Chapitre 29

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J'écarquille les yeux en entendant ce qu'il vient de dire : mon père a ordonné mon arrestation ?

- Quoi ? Pourquoi ?! On n'a rien fait de mal ! Il faut que vous me laissiez voir mon père c'est urgent ! tenté-je de leur expliquer.

- Je suis désolé, mais votre père nous a ordonné de vous mettre en prison directement, il ne veut pas vous voir.

Les soldats nous décollent du mur et nous nous mettons en route vers le palais. Je sens les regards des Thérianthropes sur moi, même s'ils sont cachés dans leurs maisons. C'est de nous dont ils sont si peur ? Ou alors ça vient de la couleur du ciel et de l'atmosphère étrange qui règnent depuis qu'Ylvasydreïl a été volée par les deux hommes dans la montagne.

Nous entrons dans le château, tous les serviteurs du palais nous dévisagent avec une haine non dissimulée. Pourquoi nous détestent-ils à ce point ? Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour que leur opinion de nous se dégrade si vite ?

Je n'ai pas vraiment le temps de poser la question à quiconque car nous nous retrouvons devant une petite porte en fer au fond du hall d'entrée, cachée entre deux colonnes. L'un des gardes déverrouille la porte avant de l'ouvrir. Elle grince sinistrement sur ses gongs et nous sommes poussés dans un escalier en pierre grise qui descend, éclairé simplement pas des cristaux sur les murs.

L'air se fait plus frais ici et plus nous nous enfonçons dans les catacombes, plus je sens l'humidité qui suinte à travers les parois.

Nous finissons par arriver devant un couloir avec des geôles de chaque côté. Il fait plutôt sombre malgré les cristaux et j'entends le bruit de gouttes d'eau tombant sur le sol quelque part devant nous.

On nous amène devant une cellule puis on détache nos mains avant de nous pousser brutalement à l'intérieur, dedans tous les deux. La grille se referme.

Le décor est spartiate : un lit en paille, des toilettes avec un paravent devant et un évier avec un miroir.

Je lâche un gémissement de désespoir et Gabriel vient me prendre dans ses bras :

- Qu'est-ce qu'on va faire maintenant Gab ? On est en prison et il ne reste plus beaucoup de temps avant que mon père ne se fasse tuer ! Je n'ai pas envie qu'il meurt, qu'est-ce qu'on peut faire ?

- Tu ne peux pas utiliser Destruction Sanguine pour détruire les barreaux ? me demande-t-il en me gardant dans ses bras.

- Non, je n'ai pas repris assez de force.

- Chaton, nous avons fait tout ce que nous avons pu. Je sais qu'il ne faut jamais abandonner mais je crains que cette fois nous n'ayons d'autre choix.

- Non, ça ne peut pas finir comme ça. Pas après tous les risques qu'on a pris ! Il doit y avoir une solution. Il faut que...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase car quelqu'un vient d'approcher de l'autre côté des barreaux, Learco !

- Killian.

- Learco, vite sors-nous d'ici, tu es notre dernier espoir, lui crié-je en espérant son aide.

- Je ne peux pas.

Je me fige en entendant ces mots. Devant sa mine assombrie, j'envisage le pire :

- Je suis désolé Killian.

- Pourquoi dis-tu cela ?

Il n'a pas besoin de répondre car derrière lui quelqu'un s'avance et cette personne n'est autre que l'un des Thérianthropes qui était dans la montagne, le blond aux yeux verts. Son sourire cruel se fait encore plus grand quand il voit que je commence à faire le lien entre lui et Learco :

- Learco, ne me dis pas que tu es son complice ! lâché-je sans vouloir y croire.

Il ne répond rien et baisse encore plus la tête. Non, je ne peux pas y croire, je ne VEUX PAS y croire, c'est impossible ! Et pourtant le sourire satisfait de l'homme derrière Learco ne fait aucun doute, tout comme le silence de ce dernier :

- Pourquoi tu as fait ça Learco ! Je croyais que tu aimais mon père ! Comment peux-tu le trahir de la sorte ?

