droit sur les deux officiers supérieurs qui menaient l'attaque. Lorsque ceux-ci les remarquèrent, ils commencèrent à paniquer :

« Alerte, des Terriens ! Brozimer, rappelez les troupes, qu'on nous défende ! »

Brozimer sortit son communicateur mais Federico dégaina et le mit en joue, lui faisant comprendre qu'il n'avait pas intérêt à faire cela.

« Alors général ? Nous vous manquions tant ?

- Laissez-moi-vous expliquer !

-J'aimerais savoir ce que vous avez à dire, en effet. Est-ce une déclaration de guerre ou une simple tentative de meurtre ?

-Ni l'une ni l'autre, général Hanrel. Vous n'étiez pas censés être là. Nous avons reçu l'ordre d'intercepter une bande de pirates ayant volés des vaisseaux Martiens, Catysmopes et autres devant se rendre sur Namaria pour rejoindre leur quartier-général.

-Des pirates ? La Lune Pourpre ?

-Je n'en ai aucune idée, ce sont simplement mes ordres.

-Et vous en avez trouvés ?

-Deux vaisseaux de notre peuple, oui. Leurs voleurs ont été arrêtés. Nous avons engagé vos forces en vous prenant pour des pirates. Ce n'est que lorsque votre présence nous a été signalée que nous avons donné l'ordre de nous replier.

-Un malentendu donc ?

-J'ai bien peur que oui.

-Pourquoi ai-je du mal à vous croire ?

-Général, soyons sérieux. Vous n'avez détruit qu'un quinzième de mes forces, et j'ai quatre chars à ma disposition, sans parler des vaisseaux. Si j'avais voulu votre mort, je serais actuellement devant votre cadavre. Vous n'avez pas d'armée, ici.

-C'est vrai. Dans ce cas, veuillez me pardonner. Avez-vous d'autres informations sur ces pirates ?

-Hélas non. Si j'en avais plus, ceci ne serait peut-être pas arrivé. J'espère que nous n'avons pas causé de mal de votre côté.

-Seulement quelques blessés, heureusement pour vous. Mais pour une fois que c'est une erreur, je veux bien vous croire. »

Le général Vorkalter se mit à sourire puis demanda :

« Pourrais-je faire quelque chose pour vous dédommager ?

-Si vous pouviez nous amener à notre vaisseau, ce serait vraiment aimable. »

Quelques minutes plus tard, le groupe était donc déposé dans la clairière où ils avaient atterris. Ils retournèrent dans la navette et trouvèrent les pilotes qui avaient remis en état la rampe d'accès, ainsi que Gurracha allongé sur une des couchettes, pansé.

« Gurracha ? Est-ce dans les habitudes de la Lune Pourpre de s'emparer de vaisseaux ?

-De vaisseaux d'autres planètes ?

-Oui.

-Et bien ça l'était à l'époque où nous sommes arrivés sur Mars. Mais depuis que j'en suis le chef, ce n'est plus le cas. Nous construisons nos propres vaisseaux. Les seuls engins étrangers que nous récupérons sont ceux que nous revendons. Pourquoi cette question ?

-Les Catysmopes se sont trompés. Ils recherchaient des pirates voleurs de vaisseaux, et ont cru que nous en faisions partie.

-Sur Namaria ? Mais cette planète est vide. Il n'y a même pas une cachette de pirates. En ont-ils trouvé ?

-Il paraît qu'ils ont récupéré deux de leurs vaisseaux et mis en état d'arrestation les voleurs.

-Pourquoi pas, mais je suis étonné. Je n'ai pas encore entendu parler de ce genre de pirates.

-Vous pensez qu'ils ont menti ?

-Je ne pourrais pas vous dire si c'est vrai ou faux, mais je vous conseille de vous méfier. »

Les humains le laissèrent ensuite se reposer et occupèrent tous les quatre l'une des salles.

« Général ? Vous ne lui avez pas parlé du Haut-Conseil.

-S'ils ne l'ont pas visité, c'est qu'ils n'ont pas jugé utile qu'il soit au courant de la même façon que nous.

-Comment savez vous que personne ne lui a parlé ?

