Chapitre 28

10 minutes de lecture

Nous avons échoué, nous arrivons trop tard, ils se sont déjà emparés d'Ylvasydreïl.

Gabriel serre ma main, comme s'il pouvait ressentir tous mes regrets d'être arrivé trop tard, toute mon amertume devant cet échec. Il me chuchote à l'oreille :

- Ne te décourage pas chaton, nous pouvons encore nous battre et reprendre Ylvasydreïl. Garde espoir.

Il a raison, nous pouvons encore arranger la situation et je crispe les poings :

- Hey ! Reposez ce cristal ! ordonné-je avec autorité.

Les deux hommes sursautent et se tournent vers nous. Maintenant je les vois beaucoup mieux, ils sont tous les deux grands avec la peau dorée. L'un est fin et svelte, avec des cheveux blonds lisses et des yeux verts. L'autre est baraqué comme une armoire à glace avec des yeux noirs et une touffe frisée grise sur la tête, il tient la pierre.

Le plus petit avec les yeux verts me regarde avec haine, ce qui me fait frémir désagréablement de la tête aux pieds :

- Que fais-tu ici petit prince ? Tu n'es pas dans ton palais en train de te vautrer dans le luxe de ton père ? crache-t-il amèrement.

Je fronce les sourcils, son ton ironique et obséquieux me déplaît :

- Tu te prends pour qui pour me parler comme ça sans même me connaître ? Dis à ton ami de reposer Ylvasydreïl ! Vous allez détruire ce monde si vous ne la remettez pas rapidement à sa place !

Les deux hommes partent d'un rire tonitruant qui me glace le sang, ils sont fous et avides de pouvoir. Je le sens jusque dans ma moelle épinière et le blond reprend avec un sourire diabolique :

- Nous le savons parfaitement, mais quoi de mieux que la destruction d'un monde pour en construire un autre ?

- Comment ça ? Vous ne voulez pas envahir la Terre ? demandé-je avec incompréhension.

- Tu es bien renseigné dis donc. Oui nous comptons l'envahir, et une fois que se sera fait, nous fusionnerons les deux pour créer un monde parfait où NOUS serons les maîtres ! Nous n'aurons plus à nous cacher ! Nous pourrons vivre libres et faire payer aux autres espèces de nous avoir chassés et obligés à fuir !

Alors c'est ça qu'ils veulent ? Devenir les maîtres des deux mondes et se venger ? C'est horrible ! Ils vont tuer des centaines de personnes !

- Alors vous êtes prêts à sacrifier votre propre peuple ? Vous savez que si vous sortez d'ici avec cette pierre, ce sera la catastrophe et des Thérianthropes mourront par votre faute. Des hommes, des femmes et des enfants innocents qui n'ont rien demandé !

- C'est vrai et inévitable ! La mort de quelques personnes maintenant aidera à la construction d'un empire tout puissant demain.

Ce type est totalement fou, je ne peux pas le laisser perturber l'équilibre de deux mondes. Il est hors de question que je le laisse gagner sans m'être battu !

- Je suis désolé mais je n'ai pas d'autre choix que d'essayer d'arrêter cette folie ! affirmé-je avec détermination.

Il hausse les épaules et regarde son ami baraqué. Celui-ci repose la pierre avant de s'approcher, prenant une forme hybride, tout comme le blond. Ils veulent se battre comme ça ? D'accord !

Je regarde Gabriel qui hoche la tête et je prends également mon apparence mi humaine mi animale avant de me jeter sur celui aux cheveux gris, laissant l'autre à Gabriel. Celui contre lequel je me bats est un ours brun et l'autre un tigre. L'ours est vraiment fort et chacun de ses coups manque de me faire décoller du sol. De plus ses griffes sont tellement grandes que je suis obligé d'esquiver pratiquement tout le temps pour ne pas finir éventré ou balafré.

Le combat dure de longues minutes, j'entends vaguement Gabriel se battre, mais je suis trop concentré sur l'ours en face de moi pour pouvoir prêter totalement attention à lui. Quand j'entends un cri et, trop inquiet pour mon amoureux, je me détourne du combat contre l'ours. Celui-ci en profite pour me donner un puissant coup de patte qui m'envoie contre le mur de la grotte. Je retombe au sol, sonné et le noir m'engloutit.

***

- Killian, ouvre les yeux chaton. Allez réveille-toi ce n'est pas le moment de dormir, murmure une voix inquiète.

Je sens une tendre caresse sur ma joue et j'ouvre difficilement les yeux. Ma vue est floue et je grogne en me redressant péniblement avec cette impression pénible qu'un rouleau-compresseur m'est passé sur le corps :

- Gab, c'est toi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il n'a pas le temps de répondre que tout me revient en mémoire et je me tourne vers lui, affolé :

- Gab ça va ?! J'ai entendu un cri et ensuite... La pierre ! Est-ce qu'ils sont partis avec ?