- C'était la vérité quand j'ai dit que je l'admirais et qu'il était un bon roi. Mais ma famille a été tuée dans l'autre monde par des Vampires. Je veux les venger ! Mais ton père refuse de le faire, il refuse de venger tous ceux qui ont perdu des êtres proches à l'époque où les autres espèces essayaient de nous voler notre pouvoir ! C'est pour ça que j'ai décidé de les aider dans leur plan. Je ne veux pas que notre roi meurt, mais si c'est la seule manière de pouvoir rendre justice alors je n'hésiterais pas !

J'écarquille les yeux, je suis triste pour lui d'autant plus que je n'approuve pas du tout sa façon de faire et de penser :

- Mais quel rapport avec moi ? Pourquoi m'avoir fait venir dans ce monde ? demandé-je dans l'espoir vain d'avoir une explication plausible.

Il ne répond pas et c'est l'autre homme qui le fait à sa place :

- Mon petit Killian, ce que tu peux être stupide ! À ton avis ? Une fois le pouvoir des Dieux dérobé et le roi mort que se passera-t-il ? Les gens vont chercher un coupable pour le châtier d'avoir osé tuer leur roi bien aimé. Et devine qui fait le coupable idéal ? Toi et ton ami. Après tout, vous êtes des étrangers, personne n'a confiance en vous et il sera tellement facile de vous faire porter le chapeau.

- Mais pourquoi moi ? Pourquoi ne pas avoir choisi quelqu'un d'autre ?

Je sais que ce que je viens de dire peut paraître cruel. Néanmoins, je n'arrive pas à m'empêcher de penser que je n'ai pas été choisi par hasard. Le sourire qui orne son visage en ce moment ne fait que confirmer mon impression :

- Allons petit prince, tu ne comprends donc pas ? Une fois le roi mort, le trône te revenait de droit même s'il avait fallu aller te chercher dans l'autre monde. Mais en faisant en sorte que ton peuple te croit responsable de la mort de ton père et en te tuant de mes propres mains, je deviendrais leur sauveur, celui qui a vengé le bon roi Damen. Je serais un héros et personne ne rechignera quand je prendrais la couronne. Je fais donc d'une pierre deux coups, j'élimine le roi ET son héritier et je m'empare du trône.

Son plan est horrible et diaboliquement bien ourdi, et j'imagine que le fait que j'ai amené Gabriel avec moi ne jouera pas en ma faveur si jamais il parvient à ses fins. Pauvre Gabriel, moi qui ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose. Voilà que par ma faute il va être exécuté en même temps que moi. Je lance un regard meurtrier au Thérianthrope aux yeux verts :

- Tu es vraiment ignoble ! Je te jure que si jamais je sors d'ici, je te tue ! craché-je avec colère.

Il éclate de rire avant de tourner les talons et sortir. Il ne reste plus que Learco de l'autre côté des barreaux. Il a toujours la tête baissée et n'a pas vraiment fière allure :

- Learco, tu n'es pas obligé d'accepter ce plan. Si tu me sors d'ici on pourra t'aider et trouver une solution. Je t'en prie tu peux encore changer d'avis !

- Je te demande pardon Killian.

Il part en courant et je reste là, les bras ballants, complètement désespéré. C'est fini nous n'avons plus aucun espoir de sauver les deux mondes et mon père.

Les larmes me montent aux yeux, j'ai pourtant tout tenté pour que ça marche, alors où est-ce que j'ai foiré ? Pourquoi suis-je incapable de sauver quelqu'un ! D'abord ma mère, et maintenant mon père et Gabriel !

Je me laisse tomber sur le lit en paille et mon ange s'assoit près de moi :

- On va trouver une solution Killian, il ne faut pas se laisser abattre.

- Arrête, tu sais très bien que c'est faux ! Mon père et toi allez mourir par ma faute ! Qu'est-ce que tu veux que l'on fasse ? On est prisonniers et personne ne viendra nous sortir d'ici ! C'est fini laisse tomber ! hurlé-je en commençant à pleurer de désespoir.

