Chapitre 21 : Intrusion

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8 septembre 2115, 10:00

Loyva

Palais Royal, salle du Conseil

A présent que le calme était revenu dans la capitale, que le Conseil avait été dissous et que les forces de sécurité s'étaient ralliées plus ou moins vite à l'Armée, le général Hanrel avait convoqué le nouveau Conseil, composé de militaires qui avaient sa confiance. Dans une atmosphère assez joyeuse, les nouveaux responsables entraient dans la pièce et allaient s'installer à leurs tables respectives. Après un moment de silence solennel, Hanrel prit la parole :

« Messieurs, si vous êtes en ce jour en ce lieu, c'est que vous avez été désignés pour reprendre en main notre planète. L'inaction et la peur du précédent régime n'ont apporté que division et faiblesse à notre peuple, sans que quiconque ne s'organise pour réagir. Nous avons ensemble décidé de le faire, et aujourd'hui, nous avons réussi. Nous n'avions aucun projet de renverser le Conseil déjà existant, mais les évènements se sont déroulés de façon soudaine et nous avons du réagir en conséquence. Cela nous est profitable, car désormais, nous pouvons remettre d'aplomb notre Mars si chérie, sur tous les plans. Pour cela, nous avons réorganisé l'ensemble du gouvernement. Je vais donc appeler chacun d'entre vous afin de lui donner la fonction qu'il occupera pour une durée encore indéterminée. L'amiral Nox et moi-même seront tout les deux à la tête du ministère de la Défense. Commandant Podamis : délégué de l'Intérieur. Commandant Koggs : délégué des renseignements. Commandant Nazar : délégué de l'économie et du commerce. Commandant Varong : délégué à la diplomatie. Le commandant Zalos est nommé délégué de la culture, mais l'intérim sera assuré par le capitaine Lamaas. Nous avons plusieurs projets à réaliser au plus vite. Premièrement, nous devons travailler d'arrache pied pour localiser le commandant Zalos et le lieutenant Federico. Il faut absolument les récupérer au plus vite. Deuxièmement, l'envoi d'une nouvelle ambassade au campement Terrien. Le capitaine Tenson retournera chez les siens ainsi que de l'ambassadeur Catysmope, à qui nous avons expliqué la situation. Finalement, il accepte de dialoguer avec les nouveaux venus, mais insiste tout de même pour être escorté. Nous n'y voyons pas d'inconvénient. La troisième chose est plus ambitieuse. A présent que nous avons supprimé ce qui avait causé la sécession d'une grande partie de notre planète, peut-être pourrions nous tenter de convaincre ces populations de revenir à nous. Nous pourrions réunifier Mars et rétablir un ordre et une cohésion totale, ce qui est notre but à tous. L'amiral Nox supervisera cette seconde opération. Le but ultime messieurs, est de remettre le pouvoir à des autorités civiles. Mars restera libre et indépendant. Enfin, une dernière chose. Nous aimerions soumettre à votre vote la remise de l'Ordre d'Honneur Martien aux deux officiers Terriens qui nous ont grandement aidés. Si vous acceptez, nous remettrons les deux médailles au capitaine Tenson, qui se chargera de remettre celle de son lieutenant en mains propres. Alors messieurs, qui est contre ? Qui s'abstient ? »

Personne ne leva la main, et les regards aimables se tournaient vers le capitaine, resté dans un coin de la pièce.

« Je vous remercie. Capitaine ? Pourrais-je vous demander de vous avancer au centre de la pièce ? »

Le Terrien contourna donc les tables et alla se placer exactement au milieu, entre les tables, en face du général. Ce dernier reçut deux médailles de la part d'un subalterne, puis les donna à son ami, qui les prit avec reconnaissance. En voyant la médaille au nom de Federico, il s'inquiéta encore pour elle, ne sachant pas où elle était. Puis il sortit de la salle, Hanrel clôtura la séance, et tout le monde repartit à ses occupations. Tenson se rendit à l'ambassade Catysmope et fût reçu par l'ambassadeur qui les attendait déjà.

« Et bien capitaine. On peut dire que vous m'avez bien eu, avec votre général. J'aurais juré que vous étiez également un Martien. Bien. Je n'irais pas par quatre chemins. Vous m'avez parfaitement entendu parler de votre peuple, de votre planète, et tout le monde sait ce que les habitants d'Orthor pensent à ce sujet. Malgré tout, j'accepte de rencontrer vos supérieurs pour tenter d'établir un contact neutre.

