Retour au bercail

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Après avoir montré les chambres et la salle de bain à Andrew et Mike, j'ai retrouvé ma chambre de jeune fille qui n'a toujours pas bougée d'un iota.Toujour le lit en fer blanc, et les meubles en rodin. J'enfile un jean et un t-shirt pour aller aider ma grand-mère à préparer le dîner, avec trois autres bouches à nourrir ça lui donne du travail en plus. Même si elle est encore pleine de vie elle n'a plus vingt ans et ca me fait plaisir de passer un peu de temps dans la cuisine avec mon aïeule comme avant. C'est grâce à elle que je sais cuisiner autre chose que qu’un œuf sur le plat. C'est elle aussi qui connaît mes secrets, qui a écouté mes peines et mes joies, qui m'a encouragé à faire mon droit à Harvard, à vivre la vie que j'ai toujours voulu. J’épluche les pommes de terres pour faire de la purée pendant qu'elle prépare les poulets rôtis à mettre au four.

— Alors ma puce, comment ca va avec ton patron ?

— C'est ma première journée aujourd'hui alors je te dirais ça dans quelques jours. Je ne vois pas comment ca n'irait pas.

— Il est plutôt mignon. Ajoute-t-elle.

Je lève les yeux au ciel. Je préfère ne pas répondre, ce que je veux d'Andrew Cooper c'est son savoir et pas une histoire d'amour, je n'ai le temps pour ça. J'aime bien ma liberté depuis que j'ai fini mes études, je sors quasiment tous les samedis soirs. Je découvre enfin la vie d'une jeune new-yorkaise : les bars, les discothèques, les cinémas, les soirées culturelles, les vernissages, les musées... Je n'ai pas envie de me faire emprisonner dans une relation avec qui que ce soit, profitons un peu de la vie.

— Est ce que nous pouvons faire quelques choses ? Demande Andrew qui entre dans la cuisine avec Mike.

— Non c'est bon tout est en train de cuire. On peut prendre l'apéritif sur la terrasse arrière ? Qu'est ce que vous buvez ?

— Une bière. Répondit Mike

— Un bourbon sec. Préfère mon boss.

Pendant qu'il sorte de la pièce pour rejoindre l'arrière de la maison, je prépare leur boisson, ainsi qu'une vodka à l'orange pour ma grand-mère et un thé glacé pour moi. Je ne bois que très peu et c'est plutôt lors de fête que je me laisse un peu aller. Je leur apporte ça pendant que ma grand-mère surveille le poulet un moment. Je m’assois en face des deux hommes, j'installe le verre de ma grand-mère devant la chaise à côté de moi.

— Emmy je voulais vous féliciter pour le rendez-vous avec les Dawson cet après-midi, pour avoir su gérer leurs émotions et leurs doutes tout en restant sur un ton professionnel.

— Merci Monsieur.

— Et si vous m'appeliez Andrew pendant les heures hors bureau.

— D'accord. Mike je donne une leçon d'équitation à Andrew demain matin, ca vous dit de vous joindre à nous.

Ce dernier manque de s'étouffer avec sa bière, il me fait non d'un signe de main.

— Je suis un amateur de chevaux sous le capot ou à la limite dans mon assiette en sauce mais ça s’arrête là.

— Vous êtes abject, pauvres bêtes. Rétorquais-je, dégoûtée.

—Vous êtes végétarienne ? Demande alors Andrew.

— Non mais je ne mange pas les chevaux, ni les lapins, elles sont tellement adorables ces bêtes. Je ne peux pas les manger c'est complètement impossible.

Ma grand-mère vient nous rejoindre enfin, elle s'installe à mes côtés. Elle trinque avec nous. J'ai l'impression qu'elle a un peu trop vieillit a cours de ses derniers mois, son visage est marqué par la fatigue.

— J'espère que ton père ne vas pas trop tarder, une bête s'est blessée dans le pâturage au bord de l'étang. Sinon le poulet va être trop sec.

— Je peux aller le chercher si tu veux. Dis-je d'une vois la plus innocente possible.

— Dit plutôt que tu meurs d'envie d'aller faire un tour à cheval. Avoue que ca te démange.

— Oui c'est vrai. Vivement demain, je vais me lever très tôt pour aller me promener au levé du jour. Ca me rappellera des bons souvenirs.