Il ne dit rien, je n'aurais pas dû lui crier dessus de la sorte, mais je suis trop en colère pour pouvoir garder mon calme. Mais en colère contre qui ? Contre moi-même, parce que je suis trop faible, trop idiot, trop TOUT pour pouvoir être une bonne personne.

Gabriel me garde dans ses bras et continue de me caresser la tête et le dos. Comment lui dire que je me sens nul, déprécié, mésestimé ?

***

Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi, blotti dans les bras de l'homme que j'aime. Il n'a pas arrêté de me câliner et malgré tous ses efforts je n'ai pas réussi à me calmer ni même à me sentir moins mal. Il n'y a pas la moindre fenêtre ici je n'ai donc aucun moyen pour décompter les heures.

Soudain, une violente secousse fait trembler les murs, je m'agrippe à Gabriel qui resserre encore plus son étreinte sur moi :

- Qu'est-ce qu'il se passe !!!! demande-t-il.

- Je ne sais pas Gab !!!

J'ai l'impression que ça dure une éternité, le sol, les murs, le plafond, tout tremble de manière brutale. Je panique de plus en plus à l'idée que la structure lâche et que tout s'effondre sur nous. Je ne sais pas si cela pourrait nous tuer, mais je n'ai pas vraiment envie de tester. Le sol vibre de plus en plus fort, comme si quelque chose essayait de sortir des entrailles de la terre.

Puis tout s'arrête brutalement le silence retombant immédiatement autour de nous. Je mets quelques minutes avant d'oser ouvrir de nouveau les yeux que j'ai fermés très fort :

- J'ai l'impression que ça s'est arrêté, murmuré-je.

Je me décolle doucement de Gabriel et je me lève, il m'imite. Je regarde autour de moi, rien ne s'est écroulé, pas même les cristaux de lumière qui ne semblent pas avoir bougé d'un poil. Je tends l'oreille pour essayer de savoir ce qu'il se passe à l'extérieur et j'entends clairement le claquement des éclairs et le grondement du tonnerre dehors. Une tempête s'est surement levée :

- Oh non, ça a commencé. Ce monde est en train de se détruire.

Savoir que je ne peux rien faire pour empêcher cela me fait mal au cœur, et surtout, me laisse un goût amer dans la bouche. J'aurais dû parler à mon père, ou demander de l'aide à d'autres personnes ! Je sais qu'il y avait peu de chance que quelqu'un nous croit mais j'aurais dû au moins essayer ! Et voilà où ma précipitation nous a menés.

Le découragement m'envahit de nouveau, si j'étais venu vivre ici avec eux, j'aurais été un prince pitoyable.

J'entends soudain des bruits de course dans les escaliers et mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Peut-être que mon père a envoyé quelqu'un pour me sortir de là ? Peut-être qu'il se fait du souci pour moi ?

Mais la déception m'envahit quand je vois que c'est Learco, il est couvert de poussière et il s'approche en tenant la clé de la cellule :

- Je peux savoir ce que tu fais ici sale traître ? Ton patron t'a envoyé nous tuer ? craché-je amèrement.

Mes paroles semblent le blesser, mais je m'en fous totalement. Ce qui arrive est en partie de sa faute et je ne compte pas le prendre en pitié :

- Killian, je suis terriblement désolé. Je n'ai pas voulu tout ce chaos. Je ne savais pas qu'en enlevant Ylvasydreïl de la Montagne Primal cela pourrait détruire notre monde, je veux me venger c'est vrai mais j'aime trop ce monde pour le voir partir en poussière. Je refuse d'être responsable de sa destruction ! Je t'en supplie, je sais que je t'ai trahi et menti mais je te le demande en tant que sujet à son prince, sauve ce monde, je t'en conjure. Après j'accepterais la punition que tu me donneras même si c'est la mort.

