Bien, maintenant, c’est à mon tour de parler de mon problème, enfin, de mon ancien problème. Si Lucas cherche désespérément à maigrir, moi, j’avais essayé de me “faire grandir”. Durant un moment, j’ai eu du mal à assumer mes 1m65 et aujourd’hui, je suis encore irrité quand on évoque ce sujet.

Dans ma petite enfance, j’étais sujet à pas mal de moqueries pour ces raisons. Adolescent, j’envoyais chier tous ceux qui osaient moquer de moi. Tous ces conneries m’avaient tellement marqué, lorsque je suis parti faire mes études, j’avais employé les grands moyens, quitte à aller un peu trop loin.

Et puis un beau jour, ce passé est revenu me hanter. Pourtant, c’était une journée banale. Avec Lucas, on s'apprêtait à partir faire du lèche-vitrine dans le centre le plus proche. En tant que gros joueur, la fin de semaine est symonyme de quête à la bonne affaire. Lucas étant déjà prêt, je rassemblais au plus vite mes affaires.

• Allez dépêche, sur le coup, c’est moi qui est impatient.
• Oui, oui, j’ai bientôt fini.
• En tout cas, c’est sympa que tu puisses m'accompagner, j’ai pas toujours eu l’occasion de faire ce genre de recherche avec quelqu’un.
• T’inquiète, ça me fait plaisir. Dis, tu pourrais prendre les tennis qui sont dans le placard s’il te plaît ?
• Mais bien sûr.
• Merci.

En gros, mon placard a une porte coulissante qui permet de l’ouvrir. Mais en poussant celle-ci, il s’est figé soudainement. Il avait sûrement vu quelque chose qui a dû le surprendre.

• Akio ?
• Oui ?

Lucas se retourne avec des chaussures à la main, et me demande intrigué en les désignant : « Heu… je peux savoir c'est quoi ça ? »

OH PUTAIN ! IL VENAIT DE TROUVER MES CHAUSSURES MONTANTES !

Je pensais les avoir jetés mais visiblement, elles s’étaient bien cachées. Malgré ma surprise, je tentais de garder la face.

• Ben heeeeu… ce sont des chaussures.
• Oui, j’ai bien compris que c'est, j’suis pas aussi con. Non, je veux juste savoir c’est quoi comme chaussures exactement.
• Des chaussures montantes.

À cet instant, je vivais l’un des moments le plus stressant de ma vie. Dans cette catégorie, il y a ton premier rendez-vous, ton premier entretien d’embauche, et puis ça. Je ne sentais vraiment pas bien mais je ne voulais surtout pas le montrer.

• Mais je pensais que tu étais passé à autre chose.
• Oui, depuis longtemps. Je pensais même m’être débarrassé de ces trucs mais apparemment, j’ai oublié de le faire. Raah, j’me sens pas bien.

Oreilles tombantes et tête baissée, je n’osais pas le regarder. Mais lui s’est approché et m'a relevé délicatement la tête pour me regarder.

• Héé, tu ne vas pas te mettre dans tous tes états. Toi-même tu l'as dit... tu es passé à autre chose, d'accord ?
• Oui mais le fait de revoir ces choses me rappelle une période que… je… ça… je… préférais oublier.

Ce souvenir étant assez pénible, j’ai préféré me taire que de remuer le couteau dans la plaie.

• Tu sais, un beau jour, quelqu’un m'a dit que je devais accepter comme je suis. Mais il semblerait que cette personne soit encore affecté par son passé.
• Oui, il est difficile de ne pas faire attention aux remarques des autres.
• Bon, déjà, ils peuvent se faire mettre (je rententais un pouffement) parce qu'ils ne savent de quoi ils parlent et à mon avis, ce qui est petit…
• Oh, je t’en prie, ne me fais pas le coup de “tout ce qui est petit est mignon.”
• S'il te plaît Akio, tu peux au moins me laisser ma phrase !
• Oh pardon.
• Désolé d'être aussi abrupt mais là…
• Non, je t'ai coupé, c’est normal.
• Bref, ce que je disais, tout ce qui est petit est attachant. Et tu es attachant, c’est juste que les autres ne le voient pas.

Il vient alors embrasser sur la joue. Aussitôt, mon cœur s'était lancé dans un solo de batterie et mes joues ont prises une belle teinte rouge.

• Lucas ?
• Oui ?
• Pourquoi tu heu…
• J’en avais envie puis je… Tu me dois trouver bizarre ?
• Non, tout le monde est bizarre. C’est juste que certains personnes le montrent plus que d'autres.

Il s’adressait en retour un petit sourire. À présent, ça allait mieux, ce chat a vraiment un don.

• Bon, ce que je te propose, histoire de relâcher la pression. En plus de notre petite virée, ce serait d'aller manger une glace. Tu en penses quoi ?
• Tu es sérieux ?
• Ouais, très sérieux.
• La proposition est alléchante mais… j’sais pas trop.
• PAS de ça avec moi, c’est moi qui offre.
• Et tes notes alors ?
• Oh, écoute, je peux me passer de ça pour une journée.
• Bon, d'accord, mais c’est bien parce que c’est toi qui paie.
• Marché conclu mais après ça, ce sera même pas la peine d’essayer de me douiller.
• Très bien, me voilà prévenu.

Là-dessus, j’ai enfilé mes tennis et nous sommes partis. Une fois dehors, j’ai balancé ses horreurs à la poubelle. Et voilà, une bonne chose de faite. Si la balade a été agréable, l’énorme glace fut le point culminant de celle-ci. Je peux vous dire que nous l’avons savouré de la première à la dernière cuillère.

Franchement, j’ai beaucoup de chance d'avoir croisé son chemin. Lucas est vraiment un gars en or, un trésor qu'il faut apprécier et protéger des autres. Je sais que je suis fleur bleue mais par les temps qui courent, ce genre de personnes se font tellement rares que je pensais qu'elles s'étaient éteintes. En effet, elles sont juste en voie d'extinction.

Ce petit épisode m’a laissé confus sur les sentiments que Lucas avait à mon égard et vice-versa. Avait-il vraiment de vues sur moi ? Ou tout cela n'était qu'une simple illusion ? Il était difficile de dissocier l'un de l'autre.

Trop de questions auquel je n’avais pas encore de réponses. Mais vous vous doutez bien que, si je vous en parle à présent, c’est que je les ai eues, ces réponses.