-Deux de mes hommes sont constamment restés avec lui, et ils ne m'ont rien dit à ce propos. Mais parlons de nous. Commandant Zalos et lieutenant Federico, était-ce un animal à plumes ou un esprit étrange ?

-Aucun des deux. C'était une sorte de buisson vivant, ou un arbre extrêmement feuillu. Entre deux mètres et deux mètres cinquante, je dirais.

-C'est donc bien eux. Vous avez vu un Brotoshir. Le capitaine Tenson a rencontré une Ylkira, et j'ai été approché par un Grixanos. Les trois espèces du Haut-Conseil. Ce sont des êtres supérieurs et infiniment sacrés. Ce sont eux qui vivent dans le Noyau. Ils sont capables d'être présents sur n'importe quelle planète sans que personne ne s'en rende compte.

-Ce sont grâce à ces portails. C'est en passant dans l'un deux que Zalos et moi sommes passés de Mars à Kolbarba.

-Personne n'a jamais parlé de ces portails, et il n'y a aucune mention d'eux dans la galaxie. Je vous crois, mais si c'est vrai, vous êtes bien les premiers qui arrivez à en trouver. Je comprends l'intérêt qu'ils ont pour vous.

-Le souverain Kolbarba le savait. Il nous avait parlé du changement de Période, de l'apparition du Haut-Conseil. Il nous a tenu le même discours qu'eux : changements, bouleversements, parce que nous sommes arrivés.

-Il est trop tard pour repartir. Nous allons continuer à suivre mon plan.

-Et les Catysmopes ?

-Nous éclaircirons ceci plus tard. Concentrons-nous sur notre mission. A ce propos, comment trouvez-vous cette planète ?

-En exceptant les troubles arrivés, elle m'a l'air parfaite. Nous pourrons construire là où la forêt n'est pas implantée et nous avons tout ce qu'il faut pour rebâtir une civilisation.

-Je l'espère. En priant pour que nous choisissions une voie pacifique.

-Je l'espère également. La guerre et la violence sont si habituelles chez nous.

-C'est malheureusement vrai. Faisons ce que nous pouvons pour changer les choses. Nous avons passé suffisamment de temps ici, et appris suffisamment de choses. Rentrons sur Mars. »

D'un commun accord, les occupants retournèrent dans leurs salles respectives et le général Hanrel donnait l'ordre de décoller, à midi pile.

*

20 septembre 2115, 14:00

Atmosphère Martienne

« Nous sommes arrivés ! » lança Hanrel.

Le vaisseau de transport Martien venait d'entrer dans l'espace territorial de sa planète et entrait tout de suite en contact avec son quartier général.

«Bonjour mon général !

-Bonjour, Koggs ! Où en est-on avec les préparatifs ?

-Je vous passe Bells Atyr, monsieur. C'est le chef des anciens rebelles.

-Enchanté, Atyr. L'amiral Nox ne m'avait pas parlé de vous lorsqu'il était parti négocier.

-C'est bien normal, général Hanrel. Il ne m'a jamais vu. Nous ne pouvions pas prendre le risque que le chef réel ne s'expose au gouvernement. Mais votre bonne foi a été prouvée. Je sais que désormais, nous pouvons de nouveau marcher ensemble.

-Vous ne pouvez pas imaginer comme je suis satisfait de votre pensée.

-Vous l'êtes comme je le suis, j'en suis certain. Vos officiers m'ont expliqué le projet de sauver les Terriens. Bien que je ne les connaisse pas comme vous, je pense que c'est une bonne chose. En tant que Martiens à part entière, nous prêterons main forte à vos vaisseaux. Je vous invite à notre propre quartier général pour que je puisse vous rencontrer.

-Ce sera un honneur, Bells Atyr. J'accepte votre invitation.

-Très bien. Je vous envoie les coordonnées.

-Pilotes, suivez les nouvelles coordonnées. »

En assez peu de temps, le vaisseau était arrivé au point de rendez vous, mais personne n'était là, et pas l'ombre d'un bâtiment. Le groupe se posa donc et descendit. Soudain, un trou s'ouvra devant eux. Une plateforme sortit de terre, et deux hommes étaient dessus. Le premier s'avança et parla :

« Veuillez m'accompagner, je vous prie. Le chef Atyr vous attend avec impatience. »

Tous se placèrent alors sur la plateforme, qui s'enfonça dans le sol. Après une ou deux minutes silencieuses, celle-ci arriva dans un grand sas. L'homme qui les avait accueillis se dirigea vers une porte qui menait à une autre salle : le chef des anciens rebelles était là.