Je le regarde, inquiet, son tee-shirt est lacéré et de fins sillons rose clair prouvent qu'il a reçu une grave blessure. Heureusement qu'il cicatrise vite !

- Oh Gab je suis tellement désolé, tu aurais pu mourir par ma faute, lâché-je avec les larmes aux yeux.

L'idée de savoir que j'aurais pu être responsable de sa mort m'est insupportable. Il me prend doucement dans ses bras et commence à me bercer :

- Chut, calme-toi chaton, je vais bien tu vois, tout va bien détends-toi, l'important c'est que je ne sois pas mort alors ne panique pas.

Je me relâche lentement dans ses bras, ses mots et sa présence me rassurent et je reste un petit moment comme ça avant de lever la tête pour l'embrasser :

- La pierre, est-ce qu'ils ont réussi à emporter Ylvasydreïl ?

Il semble hésiter à répondre et rien que sa réaction me donne à penser que nous avons échoué dans cette mission :

- Oui, je suis désolé chaton. Quand il m'a ouvert le torse je n'étais plus en état de me battre et toi tu étais déjà inconscient. J'ai préféré rester près de toi plutôt que de partir à leur poursuite et de toute manière nous savons déjà où ils vont se rendre.

Je ne dis rien, trop occupé à me dire que j'ai lamentablement failli, que je n'ai pas pu sauver ce monde et que je ne suis qu'un incapable :

- Laisse tomber, ça ne sert plus à rien de se battre. Ils ont gagné. Ils sont en possession de la pierre et en route pour la cité et nous nous sommes ici. Nous n'arriverons jamais à les rattraper à temps. Et même si nous le faisions, comment lutter contre eux ? Grâce à Ylvasydreïl ils possèdent les pouvoirs des Dieux ! couiné-je.

- Peut-être mais ils ne savent sûrement pas comment s'en servir. C'est une pierre divine, tu penses vraiment que ses pouvoirs sont si simples que cela à maîtriser ? Tout n'est pas perdu chaton, on a encore une chance de rétablir l'ordre qu'ils ont bouleversé. Allez ne te laisse pas abattre !

Il me regarde avec des yeux tellement remplis de confiance envers moi que je ne peux qu'y croire et me dire que finalement, nous avons peut-être encore la possibilité d'éviter une catastrophe :

- Viens chaton, nous devons y aller, dit-il avec détermination.

Je hoche la tête et me lève avec lui. J'ai l'impression qu'il fait bien plus sombre et lorsque je regarde les cristaux qui fournissent la lumière, je me rends compte que leur intensité a baissé :

- Est-ce que nous allons devoir repartir par là où nous sommes entrés ? le questionné-je

- Je crains bien que oui, mettons-nous en route.

Nous faisons le chemin inverse, je ne sais pas pourquoi mais tout me paraît plus sombre. De plus la paroi de la montagne se couvre lentement de fissures, donc c'était bel et bien Ylvasydreïl qui empêchait la montagne de s'effondrer.

Nous arrivons au hall d'entrée, l'eau du lac a changé, elle est devenue rouge sang. Ce qui ne m'inspire pas DU TOUT confiance ! Cependant je prends une grande inspiration et je plonge de nouveau dans l'eau alors que je suis à peine sec de la dernière fois.

La traversée dans l'autre sens est nettement plus ardue, nous n'avons pas beaucoup de lumière pour nous guider et le fait que l'eau soit rouge ne nous aide pas vraiment.

Nous finissons cependant par émerger à l'air libre et je prends une grande bouffée d'air, heureux de pouvoir respirer à nouveau. Comment les deux Thérianthropes ont-ils fait pour traverser tout en transportant l'énorme cristal ?

Je rejoins la rive et ce n'est qu'à ce moment-là que je remarque le ciel. Il est rouge, aussi rouge que l'eau du lac et les deux Lunes sont devenues tout à coup très pâles.
Je regarde autour de moi, les plantes ont perdu de leur éclat, tout a l'air bien plus mort d'un seul coup.

- Le déclin a commencé, il faut rapidement ramener Ylvasydreïl, sinon tout va dépérir, m'informe mon déchu.

- Gabriel, je suis resté inconscient combien de temps ?

- Quelques heures je pense, je n'ai pas vraiment eu la notion du temps dans la grotte, pourquoi ?

- Cela veut dire qu'ils n'ont que quelques heures d'avance sur nous. Certainement qu'ils ont sans doute utilisé Destruction Sanguine pour devenir plus rapides et ainsi rentrer plus vite au palais. On va faire la même chose.

- Quoi ? Et comment veux-tu que je fasse ça ? Je ne suis pas un Thérianthrope je te signale !