Je le regarde, les yeux écarquillés, je ne m'attendais vraiment pas à ce revirement de situation. Une partie de moi me hurle que c'est un mensonge, que je ne dois pas le croire ni lui faire confiance. L'autre sent qu'il est sincère, qu'il pense ce qu'il vient de me dire et je ne peux pas refuser de l'aider. Un soupir m'échappe et je lui dis, sachant que je risque de le regretter peut-être :

- Très bien, je vais faire tout mon possible, mais sache que si jamais c'est encore un piège je t'arrache la tête à mains nues ! grondé-je pour le mettre en garde.

Je le vois frémir de la tête aux pieds, je suis capable de le tuer, j'ai assez de force pour ça. Cependant je ne pense pas être assez méchant pour mettre ma menace à exécution :

- D'accord, venez il faut faire vite, votre père va bientôt se faire attaquer par Klauss.

Klauss doit sans doute être le Thérianthrope blond aux yeux verts, rien que de penser à lui j'ai envie de lui arracher la gorge.

Il ouvre la porte de la cellule et je prends la main de Gabriel avant de sortir avec lui. Une autre secousse, plus petite et moins violente, secoue le sol et nous nous tenons au mur pour ne pas tomber avant de nous remettre en route en courant.

Nous faisons le chemin inverse de celui que nous avons emprunté avec les gardes il y a à peine quelques heures, enfin je suppose que c'était il y a quelques heures. J'ai totalement perdu la notion du temps depuis que je suis dans ce cachot.

Nous grimpons les marches quatre à quatre avant d'émerger enfin dans le hall du palais.

C'est la panique, tout le monde court dans tous les sens, certaines personnes hurlent, s'agitent complètement dépassées par la situation. Je remarque cependant que la plupart se dirigent vers la sortie du château en tenant contre eux des objets ou des enfants. Je regarde Learco :

- Où vont-ils tous ?

- Ils s'enfuient vers le portail dans la forêt, ils sentent que ce monde est en train de rendre l'âme alors ils espèrent survivre en se réfugiant sur Terre. Suis-moi, ton père est... oh non, il est avec Klauss !!!

La panique me gagne également à ses mots et quand il s'élance dans les couloirs, je n'hésite pas un instant avant de lui emboiter le pas, le laissant me guider à mon père. Nous arrivons finalement devant une porte en pierre blanche et lorsque nous entrons, le temps semble se ralentir.

Je vois la main griffue de Klauss se lever et s'abattre avec une lenteur cruelle sur mon père, lui déchirant le ventre. Mon géniteur a les yeux écarquillés, comme s'il n'arrivait pas à croire ce qui était en train de se produire. Du sang gicle de sa plaie, teintant ce qui se trouve près de lui de rouge. Il ouvre la bouche dans un cri muet avant de tourner son regard vers moi. Dans ses yeux, je peux lire tout l'amour qu'il me porte, il me dit d'un simple regard tout l'amour qu'il a pour moi :

- PAPA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Mon propre cri déchire l'air et soudain le temps semble être revenu à sa vitesse normale. Je vois mon père s'effondrer sur le sol et les griffes luisantes de son sang se retirent brutalement de son corps.

Mon cœur se tord de souffrance et sans l'aide de Gabriel je me serais sans doute écroulé. J'ai tellement mal, mal parce que je viens de perdre le seul membre de ma famille qu'il me restait et que même si je le déteste, je l'aime tout autant, c'est mon père. Les larmes dévalent mon visage sans que je puisse les retenir :

- Oh pauvre petit prince qui vient de perdre son papounet chéri, est-ce que ça fait souffrir ? J'imagine que oui vu ta tête, mais ne t'en fais pas, bientôt tu ne sentiras plus rien. Je vais me faire une joie d'abréger tes souffrances, ricane l'assassin de mon père.

Il approche, je sens son aura gonfler encore et encore. Il a tué un dominant, il devient donc plus fort et je redresse la tête pour lui lancer un regard meurtrier. Soudain il s'arrête et regarde au-dessus de mon épaule, affichant une mine terriblement déçue :

- Learco, que vais-je donc bien pouvoir faire de toi ? Je crois que je vais te tuer petit traître.