C'est alors qu'on entend une porte claquée et des talons de bottes sur le plancher de la cuisine. J’entends le frigo couiner à son ouverture avant d'entendre les pas à nouveau venir vers nous.

— Bonsoir ! On peut dîner quand tu veux maman.

— Alors et la bête papa ?

— Je ne pouvais rien faire malheureusement, j'ai été obligé de l'abattre pour qu'elle ne souffre plus. Elle est au paradis des chevaux maintenant.

Un silence spontané se fait autour de la table pendant un bref instant. Puis je vais aider ma grand-mère en cuisine et je prépare la purée. Je veux la soulager un peu ce soir et qu'elle se repose, je la renvoie s'asseoir à table pendant que je termine. Je sors les assiettes et les couverts, je chantonne une vielle chanson : I'm so excited des Pointer Sisters. J'ai toujours eu l'habitude de chanter en cuisinant, la radio est toujours sur une station qui passe des vieilles chansons. Je me déhanche sur quelques notes en même temps.

— Je vois qu'on a pas besoin d'aide ici.

Je sursaute de peur avant de me retourner.

— Andrew si vous voulez me faire mourir de peur, continuer comme ça.

— Désolé je viens juste voir si vous avez besoin d'aide.

— Oui je veux bien si vous voulez prendre ces assiettes et les couverts ils sont prêts et je ramène les plats sur la table.

Il prend les assiettes dans ses mains quand je m'aperçois que je l'ai pas encore remercier pour la visite ici.

— Andrew je voulais vous remercier d'être passer ici, même si ce n'était pas censé être un passage aussi prolongé.

— Je sais ce que sais d'être loin des personnes qu'on aime, profitez autant que vous le pouvez.

Je souris en le regardant partir, bizarre comment cette phrase résonne dans sa bouche. Encore un mystère à résoudre concernant le grand Andrew Cooper, la liste est déjà longue pourtant. J’emmène les plats à table avant de regagner ma place. Mon père prononce le bénédicité, le même depuis aussi longtemps que je me souvienne, je le connais par cœur :

Seigneur ! Bénis sois ceux assis autour de cette table, nous te remercions pour cette nourriture. Nous te demandons de veiller sur nos animaux cette nuit et de les protéger. Amen

C'est simple, court et efficace. Les gens sont plutôt très croyant par ici et mon père ne déroge à aucune règle du seigneur, tous les dimanches il est à la messe et j'ai plutôt intérêt d'y aller moi aussi quand je suis à la maison sinon il arrive un tremblement de terre dans ma chambre.

Le repas se déroule dans la bonne humeur, ma grand-mère accapare Mike depuis qu'elle sait que c'est un ancien militaire. Elle aime toutes les histoires des anciens combattants. J'ai même l'impression que cela plaît à Mike de raconter toutes ces histoires et de ce faire passer pour un héros qui sauve ses camarades en Irak. Je me demande s'il n'en rajoute pas un peu. De son côté, mon père parle du prix du bétail à Andrew qui à l'élégance de s'y intéresser, il sourit et pose des questions. Je préfère ça plutôt qu'il raconte des histoires de moi quand j'étais adolescente, parce qu'il y en aurait à raconter. Comme le jour ou mon père m'a trouvé avec des amis en train de boire des bières à 15 ans ou quand j'ai fait des mèches roses.

— Ma chérie, est-ce que ça va ? Tu ne dis rien. Demande mon père.

— Oui... Je... J'étais dans mes pensées c'est tout. Tu sais je ne pense pas que ca intéresse vraiment Andrew le prix des bêtes.

— Au contraire, c'est important de savoir comment va le pays. Ca permet de comprendre un peu la sociologie.

— C'est une manière de voir les choses, mais à New-York je ne suis pas sur que ça serve à grand chose.

Je reste sure cette mini pique et je me lève pour débarrasser mon assiette dans la cuisine. Je commence à ranger un peu la cuisine, à mettre des plats ou des ustensiles dans le lave-vaisselle quand mon père entre dans la cuisine avec les assiettes sales et les plats vides.

— Attention toi, n'oublie pas que c'est ton patron. C'est pas le copain du coin, soit respectueuse tu veux.

— Promis. Dis-je en soupirant. Ça va c'était pas grand-chose non plus

Mon père repart à table pendant que je range tout ça et que je mette la machine en route. Je prépare du café puis le plateau pour tout emmener sous la véranda et la tarte aux pommes de ma grand-mère dans le réfrigérateur. Je sors sous la véranda quand un léger vent m’accueille, ça se refroidit avec le soleil couchant à l'horizon.