« Messieurs, bienvenue chez nous !

-Ravi de vous rencontrer en personne.

-Moi de même. »

Guidés à présent par cet homme, les Terriens et les Martiens passaient dans de multiples pièces et rencontraient des dizaines et des dizaines d'autres Martiens en pleine activité.

« Nous avons de tout ici. Des hôpitaux, des casernes, des écoles, des lieux de loisirs, des restaurants, des logements, des usines. Sans vous inquiéter, notre quartier général pourrait être une capitale avec son potentiel. Il y a des centaines de milliers d'habitants rien qu'ici, et tout ce qu'il faut pour qu'ils vivent correctement.

-Vous semblez beaucoup plus avancés que lorsque l'amiral est venu. Que nous avez vous cachés si efficacement ?

-La capitale qu'il a visitée n'était qu'un simple campement de surface. Nous devions tester votre sincérité. Nous vous sommes apparus comme archaïques, en retard et surtout vulnérables. Mais au lieu de nous écraser comme le précédent gouvernement aurait peut-être fait, vous avez tout de même choisi de nous faire revenir, de nous intégrer à nouveau. Nous avons tous beaucoup apprécié. Tous les clans se sont ralliés après cela, et personne ne remettrait en cause le fait que nous sommes un peuple unique. Hormis quelques grognons.

-C'était très malin. Et je me réjouis que vous ayez choisi la voie de l'unité.

-Au vu des temps qui courront bientôt, l'unité sera une force non négligeable.

-Qu'entendez vous par là ?

-La même chose que tout le monde. Je sais que sauver les Terriens est primordial. Ils sont comme des frères pour nous, et nous devons leur porter assistance. Mais je sais également que cela provoquera des choses. Lesquelles, je ne saurais le dire. Mais nous devrons être prêts. J'ai l'impression que même les Catysmopes seraient le cadet de nos soucis.

-Je pense que vous êtes assez proche de la vérité. Mais tout à l'heure, vous me parliez de prêter assistance à la flotte gouvernementale. Comment ? »

Sur ces mots, le chef s'arrêta et répondit avec un sourire. Il ne répondit pas et continua de guider ses invités. Arrivés au bout d'un couloir, il ouvrit une porte et entra dans la salle suivante, avant que le reste du groupe n'en fasse de même. C'était un immense hangar. Plusieurs croiseurs rebelles et de nombreux vaisseaux de transports étaient alignés sur plusieurs rangs. C'étaient des centaines de pilotes, d'ingénieurs, de techniciens qui couraient et entretenaient cette flotte. On voyait encore un peu de poussière sur certains des engins, ce qui montrait qu'ils n'avaient pas servi depuis des lustres.

« Voici comment. Ces vaisseaux sont conservés ici depuis le début de la paix froide qui existait entre nous. Il y a de tout, et ils sont totalement fonctionnels. Ajoutés aux vaisseaux gouvernementaux, ils créeront une flotte de transport suffisamment importante pour transférer les Terriens de leur foyer au nôtre. C'est bien de cela qu'il s'agit ?

-Une aide aussi généreuse ne saurait être repoussée. Nous n'espérions pas un apport aussi conséquent.

-C'est ce que nous avons. Nous aurons besoin d'un maximum d'efforts pour mener à bien cette opération.

-Je suis d'accord. Quand ces appareils seront-ils prêts à appareiller ?

-Dès que vous le demanderez, général. »

Hanrel se retourna vers les Terriens :

« Etes-vous prêts à retourner sur votre foyer ?

-J'aurais une demande auparavant.

- Allez-y, capitaine.

- Pourrions-nous récupérer le lieutenant Henri, général ? Je m'en voudrais beaucoup d'aller sur Terre sans lui.

-C'est entendu. Nous irons le chercher le temps que les deux flottes et celle de la Lune Pourpre ne se rassemblent. »

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