-C'est très honorable de votre part. Je serais fier de vous accompagner et de vous les faire rencontrer. Quand voudriez-vous partir ?

-Dès demain. Le plus tôt sera le mieux, il n'y a pas besoin d'attendre une éternité.

-Alors nous partirons demain, aux premières lueurs. Nous prendrons le Vélocide pour la résidence du gouverneur de notre région, et de là nous nous rendrons à mon campement. Le chemin est court et nous pourrons demander à ce que l'on nous prête un transport pour l'occasion. Un transport normal suffira, de combien d'hommes est composée votre escorte ?

-Une demi-douzaine de gardes d'honneur et une dizaine de machines de combat.

-Sauf votre respect, ambassadeur, l'arrivée d'une quinzaine de combattants à notre campement risque de susciter beaucoup d'émotion. Nous sommes braves mais comprenez que nous ne sommes pas nombreux et en territoire étranger, aussi mes amis sont quelque peu sur leurs gardes. Ils 

-J'accepte de retirer les machines, mais la demi-douzaine de gardes est l'escorte traditionnelle des ambassadeurs sur ma planète. Je la maintiens, ou vous pouvez oublier votre processus d'entente.

-Alors, conservons les gardes, soit. Cela sera amplement suffisant pour une simple visite diplomatique. »

Pendant que Tenson s'entretenait avec l'alien, le général laissait la parole à l'amiral Nox au Quartier Général de l'Armée, afin qu'il explique comment il comptait procéder pour rallier les provinces qui faisaient sécession depuis quatre siècles :

« Si tout se passe comme prévu, il n'y aura aucune complication. Je me rendrais personnellement dans les provinces sécessionnistes avec le général Hanrel, et nous engagerons le dialogue avec les responsables de ces populations. Nous leur expliquerons tout ce qu'il s'est passé et tout ce que nous voulons faire pour redresser notre foyer. Normalement, ils devraient  revenir dans la voie de la raison, nos objectifs étant désormais les mêmes que les leurs. Au cas où certaines provinces refuseraient de se rallier, nous ne pourrons qu'attendre. En voyant les autres nous rejoindre, les plus fermes pourraient changer d'avis. Et s'ils tentaient de réagir violemment, il faudra repartir immédiatement. Quoi qu'il en soit, la violence ne doit être employée à aucun moment : c'est une réunification qui doit se faire de la façon la plus pacifique possible. Chaque officier recevra ses ordres dans la journée. Nous commençons dès demain matin. »

Les hommes se dispersèrent, puis les deux grands officiers rejoignirent une équipe d'opérateurs, qui scannaient chaque parcelle des planètes voisines pour réussir à repérer les deux militaires manquants. Mais malgré les recherches les plus assidues, on n'avait toujours pas de nouvelles.

*

8 septembre 2115, 11:00

Palais des Nuages

Pourtant, il n'était guère besoin de s'inquiéter pour eux. La lumière du jour déjà présente depuis plusieurs heures commençait à les réveiller. Federico ouvrit les yeux et, comme toujours, se retournait encore à moitié endormie pour tâter le lit et trouver son pistolet, toujours à ses côtés.  Les rideaux laissaient passer des filets de lumière qui illuminaient la pièce et donnaient une impression presque céleste à la chambre. Elle se leva, revêtit son uniforme et observa par la fenêtre les jardins. Etonnamment, les arbres commencèrent à se balancer, comme soufflés. Elle vit alors au dessus d'eux un vaisseau se rapprocher et se poser à l'entrée du Palais. Il était de même apparence que le palais : au style très fin, doré. Sa forme de pointe était surplombée par une bulle transparente qui servait sûrement de cockpit. Elle était rassurée : des gens venaient les chercher. Elle alla jusqu'à la porte et se dirigea vers la chambre de Zalos. Elle toqua et à peine avait-il ouvert qu'une voix forte se mit à résonner au rez-de-chaussée.