Ces deux derniers mots me sortent de mon état de choc, il a déjà tué mon père, je ne le laisserais plus faire de mal à qui que ce soit d'autre ! Même si Learco est effectivement un traître, il s'est racheté en me donnant une chance de sauver ce monde et je ferais en sorte de ne pas la gâcher :

- Je peux te garantir que tu ne toucheras pas à un seul cheveu de Learco ! Je ne te laisserais pas prendre une autre vie innocente ! dis-je de manière menaçante.

Je ferme les yeux et déclenche Destruction Sanguine. J'entends un grognement derrière moi, son acolyte, l'ours aux cheveux gris, se dresse dans l'encadrement de la porte, visiblement prêt à en découdre. Gabriel me regarde, tout comme Learco qui me sourit :

- On s'en occupe Killian, ne t'en fais pas pour nous et concentre-toi plutôt sur Klauss, on couvre tes arrières !

Je souris en retour, rassuré, finalement j'ai bien fait de laisser une deuxième chance à Learco, qui a l'air déterminé à racheter son erreur.

Je me concentre donc sur le Thérianthrope en face de moi, celui-ci éclate de rire et cela ne fait que m'énerver encore plus :

- Allons petit prince, tu penses vraiment avoir assez de force pour me battre ? Je te signale que j'ai en ma possession une pierre donnant les pouvoirs d'un Dieu !

Il sort Ylvasydreïl d'une poche de son manteau, la pierre a rétréci, ce qui explique comment ils ont pu la transporter jusqu'ici sans problème :

- J'ai fait croire à ton père que je l'avais ramenée dans la montagne après t'avoir empêché de la dérober et que ce qu'il se passe maintenant n'était qu'un écho de la colère des Dieux et qu'ils allaient bientôt se calmer. Ton père est tellement naïf qu'il m'a cru, ce stupide imbécile !

- Je t'interdis de parler comme ça de lui !

- Oh mais je parle comme je veux car après tout, maintenant je suis le roi. Enfin il me reste juste à te tuer et je pourrais avoir le trône. Allez dis au revoir « petit prince ».

Il tend la pierre vers moi et elle se met à briller de plus en plus fort. Mon corps est figé par la peur, ça y est, je vais mourir sans même avoir pu essayer de le vaincre. Je suis persuadé que ma dernière heure est arrivée. Cependant la pierre cesse soudain de luire avant de s'éteindre complètement et nous écarquillons tous les deux les yeux :

- Quoi ?! Mais c'est impossible ! Pourquoi refuse-t-elle de m'obéir ?! demande Klauss avec stupeur.

Je ne cherche pas à comprendre et lui fonce dessus, le percutant de plein fouet et nous tombons tous les deux par terre. Il lâche Ylvasydreïl qui roule plus loin et je fais en sorte de me retrouver au-dessus de lui :

- Tu vas mourir !!! crié-je en commençant en le rouant de coups de griffes et de morsures.

Il tente vainement de se débattre en prenant sa forme hybride et il parvient à inverser les positions. Je me retrouve sous lui mais pas pour longtemps car je parviens à me dégager et à m'éloigner pour me mettre en garde, un grognement sourd sortant de ma bouche.

Il y répond et nous nous sautons à nouveau dessus, lui aussi a fait appel à Destruction Sanguine.

Le combat est rapide, intense, tout défile autour de moi, je n'arrive plus à me concentrer sur autre chose que sur mon adversaire. Chacun de nous lutte pour avoir le dessus sur l'autre mais à cause de notre pouvoir, nous sommes à égalité. Cela dure plusieurs minutes et aurait pu continuer encore pendant des heures.

Soudain, je me sens plus fort, plus rapide, plus agile et plus vif. Une lueur blanche striée de rouge m'entoure de la tête aux pieds. Klauss semble tout à coup bouger au ralenti, comme s'il évoluait dans de l'eau et moi dans l'air.

Je vois du coin de l'œil Ylvasydreïl luire doucement de nouveau et je sais immédiatement que ce sont les Dieux qui acceptent de me prêter leur force.

