Chapitre 25 : Ambassade

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15 septembre 2115, 10:00

Loyva

Ambassade Catysmope

Tôt le matin, le général Hanrel avait reçu un message de la planète Orthor qui lui demandait de se rendre à l'ambassade qui se situait dans la capitale Martienne, pour traiter de l'ambassadeur qui devait se rendre chez les Terriens. Ne pouvant pas contacter Tenson, le général pensa que la mission avait été correctement accomplie et accepta le rendez-vous. Il laissa donc l'amiral Nox en pleines négociations avec les tribus rebelles et prit le premier vaisseau qui lui passa sous la main pour se rendre à Loyva. Il fit un détour par le quartier général pour faire quelques recommandations, et demanda au commandant Nazar de le rejoindre à onze heures pour le récupérer. Il se présenta donc à l'heure devant l'ambassade, et on le conduisit à l'intérieur. Il fut installé dans le bureau de réception de l'ambassadeur et on le fit patienter. Quelques secondes après que le servant soit sorti de la salle, la porte s'ouvra à nouveau et un Catysmope entra. Bien sûr, ce n'était pas l'ambassadeur, mort, mais Hanrel ne comprit pas qui il était et ce qu'il se passait.

« Bonjour. Général Hanrel, on m'a demandé de venir vous voir. A qui-ai je l'honneur ?

-Général Vorkalter, venu spécialement du Quartier général d'Orthor pour tirer cette affaire au clair.

-Quelle affaire ?

-L'assassinat ignoble de notre ambassadeur sur votre sol, alors que vous l'aviez envoyé volontairement chez ces dégénérés de Terriens !

-Assassinat ? De quoi me parlez vous ? Il est réellement mort ?

-Son corps est reparti il y a quelques jours sur notre planète, où il sera brûlé avec tout le respect que nous lui devons pour le travail qu'il a fait. Vous êtes responsable de sa mort, et c'est pour cela que vous êtes ici.

-Je ne suis pas responsable ! Il a du se passer quelque chose d'imprévu sur le trajet. Le capitaine Tenson l'accompagnait...

-Qui est Tenson ? »

Mais le général s'était comme mué en statue après avoir parlé, les yeux perdus dans le vide.

« Répondez, qui est-il !

-Un officier.

-Qu'on me transmette sa fiche immédiatement, je veux tout savoir de lui !

-Je n'ai aucune fiche sur lui.

-Vous n'avez pas de fiche ? C'est un de vos hommes, oui ou non ?

-Absolument pas. C'est un officier Terrien, et votre ambassadeur avait totalement accepté sa compagnie pour l'amener à leur camp.

-Un Terrien ? Vous avez envoyé un Terrien pour protéger un Catysmope ? Sale chien ! Traître ! Pauvre imbécile !

-Général ! Je vais vous demander un peu de tenue. Je sais que la vulgarité et le manque de respect sont des traits presque obligatoires chez votre espèce, mais vous n'êtes pas chez vous.

-Je suis dans l'ambassade de mon peuple, je suis chez moi ! Et vous, non !

-Ne me provoquez pas Vorkalter, il vous en coûterait beaucoup.

-Ah oui ? Et qu'allez vous faire ? Tentez quoi que ce soit et mes gardes n'hésiteront pas un instant à vous abattre !

-M'abattre ? Vous oseriez tirer sur un officier supérieur Martien et un membre du gouvernement provisoire sans réfléchir ? Je vous savais impulsif mais pas à ce point.

-Votre ironie ne me plaît guère, général Hanrel. Présentez vos excuses avant que je ne vous fasse payer votre insolence ! »

Discrètement, ayant toujours les mains sous le bureau, le Martien régla à l'aveugle son pistolet sur les tirs paralysants.

« Et comment comptez vous me faire payer quoi que ce soit, stupide écervelé ? »

Le Catysmope mit la main à son fourreau et dégaina son sabre avant de le lever au dessus de la tête du Martien. Ce dernier en profita pour sortir l'arme de sous le bureau et ouvrit le feu à trois reprises, au moment où son adversaire comprenait qu'il était tombé dans le piège. Il se figea tout droit et tomba sur le bureau. Hanrel rattrapa les épaules de l'alien afin qu'il ne s'écrase pas la tête la première contre le meuble puis fonça vers la petite porte qui était sur le côté de la pièce. A peine l'avait-il refermée que le servant de l'ambassade pénétrait par la porte principale. Le général bloqua la petite porte puis se mit à courir dans les escaliers qui permettaient de relier tous les étages. Arrivée au deuxième, il entrouvrit délicatement la porte et jeta un rapide coup d'œil. La pièce n'était occupée que par la femme de l'ambassadeur et un officier Catysmope. S'engouffrant dans la salle, il pointa son arme vers le militaire, qui très prompt, en fit de même.

« Ne bougez pas, et ne faites aucun bruit.