« Trahison ! Les portes du Palais sont ouvertes ! Quelqu'un est venu ici ! Gardes, fouillez de fond en comble le domaine ! Dedans, dehors, rien ne doit être laissé sans être minutieusement fouillé ! »

Aussi rapidement, les deux soldats se regardèrent et se rendirent en haut des escaliers afin d'épier ce qui se passait. Ils virent des dizaines de machines qui envahissaient le bâtiment et qui commençaient à fouiller toutes les pièces inférieures. Zalos retourna se saisir de son arme tanis que Federico dégainait la sienne et s'apprêtait à le couvrir. Ils se dirigeaient ensuite vers l'armurerie, afin d'avoir en leur possession un armement plus efficace que deux simples pistolets à suppresseurs. Mais alors qu'ils arrivaient au bout du couloir, la voix cria de nouveau :

« A l'étage, il y a deux intrus ! Arrêtez-les sur le champ ! »

Aussitôt, toute les machines abandonnèrent leurs fouilles et convergèrent vers les escaliers. Arrivés au sommet, ils reçurent quelques tirs de la part de Zalos, tandis que Federico se chargeait d'ouvrir la porte de la réserve d'armes. Lorsque ce fut fait, ils entrèrent et se munirent de fusils d'assaut, avant de se poster à l'entrée. Les machines qui arrivaient en colonne et en rangs serrés essuyaient une mitraillade intense qui les empêchait de combattre efficacement. Mais un second groupe passait de l'autre côté des escaliers, le tout devant se rassembler pour prendre d'assaut la pièce. Les tirs fusaient et les deux officiers étaient étouffés par un feu aussi dense. Ils préférèrent donc fermer la porte afin de bloquer l'attaque de leurs ennemis. La lourde porte blindée pivota et bloqua totalement l'issue. On pouvait entendre les tirs des machines qui tentaient de faire exploser les serrures.

« Alors là, ils auraient vraiment pu choisir une autre approche.

-Carmen, il faut trouver quelque chose pour nous sortir de là.

-Si nous nous retranchons dans le fond de la salle et que nous piégeons l'entrée, nous devrions pouvoir enrayer leur assaut.

-Comme les autres officiers le jour où nous nous sommes rencontrés. J'aime l'idée. Leur chef se verra contraint de négocier avec nous, et nous serons dans une position plus équilibrée. De façon assez nuancée, certes, mais tout de même.

-Alors c'est parti ! Cela faisait un petit moment que je ne détruisais pas deux ou trois machines de combat. »

*

8 septembre 2115, 11:30

Campement Terrien

L'expédition Cook étant arrivée, la ministre de la recherche Petrov se mettait en relation avec les officiers responsables, à savoir le colonel Ricardo et le capitaine MacGregor. Ravishna avait pris la parole en premier, avant que Ricardo n'arrive, et avait expliqué que celui-ci l'avait presque démis de ses fonctions pour le remplacer et diriger l'opération Gaïa sur le terrain. La ministre remit alors les choses au clair :

« Certainement pas. Colonel Ricardo, je suis navrée de vous contredire, mais le seul et unique responsable supérieur  de l'opération à la surface Martienne est l'ingénieur-chef. Je constate que la hiérarchie n'est pas claire avec le nombre d'officiers récemment arrivés. Au sommet, je vous répète que vous avez Ravishna. En deuxième le colonel Taizhong, égal à votre personne. En troisième, le capitaine Buton, chargé de la sécurité avec ses hommes. Puis les capitaines Tenson et MacGregor ainsi que la docteure Abdelkrim, tous à égalité. Et enfin les différents lieutenants. Colonel, vous obéirez scrupuleusement aux ordres de monsieur l'ingénieur-chef, qui est compétent et sérieux.

-J'ai bien compris Madame.

-Bien, passons aux nouvelles habituelles. Toujours rien sur nos officiers disparus ?

-Toujours rien, d'après les rapports que j'ai lu. Aucune avancée avec les locaux non plus. Ils ont même arrêté de venir essayer de nous contacter.

-Je n'aime pas cela. C'est mauvais signe. Capitaine Buton ?

-Oui madame la ministre ?

-J'ai lu que vous aviez repéré de nombreuses positions pour d'éventuels avant-postes.

-C'est exact. Nous avons balisé tous les alentours du campement, et nous sommes prêts à établir ces fameux points de sécurité.

-Vous allez devoir commencer. Dès demain matin, vous protégerez la route qui relie votre camp et celui des autochtones. Faites attention à ce qu'ils ne s'en prennent pas à vous, alors soyez en force. Souvenez vous que vous êtes menacés.

-Nous ne l'oublions pas. Je rassemblerai mes hommes demain matin et le premier avant-poste se fera sans encombre.

-Excellent. Si par hasard les locaux tentaient à nouveau de reprendre le contact, veillez à exiger des réponses quant à nos officiers disparus. Cette situation devient de plus en plus intolérable. Evidemment, nous accélérons toujours nos procédures sur Terre. Ceci étant dit, bonne continuation, et continuez de m'envoyer vos rapports. Petrov, terminé. »

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