Après avoir servi tout le monde, Andrew plonge ses yeux dans les miens en souriant en coin. Je me demande à quoi il pense à cet instant précis. Est-ce que je dois me méfier ou pas ? J'ai peut-être eu la langue un peu trop pendu tout à l'heure. Je verrais, au moins il voit que je ne serai pas une carpette où il pourra frotter ses chaussures à 5000 balles. Si j'ai envie de dire quelques choses, je le dis c'est tout, mon prof de droits pénal m'a toujours dit que je devrais tourner ma langue sept fois dans ma bouche avec de parler, que je devais apprendre à me tempérer. Chassez le naturel, il revient au galop ! Cette expression me colle parfaitement à la peau et j'en suis assez fière, c'est pour ça que j'apprécie les personnes particulièrement honnêtes dans mon entourage.

La tarte a fini de remplir le ventre de tout le monde et la fougue des conversations c'est calmé, normale c'est l'heure de la digestion après cet excellent repas. Mon père et ma grand-mère sont les premiers à quitter la table pour finir leurs dernières tâches de la journée avant qu'ils se reposent enfin. Mike va s'asseoir devant la télé et il ne reste plus que lui et moi à table.

— Pardon pour toute à l'heure, je me suis laissée un peu trop emporter.

— Ce n'est rien, j'aime quand les gens parlent franchement, c'est rare de nos jours. Nous sommes entourés par tellement d'hypocrite.

La-dessus je ne vais pas le contredire. Je n'ai vraiment pas envie de rester assise là en tête à tête avec lui, pas à cette table en tout cas.

— J'ai envie d'aller faire un tour ça vous dit ?

— Si vous voulez, je vous suis.

Nous partons tout les deux parcourir la propriété, je l’emmène du côté des enclos ou il y a des chèvres et des poules. C'est silencieux, la nature est apaisante. Les enclos ont apparemment été refait à neuf il y a peu, il faut dire qu'il y en avait bien besoin depuis le temps. Le bois commençais à pourrir. Puis j'entame la conversation, un peu curieuse.

— Ce n'est pas grave l'avarie sur l'avion ?

— Non pas du tout. Un problème de fuite de kérosène, ils vont changer une pièce c'est tout, mais il n'en avait pas sous la main. Nous partirons après la fête de votre famille. Nous aurons un peu de retard à rattraper mais à deux ca devrait aller vite.

— Je vous remercie de votre confiance. J'espère que vous n'aviez rien de prévu ce soir. Je sais que vous participez à beaucoup d’événements mondains.

— Non, je n'avais rien de prévu et je dois dire que c'est ressourçant de passer du temps ici, loin de la ville.

— Ca on n’a jamais rien inventé de mieux, à part peut-être les tropiques et les mojitos. Tropique que je m'empresserais de visiter dès que j'aurais finis de rembourser mon prêt étudiant.

— Law ne vous a pas dit que l'on va vous remboursera votre prêt étudiant en échange de cinq années de dures labeurs !

Je réfléchis un instant a ce quart d'heure passé avec son associé, mais je ne me souviens pas qu'il m'est parlé de ça. Peut-être a t-il oublier ?

— Non. Il m'a parlé d'une année de travail à vos côtés, mon contrat n'est valable qu' une année.

— Il a tout compris de travers, la prochaine fois je m'occuperais de ça moi-même. Je vais faire ajouter un avenant à votre contrat.

— Vous avez la réputation de briser des carrières.

Je regarde son visage qui grimace en guise de réponse, mes dents mordillent ma lèvre sans que je m'en rende vraiment compte. Ses tics sont craquants.

— C'est vrai, mais quand ils ne sont pas compétents je ne peux pas faire autrement. Je ne peux rien faire s'ils ne connaissent pas un minimum leur cours de droits. Je sais bien qu'on peut utiliser les livres de droits pour préparer ses procès, mais il faut moins connaître les plus articles dont on se sert tout le temps c'est au moins le B. A-BA.

Il n'a pas tord alors je me demande comment ils ont pu avoir leur diplôme, parce qu'il faut les connaître pour passer son examen. Peut-être qu'il y a eu de la fraude pendant les épreuves. Je caresse la chèvre qui viennent vers moi en souriant quand une rafale accompagnée de poussière texane nous balayaient de plein fouet. Pendant que les gouttes commencent à nous tomber.