Je remarque que mon adversaire l'a compris aussi et l'incrédulité se peint sur son visage :

- Non ! Pourquoi t'acceptent-ils et pas moi ?!

- Parce que moi je n'ai pas pour but de dominer les autres et devenir un tyran !

Je ne sais pas d'où m'est venue cette réponse, mais je sais qu'elle est juste, pure et bien fondée. Voilà pourquoi Freyr et Anima m'offrent un peu de leur puissance.

Il essaie de m'attaquer à nouveau, mais il est trop lent et je bloque son bras avant de le plaquer par terre. Klauss tente de se débattre, mais je suis à présent beaucoup trop fort pour lui et sans plus d'émotions, je plonge mes crocs dans son cou. Il pousse un cri de douleur suivi d'un gazouillement étouffé et finalement son cœur s'arrête de battre. Je sens la vie qui le quitte petit à petit.

Je ne retire aucune satisfaction de l'avoir tué, parce que je n'aime pas ôter la vie des gens. Mais je n'avais pas le choix, si je ne l'avais pas fait, il aurait sans doute continué de répandre la douleur autour de lui.

Je crache le sang que j'ai dans la bouche, je ne veux pas être contaminé par sa folie et son rêve de grandeur. J'ai beau savoir que c'est techniquement impossible, je ne veux pas prendre le moindre risque de devenir comme lui.

Je me relève et regarda son corps inerte, flottant dans une mare de sang.

Je me tourne ensuite vers Gabriel, il me regarde avec des yeux écarquillés, il doit sans doute me trouver horrible, j'ai du sang partout et je viens de tuer sauvagement quelqu'un. Learco quant à lui a l'air un peu moins choqué et je remarque qu'ils ont réussi à venir à bout de l'ours, qui git inconscient sur le sol.

Gabriel s'avance vers moi, tendant une main dans ma direction :

- Chaton, murmure-t-il d'une voix douce.

Ce simple mot me rassure, parce que je sais que s'il le prononce, c'est qu'il n'est pas terrorisé par moi et qu'il m'aime toujours. Je lui fais un faible sourire avant de tourner mon regard vers mon père, le voir mort me tord le cœur et je sens les larmes couler encore une fois sur mes joues :

- Papa...

Je m'approche de lui avant de me mettre à genoux et prendre sa main dans la mienne :

- Je suis tellement désolé papa. Je t'aime tellement, tu m'as tellement manqué pendant tout ce temps et même si je t'en veux je t'aime de tout mon cœur. Je suis désolé de ne pas avoir pu te sauver, de m'être montré si dur envers toi avec tous mes reproches.

Je sens une main se poser sur mon épaule et quand je tourne la tête, je vois Gabriel qui me regarde sans rien dire. Il veut simplement me faire comprendre qu'il est là, qu'il me soutient et ne me laissera jamais tomber.

Soudain je sens quelque chose de glacé se poser sur ma main. J'ouvre les yeux et vois des doigts éthérés sur les miens. Je tourne la tête sur le côté et me retrouve nez à nez avec un... Une... Enfin je ne sais pas trop, son visage est androgyne, sa peau est très pâle et de longs cheveux noirs descendent en cascade sur ses épaules. L'apparition pourrait tout aussi bien être un homme qu'une femme, et la toge large qu'il ou elle porte ne montre pas les formes.

L'apparition me fait un sourire, tendre et doux et je me sens tout de suite rassuré. Je plonge avec joie dans ses yeux d'un or profond et liquide.

Un déclic se fait dans ma tête et je sais immédiatement qui est l'apparition qui se trouve devant moi à ce moment même : Freyr, le Dieu, ou Déesse, de la Vie et de la Mort.

Sa main froide conduit la mienne vers la blessure de mon père pour la poser sur celle-ci.

