Chapitre 27 : Médiation

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16 septembre 2115, 08:00

Loyva

Ambassade Catysmope

En pleine réflexion sur le problème du Martien échappé, le général Vorkalter fut interrompu par une communication provenant de la capitale. Voyant qu'elle était de code prioritaire, il la prit sur le champ et alluma son écran communicateur :

«Ici le général Vorkalter, délégué sur la planète Mars pour enquêter sur la mort de notre ambassadeur.

-Si je vous contacte, c'est bien parce que je sais qui vous êtes et ce que vous faites, inutile de vous présenter. En revanche, vous ne me connaissez pas. Je suis le chambellan de notre Kaser. Celui-ci a envoyé personnellement un de ses généraux aides de camp en mission secrète pour vous renforcer. Nous aimerions avoir son rapport au plus tôt.

-Un général ?

-Bien sûr.

-Aide de camp ?

-Je vous l'ai dit !

-Si vous pouviez m'accorder cinq petites minutes, monseigneur...»

S'emparant d'une carte d'accès, il dévala les escaliers jusqu'à arriver aux niveaux souterrains, où étaient les cellules de l'ambassade. Il se fit en catastrophe mener à celle où était enfermé Brozimer, comprenant qu'il avait été encore plus dupé que ce qu'il pensait.

«Mon général, je suis navré, nous avons cru que...

-Que rien du tout, général ! Vous reconnaissez enfin votre erreur ?

-Oui mon général, et je m'en excuse. Nous avons été bernés !

-J'avais bien cru comprendre ! Ces lâches ont usurpé mon identité pour faire échapper leur ami. Il s'agit d'une intrusion dans une ambassade et de la violation d'une enquête. Je dois immédiatement en faire part au Chambellan, qui sert d'intermédiaire avec Kaser.

-Mais justement, je suis en communication avec lui...

-Avec le Chambellan ! Pas un mot sur ce qui s'est passé, général. Vous seriez blâmé pour votre incompétence et je le serais de m'être fait avoir. Alors pour notre bien être respectif, il est inutile de lui raconter tout cela.

-Je suis entièrement d'accord ! C'est une excellente idée que vous avez là mon général !

-N'en faites pas trop, Vorkalter.»

Les deux officiers retournèrent à l'étage et rallumèrent l'écran de communication. Le visage impatient du Chambellan était à nouveau visible, mais paraissait satisfait de voir l'envoyé de son maître.

«Général Brozimer, parfait ! Pendant un instant, j'ai cru qu'il vous était arrivé quelque chose de fâcheux.

-Absolument pas, Chambellan. J'étais en pleine réflexion sur la situation que nous devons gérer sur cette planète.

-Et le prisonnier ? Avez-vous pu l'interroger ?

-À vrai dire, le prisonnier n'est plus là.

-Plus là ? Vous l'avez donc transféré sur Orthor ?

-Non, monseigneur. Il n'est... Vraiment plus là. On ne sait pas où il a bien pu passer.

-Êtes vous en train de m'informer de l'évasion du Martien ?

-Je crains que oui, c'est de ça que je voulais parler...

-Imbéciles ! Comment avez-vous pu le laisser faire ?

-Il n'a pas agi seul, Chambellan ! C'est avec l'aide de ses hommes que le général Martien a filé.

-Attendez, général. Auraient-ils pénétré dans notre ambassade pour faire évader un homme retenu par une de nos enquêtes ? C'est bien cela que vous me dites ?

-Exactement.

-Mais cela change tout. Nous pouvons tirer avantage de cette situation. Rendez vous au Palais royal de la ville, général Brozimer. Emmenez le général Vorkalter avec vous. Votre mission première sera d'obtenir un droit d'atterrissage sur Mars pour un de nos corps expéditionnaire.

-Nous pouvons faire débarquer nos troupes ici ?

-Bien évidemment. Et votre mission seconde sera de traquer le général Martien, puis de régler le souci avec ces Terriens. Nous allons éliminer ces deux problèmes en même temps. Une bonne fois pour toutes. Comme nous aurions dû le faire il y a bien longtemps.»