— Venez on va se mettre à l'abri dans la grange le temps que ca se calme.

J'attrape son bras et l’entraîne à quelques mètres de là dans le bâtiment, j’entends Andrew rire derrière moi. L'averse est rude. Je suis trempée avec mon t-shirt. Ce genre de surprise arrive de temps en temps, en général ca ne dure pas longtemps. Je ferme la porte derrière lui.

— On va tomber malade si on reste comme ça.

J'enlève mon t-shirt, j'ai un petit maillots à bretelles en-desous, il est un peu humide aussi mais tant pis. Je le regarde dans les yeux un instant. Andrew me regarde tout aussi intensément pendant qu'il enlève sa chemise. Il étend sa chemise près de mon maillot. Les courants d'airs sont contenus mais il ne fait pas bien chauds quand même avec la peau mouillée j'ai déjà la chair de poule. Andrew s'approche avec les bras tendus vers moi.

— Venez dans mes bras pour vous réchauffer.

J’hésite un bref instant mais je finis par aller me blottir dans ses bras. Je me colle contre sa peau puis passe mes bras autour de sa taille pour y mettre du mien. Quand un coup de tonnerre éclate au-dessus de la grange je sursaute.

— C'est rien. Je te protège. Murmure-t-il.

Je souris à son tutoiement. Remarquez vu la situation, je pense que rien ne s'y oppose plus. Je pose ma joue contre son épaule, mes doigts font le tour de ses muscles dans le dos. L'atmosphère entre nous est chaude.

— Tu as la peau douce. As-tu assez chaud ?

— Oui ca va.

Je lève les yeux vers lui en souriant, il m'embrasse. Son baiser est une caresse, je lui rends son baiser tendrement. C'est tout un poids qui s'enlève de mes épaules, jamais personne au monde ne m'avait embrassé comme ça. Je me détends et soupire d’apaisement, j'agis sans réfléchir c'est bien la première fois que mon cerveau est en mode off.

— Il va falloir qu'on s'en aille de là avant que je te fasse goûter au plaisir du foin. Plaisantais-je

— Je ne suis pas un homme facile.

— Ce n'est pourtant pas ce que disent les journaux, à chaque fois au bras d'une autre vous êtes un tombeur.

Il soupire profondément et le sens légèrement agacé.

— Il ne faut pas croire tout ce qu'ils racontent. Depuis que ma femme est morte il y a trois ans je n'ai jamais eu de vraie relation stable dans ma vie.

— Je ne savais pas.

Comment ca se fait que personne n'en parle alors? De cette femme morte. Ca devrait être mentionné dans ses biographies sur Internet. Je décide de me taire pour ne pas faire ma curieuse et de deux pour ne pas lui faire de la peine quand je vois son regard triste. C'est un sujet sensible visiblement.

— Nous devrions rentrer maintenant que l'orage a baissé d'intensité. J'ai hâte d'aller prendre une douche bien chaude.

— Je donnerai n'importe quoi pour être l'eau qui coule sur ta peau.

Je l'embrasse à nouveau en passant une main sur sa nuque. Ca sera le dernier après j'arrête mes conneries, c'est vraiment pas le moment de flirter avec mon patron et surtout pas dès le premier jour. Je suis vraiment en train de faire n'importe quoi avec lui. Je m'habille en frissonnant dans mon haut encore humide, je n'ai pas envie de passer toute ma nuit ici à grelotter. Je me tourne vers lui il ferme quelques boutons et puis j'ouvre la porte de la grange pour le laisser passer puisqu'il faut la refermer correctement pour éviter que les animaux prennent peur.

Nous courons jusqu’à la maison, je le laisse occupé la salle de bain du bain qui est plus grande et j'emprunte la salle d'eau au rez-de-chaussé qui sert d’habitude exclusivement à ma grand-mère. Elle n'a pas eu le cœur de refuser quand elle m'a vu trempé jusqu'aux os. Pendant que je me réchauffe sous l'eau chaude, je pense à ce qui vient de se passer dans la grange. Demain et surtout quand on va rentrer à New-York, comment ca va se passer entre lui et moi ? Va-t-on continuer ce flirt ou va-t-on aller plus loin ?

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