Je sens tout à coup une horrible douleur me parcourir le corps, j'ai l'impression que toute mon énergie vitale est aspirée par la blessure de mon père. Je la vois se refermer lentement, trop lentement, la douleur est insoutenable, je suis à deux doigts de tomber dans les pommes. Je ne me rends même pas compte que je crie ou que Gabriel essaie de m'aider. Tout ce dont j'ai conscience c'est cette horrible souffrance et la blessure de mon père qui cicatrice doucement.

Je ne sais pas combien de temps cela dure, tout ce que je sais c'est que le supplice est atroce et que j'aurais donné n'importe quoi pour le fuir.

Soudain tout s'arrête, la souffrance disparaît pour ne laisser place qu'à un vide glaçant qui m'engourdit rapidement et la dernière chose que je vois avant de sombrer dans le néant, ce sont les yeux de mon père ouverts et sa respiration qui soulève sa poitrine.

***

Je flotte dans une chaleur agréable, j'ai l'impression d'être sur un petit nuage tout doux et moelleux. Je me sens tellement bien, je n'ai pas envie de partir, je veux rester ici, je me sens en sécurité et surtout, paisible :

- Killian...

Cette voix, elle me dit quelque chose. Je la sens qui m'attire vers le froid. Je ne veux pas y aller, je suis bien au chaud ici alors je ne bougerai pas !

- Killian !

La voix insiste, ne peut-elle pas me laisser tranquille ? Ne voit-elle pas que je souhaite demeurer dans mon cocon douillet et que je n'ai pas envie de bouger ?

- Killian réveille-toi !!!

Une violente douleur parcourt tout mon corps et des images me reviennent en masse, tout ce qu'il s'est passé s'impose à moi sous forme de flash-back. Je suis arraché à la chaleur douce et reposante pour me faire aspirer dans un froid glacial. Mon corps se met à trembler et j'ai toujours aussi mal.

J'ai brusquementl'impression de peser des tonnes alors qu'il y a à peine quelques secondes j'étais aussi léger qu'une plume.

Cela dure un bon moment et finalement j'ouvre les yeux en poussant un dernier cri de douleur, celle-ci se mettant à refluer.

La lumière m'aveugle et il me faut quelques minutes pour retrouver complètement la vue, enfin « complètement » n'est pas tout à fait exact car je vois encore flou :

- Chaton, peux-tu lâcher ma main, tu es en train de la broyer, demande mon blond en grognant un peu.

Je sursaute et regarde Gabriel, je ne vois qu'une masse blanche et je lâche sa main :

- Que s'est-il passé ? Où je suis ? Et mon père ?! Comment va-t-il ?!

Je sens des bras m'attirer contre un torse ferme et chaud. Je m'y love avec plaisir en soupirant de bien-être. Finalement je me sens bien mieux contre mon déchu :

- Calme-toi chaton, ton père va très bien, tu lui as sauvé la vie. Nous sommes dans une chambre du palais et quant à toi tu étais mort.

J'écarquille les yeux et le regarde, ma vue redevenant peu à peu nette :

- J'étais m... mm mort ? bégayé-je en ayant du mal à y croire.

- Oui, après que ton père se soit réveillé, tu as arrêté de crier et tu t'es effondré. Tu ne respirais plus et ton cœur avait cessé de battre. C'est Learco qui m'a rassuré en me disant que tu allais finir par revenir à la vie car Freyr venait de le lui affirmer.

- Alors Learco l'a vu aussi. Quand j'étais en train de ranimer mon père, c'est lui qui m'a guidé, qui m'a aidé à lui sauver la vie. Il était là, à côté de moi et me tenait la main.

- Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas vu ?

- Peut-être parce que tu n'es pas un Thérianthrope ?

Il ne dit rien et me serre encore plus fort contre lui avant de m'embrasser, un baiser fiévreux et rempli d'amour et de tendresse :

- J'ai eu tellement peur que tu ne te réveilles pas chaton. Maintenant je comprends ce que tu ressens quand tu dis que tu crains de me perdre.

- Je suis revenu tu vois, et puis tu sais bien que je ne te laisserais jamais tout seul, maintenant que je t'ai trouvé, je te garde !