Les deux officiers mobilisèrent donc la garde de l'ambassade, mais surtout toutes les machines de combat, mises en veille depuis un bon moment. Une centaine d'entre elles sortaient donc des salles souterraines des bâtiments pour s'embarquer dans des véhicules de transport. Ceux-ci prirent la route de la grande place de Loyva. Depuis leur quartier général, les commandants Martiens observaient l'arrivée des Catysmopes et l'encerclement du Palais. Ils hésitèrent à intervenir mais se ravisèrent : mieux valait attendre pour comprendre ce qui se passait, puis informer leur propre général. Ils continuaient donc à suivre sur les écrans de surveillance les machines de combat ouvrirent la voie aux deux généraux, qui bientôt se trouvèrent dans la salle du Conseil. Kanonmar les apostropha dès qu'ils franchirent la porte :

«Quelle est cette intrusion, messieurs ?

-Pardonnez nous, Kanonmar. Je suis le général Brozimer, et j'ai des plaintes à porter à votre connaissance.

-Des plaintes ?

-Oui. Des plaintes à formuler contre votre armée, contre votre peuple et contre votre gouvernement. Figurez-vous que notre ambassadeur a été victime d'un horrible meurtre alors qu'il se rendait chez les Terriens. Pour les besoins de notre enquête, nous avons voulu poser des questions au général Hanrel. Mais un groupe de Martiens a violé le caractère sacré de notre ambassade pour le faire fuir. Mentionnons au passage que le général Vorkalter, ici-présent, s'est fait tirer dessus par ce même Hanrel.

-Et vous vous permettez d'envahir ce Palais ? Que voulez-vous ?

-L'autorisation de résoudre ce problème.

-Et comment ?

-En acceptant deux choses. Premièrement, vous devez nous remettre le général et ses complices. Deuxièmement, vous devez laisser une force de sécurité d'Orthor se poser dans les environs pour rechercher les criminels.

-Général, vous frôlez l'impertinence. Vous livrer un chef du gouvernement ainsi que plusieurs de nos militaires, comme cela ? Vous octroyer une totale liberté de circulation pour vos troupes ? C'est non et encore non, général !

-Je vous conseille de bien réfléchir à mes propositions, souverain de Mars. Vous souvenez vous de ce qui s'est passé la dernière fois que votre peuple a refusé d'accorder à mon peuple ce qu'il voulait ?

-Vous êtes fou ! La communauté...

-La communauté Galactique ne dira rien, comme la dernière fois ! Vous serez seuls face à nous. Voulez vous causer la souffrance de votre population, Kanonmar ? Acceptez-vous, oui ou non, de conclure un traité de libre-circulation ? C'est la seule chance que vous aurez.

-Pour le bien de mon peuple, j'y consens. Mais je ne peux rien concernant le général Hanrel. Nous n'avons aucune nouvelle de lui.

-Chez ses amis Terriens, bien sûr ! Il conspire certainement pour vous renverser après avoir renversé votre gouvernement. Vorkalter ! Transmettez les bonnes nouvelles à la capitale : dans deux jours, nous réglerons la question Terrienne.»

Ayant assisté à l'intervention des aliens devant le Conseil, les commandants Martiens prirent contact avec leur supérieur. Le communicateur de ce dernier émit le bruit répété qui avertissait de l'appel, et Hanrel répondit, demandant à Tenson de patienter un instant.

«Que se passe t-il, commandant Koggs ?

-Nous avons de gros problèmes monsieur. Les Catysmopes sont passés à l'action. Ils viennent de forcer Kanonmar à autoriser leurs troupes à se poser chez nous. Dans deux jours, ils vont attaquer le campement Terrien, à la fois pour eux et pour vous. Quels sont les ordres, mon général ?

-Dénoncez des officiers qui n'existent pas pour mon évasion. Faites semblant de vous rallier à la position de Kanonmar et n'éveillez pas les soupçons. Quoi que l'on fasse, les Catysmopes viendront. Je vais prévenir nos amis Terriens de la menace qui pèse sur nous tous. Je vous remercie et soyez prudents. »

Le capitaine Terrien, qui avait tout entendu, lança un regard inquiet à son homologue Martien.

«Ils vont venir, Tenson. Et ils ne toléreront pas qu'un seul Terrien ne reste.