-Vous ? Je vous reconnais. Vous êtes le général qui s'était introduit ici, vous avez dîné avec mon mari. Quelle est cette histoire ?

-Madame, dites à cet officier de poser son arme, et je vous expliquerai tout.

-Hors de question. C'était le chef de la sécurité de mon mari, et il est aujourd'hui le mien. Vous n'avez rien à craindre de lui tant que tout se passe bien avec moi, mais il ne baissera pas son pistolet.

-Soit. Vous êtes donc au courant ?

-Oui. Le général m'a expliqué que mon mari avait été tué en mission. Comment est-ce arrivé ?

-Je n'en ai aucune idée. Moi-même, je ne le savais pas avant aujourd'hui.

-Ce sont ces Terriens, n'est ce pas ?

-Cela me semble difficile. Un de leur capitaine était avec votre mari lorsque c'est arrivé.

-Et bien voilà. Il a renseigné ses amis et ils ont tenu un piège. Tout est désormais clair !

-Certainement pas, veuillez m'excuser. Ce Terrien là m'a côtoyé pendant deux mois, a pris beaucoup de risques et a un grand sens du devoir. Je l'estime beaucoup et je sais qu'il n'aurait pas vendu votre mari. S'il s'est passé quoi que ce soit, il est certain qu'il ne pouvait pas en être au courant. Et il est aussi probable que... »

Hanrel cessa de parler et se mit assis sur le siège qui était à côté de lui. Sa mine se faisait sombre et il semblait réfléchir, tandis que les deux Catysmopes le regardaient toujours. L'officier rangea alors son pistolet, sans même regarder l'ambassadrice. Celle-ci s'approcha du général.

« Ne vous en faites pas. Je suis certaine que votre ami va bien. Vous n'avez pas encore pu le contacter ?

-Il était censé m'appeler avec le communicateur de votre mari en arrivant, mais il n'a probablement pas eu l'occasion de le récupérer.

-Ce que vous me dites pourrait me laisser envisager le pire. Mais je crois sincèrement que ce n'est pas le cas.

-Je vous remercie. Et je suis réellement navré pour monsieur l'ambassadeur. Il était bon.

-Pour quelqu'un de notre espèce, oui. Nous avons toujours su dans notre famille avoir un esprit un tout petit peu moins fermé que nos compatriotes. Prenez Vorkalter par exemple. Vous ne tirerez aucune émotion de lui.

-Oh, celui-là. Je l'ai paralysé avec mon arme il y a quelques minutes, pour vous dire la vérité. Je ne savais pas comment le gérer.

-Vous avez quoi ? Bon sang, mais ils ont déjà dû le trouver ! Le temps qu'ils le réveillent, et toute l'ambassade sera fouillée. Vous n'aurez aucun endroit où vous cacher !

-Pourquoi voudriez-vous que je me cache ? Vos hommes me cherchent.

-Parce que mon mari vous a aidé, et qu'il vous a fait confiance. C'est suffisamment rare pour être significatif. Capitaine, conduisez le général dans mes quartiers avec une discrétion absolue et cachez le dans... Ma garde-robe, tenez ! La cachette est parfaitement inattendue, d'autant qu'il faut passer une vingtaine de gardes pour accéder à ma chambre par la grande porte.

-Le dernier endroit où un homme recherché pourrait aller. »

Tandis qu'Hanrel était dissimulé, le commandant Nazar venait d'arriver en avance avec son transport. Il donna l'ordre de le garer à deux pas de l'ambassade et se présenta à la porte, demandant à rejoindre le général Hanrel sur sa demande personnelle. Mais les gardes lui refusèrent le passage, affirmant que ledit général ne s'était pas présenté ici depuis la nuit du coup d'Etat. Après avoir insisté sans succès, le Martien s'éloigna et rejoignit son véhicule. Il entra en communication avec le Quartier Général, et ce fut le commandant Varong qui répondit.

« Un problème, Luju ?

-Un peu, oui. On refuse de me laisser entrer et on soutient que le général n'est pas venu.

-Qu'est ce que c'est que ce foutoir encore ? J'ai vraiment un mal fou à les supporter ceux-là. Je suis sûr à deux cent pour cent qu'il ne faut pas les croire.

-Je partage ton avis, et c'est bien pour cela que je t'appelle. Je crois que je vais avoir besoin d'un peu de renfort.

-A quoi tu penses ?

-Une intervention dans quarante minutes, à onze heures précises.

-Sur une ambassade ? Tu n'as pas peur.

-Allez, où est le mal ? Tu ne vas quand même pas te dégonfler alors qu'Hanrel est peut-être coincé là dedans ?

-Je veux bien te suivre, mais il nous faudrait être certains qu'il y est vraiment. Je me vois mal arriver dans une ambassade en tirant dans tout les sens pour finalement devoir admettre que l'on a fait erreur.

-Qui te parle de tirer dans tout les sens ? Si on s'en sort bien, il n'y aura même pas besoin de tirer un seul coup de feu.