- Tu monteras sur mon dos. Je pourrais sans problème te porter et nous pouvons laisser les sacs ici, après tout il n'y a rien de bien important à l'intérieur et au besoin nous pourrons toujours revenir les chercher plus tard.

Il hoche la tête pour acquiescer. Quant à moi, j'ai peur de lui montrer mon apparence quand j'utilise mon pouvoir, parce que nous avons tendance à être effrayants. Mais je n'ai pas vraiment le choix.

Je ferme les yeux en prenant ma forme hybride. Je me concentre, je sens le pouvoir se frayer doucement un chemin jusqu'à la limite de la surface, il attend que je lui lâche la bride. Ce que je fais.

Aussitôt je sens mon sang couler plus vite dans mes veines, mon corps triple de volume, tout grandit, mes muscles, mes crocs, mes griffes, bref chaque partie de mon corps prend des proportions phénoménales.

Lorsque j'ouvre les yeux, le monde s'est doté d'une clarté éblouissante, mes sens développés à leur maximum : j'entends, je vois, je sens et je ressens absolument tout de façon exponentielle. Je regarde mes bras qui sont devenus gigantesques, des runes courent sur toute la surface de mon pelage et je sais qu'il en est de même sur tout mon corps. Et surtout je la distingue, cette aura de puissance absolue qui m'entoure.

Cette sensation de force est à la fois jouissive et effrayante, j'ai l'impression d'être un Dieu, d'être capable d'accomplir tous les exploits possibles et je sais que c'est le cas. Mais j'ai peur car cette transformation a un prix ! Je sens mon sang se détruire lentement à l'intérieur de mon corps, il ne faut pas que je perde du temps sinon je risque de mourir.

Je me tourne vers Gabriel, il a les yeux écarquillés quand il me regarde et contrairement à mes craintes, ce n'est pas de la peur que j'y vois, c'est de la fascination :

- Killian, tu es magnifique, monstrueux mais magnifique.

Il s'approche de moi, j'ai l'impression qu'il est minuscule comparé à moi et il passe une main dans le pelage de mon bras, les yeux brillants :

- Monte sur mon dos, lâché-je d'une voix rauque et râpeuse.

Elle semble le surprendre, tout comme elle me surprend moi-même. La dernière fois que j'ai usé de ce pouvoir, c'était quand j'étais petit et que ma mère m'entraînait à repousser toujours plus loin ma limite à l'utilisation de Destruction Sanguine.

Je me baisse pour que mon déchu puisse grimper sur mon dos et je l'aide à s'installer correctement :

- Surtout accroche-toi bien d'accord ?

- D'accord. Tu sais que tu es très doux et chaud comme cela chaton ? dit-il avec un petit rire.

Je souris et le sens qui resserre fermement ses prises sur moi puis je m'élance.

Tout défile à une vitesse hallucinante, même sous ma forme animale je ne peux pas aller à une telle vitesse. Je vais tellement vite que tout n'est qu'une succession de couleurs. Grâce à mes sens surdéveloppés, j'évite sans problèmes tous les obstacles qui se dressent sur mon chemin. J'aurais très bien pu les détruire en frappant dedans, mais je ne veux pas lâcher Gabriel ne serait-ce que d'une seule main, j'ai bien trop peur qu'il tombe et qu'il se blesse.

***

Nous approchons enfin de la ville et cela fait à peu près une dizaine de minutes que j'ai activé mon pouvoir. Je commence à ressentir les effets de son utilisation, je me sens fatigué, mes sens se font moins puissants et surtout, la douleur à l'intérieur de mon corps pointe le bout de son nez. Je suis en train d'atteindre ma limite.

Je serre les dents et tiens le coup, nous y sommes presque et dès que nous arrivons en bordure de la forêt, Gabriel descend de mon dos à ma demande et je reprends forme humaine.

Je suis en sueur et je m'effondre par terre sans pouvoir résister, Gabriel me rattrape juste avant que je ne heurte le sol et il me regarde, inquiet :

- Killian ! Ça va ?!

- Oui, c'est juste, que j'aie atteint ma limite. Mais ne t'en fais pas, j'irais bientôt mieux. Pour le moment le plus important est d'aller avertir mon père, aide moi, le prié-je en haletant.

Tant bien que mal, nous nous approchons de la ville, je sais tout de suite qu'il y a quelque chose qui cloche. Nous passons les portes, les rues sont désertes, totalement vides et un frisson glacé et désagréable me remonte le long de l'échine.

Soudain, nous sommes entourés par des Sentinelles sous formes humaines et animales et avant que l'on ait pu dire ou faire quoi que ce soit, nous nous retrouvons plaqués contre un mur et menottés :

- Killian Blackhawke, vous et votre ami êtes en état d'arrestation sur ordre de sa Majesté le roi Damen !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Samildanach ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0