-Nous ne tolérerons pas qu'un seul d'entre eux ne nous chasse. Ils ont affaire à l'Armée Terrienne, et nous savons assurément la guerre.

-Vous comptez donc vous battre ? Vous pensez pouvoir gagner ?

-Au moins les décourager et les faire douter d'eux ? Ce sera déjà quelque chose.

-Alors, mieux vaut prévenir vos supérieurs.

-Allons y. Vous allez voir que cela va encore être de ma faute. »

*

18 septembre 2115, 09:00

Campement Terrien

Le jour était arrivé. Depuis qu'ils avaient été avertis de l'attaque prochaine des aliens, les membres de l'opération Gaïa s'y préparaient. Les murs de rochers avaient depuis le temps été agrandis, de telle sorte que l'ensemble des vaisseaux étaient à l'intérieur de l'enceinte. Ils avaient également été renforcés : leur nombre s'était considérablement accru et une armature en fer les liaient à présent. La montagne couvrait toute attaque au Nord, et le canyon à l'Est ne pouvait être franchi que par un pont improvisé mais surtout gardé. Tout cela faisait que c'était l'entrée Ouest qui apparaissait comme le point d'attaque le plus pertinent. Tout le chemin qui menait à cette entrée jusqu'au détour de la montagne avait été miné, et la majeure partie des armes étaient tournées de ce côté. Le plan des officiers Terriens était plus que simple : tirer et tirer encore, jusqu'à ce que les assaillants reculent. Hanrel et Tenson avaient évoqué l'éventualité d'une attaque aérienne. Les mortiers et quelques armes contre-aériennes étaient censées parer ce type d'assaut, mais il n'y avait pas d'équipement de grande envergure pour cela. A neuf heures du matin donc, les guetteurs signalèrent l'arrivée d'un contingent terrestre. On distinguait une infanterie de machines de combat assez nombreuse et plusieurs blindés. La formation s'arrêta à une centaine de mètres de la montagne, et une voix s'éleva à travers des hauts parleurs :

«Soldats Terriens ! Ici le général Vorkalter, chargé de l'assaut terrestre de votre campement. Je ne souhaite pas causer la douleur dans vos rangs, aussi je vous demande de présenter votre reddition rapidement. Je vous donne cinq minutes.»

Tout les combattants, soldats comme mercenaires, rejoignaient à présent les murs et se préparaient à se battre. Personne ne semblait disposé à se rendre sans rien tenter. Les responsables quittèrent au même moment la navette de commandement, et Ravishna commença à donner ses ordres, vite interrompu par Hanrel :

«Monsieur l'ingénieur chef, je pense qu'il vaut mieux laisser la conduite des opérations à des officiers militaires qui connaissent leur devoir. Si vous savez vous battre, prenez une arme et rejoignez les murs. Dans le cas contraire, sauf votre respect, mettez vous à l'abri. Bien ! Mesdames, messieurs, ceux que vous allez affronter ne sont pas des pirates. Ce sont des Catysmopes. Ils vont attaquer à outrance, jusqu'à ce qu'ils gagnent ou jusqu'à ce que leurs forces soient détruites. Tenez vos positions, c'est l'heure ! »

Les cinq minutes étant écoulées, le général Vorkalter se préparait à avancer, mais fut contacté par son supérieur.

«Alors, Vorkalter ? Je suppose qu'ils ont rejeté l'ultimatum ?

-Il semblerait que oui, mon général. Je me prépare donc à lancer l'assaut.

-Non, non, j'ai changé d'avis. Cela prendrait trop de temps. Nous allons leur faire passer le message d'une façon quelque peu différente.

-Comme vous voudrez.»

Au moment où les Terriens se préparaient pour résister à l'attaque terrestre, un vaisseau surgit au-dessus du campement, puis deux et encore trois : c'était au total six bâtiments de guerre qui faisaient leur entrée. Comme lors de l'arrivée du contingent terrestre, une voix interpella les défenseurs, bien plus audible.

«Ici le général Brozimer, chargé de pacifier la planète Mars. Ceci est votre dernière chance avant que je n'ordonne le bombardement de votre base.»