-Qu'est ce que tu vas encore nous inventer ?

-Un petit tour assez amusant. Mais pour cela, il va falloir agir très vite. »

*

15 septembre 2115, 10:30

Campement Terrien

Malgré le temps écoulé depuis l'action de Buton, rien n'avait encore été reconnu par les officiers responsables de l'opération. Les Catysmopes ayant retiré tout leurs corps et brûlé sur place ceux des mercenaires Terriens, il ne restait plus aucune trace du combat. Même l'épave du véhicule de transport avait été reprise par les Martiens avant que des hommes ne viennent constater ce qui avait bien pu se passer. Les petits morceaux de métal au sol ne suffisaient pas. Les accusations de Tenson ne pouvaient plus être prouvées et l'Américain s'en retrouvait renforcé. Il faisait courir le bruit que le capitaine était fou de rage qu'un autre officier soit en charge de Columbus et qu'il avait tenté de l'écarter. Même si l'immense majorité ne voulait pas y croire, l'hypothèse les frappait tout de même. A chaque fois que le Britannique rencontrait Buton, ce dernier prenait plaisir à se vanter et à le regarder de haut, devant ses hommes, les siens ou même les autres officiers. Ce matin là, le mercenaire était en train de déposer un rapport dans la navette de commandement, lorsque Tenson entra. Il se retourna et esquissa un rictus en le voyant devant lui.

« Tiens donc. capitaine Tenson. Toujours aussi heureux de vous voir.

-Moi de même. C'est toujours un plaisir de discuter avec quelqu'un comme vous.

-J'en suis certain. Vous devez avoir beaucoup de choses à apprendre de moi.

-Je pensais plus à constater votre sinistre incompétence doublée d'une certaine stupidité, mais votre hypothèse pourrait être juste. Je pourrais par exemple apprendre ce qu'il ne faut pas être, en l'occurrence un homme comme vous.

-Je croirais avoir le Français devant moi. C'est vous qui lui avez appris à répondre comme ça ?

-Henri a suffisamment de répartie pour s'en sortir seul. Et à ce qu'il m'a raconté, ce n'est pas la première fois qu'il a à le faire avec vous. J'espère que vous n'avez plus mal depuis la dernière fois qu'il vous a corrigé.

-Vous êtes aussi arrogant que lui.

-Arrogant ? De votre part, je pense que je peux ne pas faire attention à ce genre de commentaires.

-J'ai une question, Tenson : dans quel camp êtes vous ?

-Pas dans le vôtre.

-Je travaille pour la Terre.

-Non. Vous travaillez d'abord pour vous, puis pour les quelques personnes qui vous payent. Pas toujours pour faire le bien, soit-dit en passant.

-C'est, hélas, la triste vie des gens honnêtes qui travaillent.

-Vous voulez me faire croire que vous êtes honnête ? Vous êtes un lâche et un idiot, monsieur.

-Ayez un peu plus de respect pour votre officier, capitaine Tenson.

-Mon officier ?

-Au cas où vous ne le saviez pas, j'ai été nommé capitaine responsable de l'opération Columbus. Ce qui signifie que je vous remplace et que vous êtes sous mes ordres. Peut-être devrais-je en parler à l'ingénieur-chef. Il n'a pas du faire le lien entre ma promotion et le fait que vous pouvez donc être mis aux arrêts par moi-même. Je crois que je vais y penser en sortant de cette navette.

-Vous comptez en sortir ? »

L'américain perdit alors son sourire, et Tenson s'approcha à portée de coup :

« N'oubliez jamais une chose, Buton. Il n'y a qu'un seul capitaine dans l'expédition Columbus, et c'est moi. Ou alors, il va falloir tenter de me tuer. »

Son adversaire souffla du nez et eu un sourire narquois. Il gardait la main sur la crosse de son pistolet. Tenson sortit de la pièce et referma la porte. Il adressa un sourire aux gardes à la sortie qui ne se doutaient de rien et alla voir Henri.

« Lieutenant ? Je viens de menacer Buton.

-Ah. Vous aussi ? Je l'ai fait deux fois, alors il a un peu arrêté de m'attaquer depuis. Il laisse tranquille Abdelkrim par la même occasion.

-Ah oui, Abdelkrim. Je suis content que des gens comme elle fassent partie du projet. Nous devons nous arranger pour que ce soit elle ou les officiers de Cook qui soient écoutés par le gouvernement. Ravishna et Buton ne font que mettre des bâtons dans les roues. Taizhong m'interroge également. Il a toujours été plus froid et plus distant que les autres mais... J'ai l'impression que la situation le gêne. Il ne sait pas trop dans quelle direction aller.

-Vous devriez parler avec lui en privé. Il doit avoir beaucoup de questions et ce n'est pas un mauvais bougre. Rassurez le.

-Vous avez totalement raison, Henri. Il va falloir manœuvrer. Et avec prudence. »

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