Tenson et Hanrel se regardèrent, comprenant le danger. Ils ordonnèrent à ce que toutes les armes ciblent les vaisseaux. Voyant la manœuvre, les Catysmopes pointèrent leurs canons. Des deux côtés, on s'apprêtait à ouvrir le feu. Mais soudainement, une autre demi-douzaine de vaisseaux firent leur apparition sur le flanc gauche des attaquants. Cinq des six bâtiments paraissaient vieux, poussiéreux, mais leur navire amiral était comme neuf, portant l'emblème du gouvernement.

«Nox !» s'exclama Hanrel.

«Ici l'amiral Nox, chargé de botter l'arrière train du premier Catysmope qui osera ouvrir le feu. J'exige que vous cessiez sur le champ vos activités hostiles, ou nous engageons le combat. »

Le général Brozimer se leva de son siège, avec un air de dégoût.

« Amiral, retournez d'où vous venez et occupez vous de réunifier votre peuple arriéré !

-Et à votre avis, général, à qui appartient ces vaisseaux ? Tous les arriérés de Mars sont là, aucune inquiétude ! »

Brozimer comprit alors que la flottille qui se tenait devant lui était envoyée par les rebelles Martiens, qui s'étaient rangés du côté du gouvernement. Il se jeta sur son transmetteur et lança :

« Flottille de combat numéro deux, entrez en action ! »

Un nombre identique de vaisseaux aliens rejoignirent sur le champ la position. La supériorité des Catysmopes étaient de deux contre un.

«Saint George, personne ne cracherait sur votre aide.» murmura Tenson.

Tout à coup, un autre vaisseau apparut. Il était tout doré, élancé comme la pointe d'une pique, hérissé d'armes de chaque côté. Le poste de commandement semblait être une sorte de grande bulle située tout derrière, au dessus des six gros réacteurs. Puis, de nombreux vaisseaux similaires mais plus petits le renforcèrent en quelques secondes, jusqu'à ce qu'une trentaine d'entre eux soient placés au dessus des autres combattants. La vue de cette armada laissait bouche bée les Terriens, tandis que dans les vaisseaux Martiens, on commençait à exprimer sa joie.

« Merci Saint-George ! » se mit à sourire Tenson.

« Ici le chef de guerre Zakara, chargé de mettre un terme aux hostilités sur cette planète. Écoutez les paroles de mon souverain ou vous serez détruits. Le sublime descendant de Kolbarba souhaite réunir les chefs des différentes parties en présence pour ouvrir des négociations. Nous tenons également à informer que nous avons recueilli un officier Terrien et un officier Martien, que nous aimerions remettre à leurs armées respectives. Nous allons poser notre vaisseau amiral sur cette planète. Dans vingt minutes, nous voulons que des délégués Terriens, Martiens et Catysmopes nous rejoignent. Vingt minutes.»

Dès les secondes suivantes, les vaisseaux Martiens exprimèrent leur accord. Dans la foulée, le campement, encouragé par Hanrel, accepta la médiation des Kolbarba. Ainsi isolé, il ne restait plus au général Brozimer qu'à être du même avis. Lorsque le temps annoncé par le chef de guerre arriva à son terme, les trois délégations étaient déjà présentes. Le capitaine Tenson et le lieutenant Henri pour la Terre, le général Hanrel et l'amiral Nox pour Mars, le général Brozimer et le général Vorkalter pour Orthor. Les responsables supérieurs Terriens n'avaient pas assez confiance et préféraient envoyer quelqu'un de plus expérimenté, même si cet individu était le turbulent capitaine. Lorsque tout le monde fut rassemblé, le lieutenant Federico et le commandant Zalos se serrèrent la main avec un grand sourire, puis retournèrent avec leurs groupes respectifs. Les deux officiers Martiens se prirent à nouveau dans les bras, tout cela sous l'œil des Catysmopes qui voyaient une espèce d'alliance se former. Le chef de guerre se décida ensuite à lancer le dialogue :

«Tout le monde est bien présent ?»

Comme par réflexe, le capitaine Terrien se retourna vers son campement. Mais au dessus, dans le ciel, figuraient des éclats de lumière encore lointains, comme si des météorites approchaient.

«Pas encore, mais bientôt.» répondit-il au Kolbarba.

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