Très rapidement, des mots qu'il a prononcés percutent mon cerveau : il a bien dit que nous étions au palais ? Ce qui signifie que nous sommes toujours à Arda Kelvar :

- Attends une minute, comment se fait-il que ce monde ne soit pas détruit ? C'était pourtant ce qui était sur le point de se produire avant que je ne meurs non ? demandé-je pour comprendre.

- Oui, mais Learco a ramené Ylvasydreïl à la Montagne Primal et c'est en partie grâce à cela que ton père ne l'a pas fait exécuter, et aussi parce que je lui ai dit que sans lui, nous serions tous morts. Le roi a accepté de lui pardonner ses actions, il en comprend les raisons.

Je pousse un soupir de soulagement. Même s'il m'a menti et trahi, Learco ne méritait pas la mort, n'importe qui aurait agi comme lui et puis il s'est racheté et a recouvré la raison ce qui est le plus important car il s'est aussi sauvé lui-même.

Je reste un long moment comme cela, blotti dans les bras de mon amoureux attendant que je retrouve complètement mes facultés visuelles. Finalement il se recule avant de me faire un grand sourire pour me dire :

- Mon amour, ton père m'a demandé de t'amener à lui quand tu te serais réveillé.

Je me crispe en l'entendant dire cela, j'ai peur d'y aller, je ne sais pas pourquoi. Je sais que c'est stupide, mais c'est plus fort que moi je ne peux pas m'empêcher de stresser.

Gabriel doit le sentir car il me caresse doucement la joue avant de m'embrasser. Je frémis de plaisir, c'est tellement agréable quand il m'embrasse comme ça et je suis presque triste quand il desserre son étreinte :

- Tout va bien se passer mon cœur, ton père ne va rien te reprocher. Tu sais qu'il m'a remercié en me prenant dans ses bras ? Il a également dit qu'il était fier de m'avoir comme gendre, dit-il avec un grand sourire.

Il rigole et moi je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux, mon père a dit ça de lui alors qu'il n'est pas un Thérianthrope ?

Mon amoureux rit encore plus en voyant mon air ahuri tête et il dépose un petit baiser sur mon front avant de se lever :

- Bouge chaton, ne le faisons pas attendre plus longtemps, après tout ce n'est pas poli de se faire désirer de la sorte. Enfin sauf quand il s'agit de jeux intimes entre toi et moi.

Il éclate de rire pendant que je deviens aussi rouge qu'une tomate et je décide de lui jeter un coussin à la figure :

- Espèce de gros pervers lubrique !

- Seulement quand il s'agit de toi petit chaton, tu es tellement sexy qu'il est impossible de te résister !

Je soupire et me lève, prenant la main qu'il me tend pour m'aider à marcher et c'est seulement là que je remarque que je ne porte plus mes habits :

- Tu m'as changé ?

- Mon cœur, tu étais couvert de sang, il a bien fallu que je m'occupe de toi. J'ai refusé que quelqu'un d'autre le fasse car il n'y a que moi qui aie le droit de voir ton adorable petit corps nu.

Il m'embrasse possessivement et je sens à nouveau ce frisson d'excitation me parcourir :

- Gab ce n'est clairement pas le moment pour ce genre de chose ! Tu as dit toi-même qu'il ne fallait pas faire attendre mon père, qui plus est... le roi !

- C'est vrai tu as raison, mais je te donne ma parole que ce soir je vais te dévorer tout cru !

Un énième frémissement me secoue et je déglutis d'anticipation à l'idée de notre soirée à venir. Tout en le suivant dans les couloirs du palais, je note que tout a l'air d'être redevenu à la normale, le ciel est de nouveau bleu et les deux soleils sont bien hauts dans le ciel. Je remarque cependant un petit changement : tous les Thérianthropes que nous croisons nous regardent amicalement, leur méfiance a totalement disparu de leurs visages et Gabriel semble percevoir ma surprise :

- Tout le monde sait ce que tu as fait pour sauver ce monde, ils te sont reconnaissant tu sais, sans toi ils auraient perdu leur maison et sans doute leur vie.

Savoir que je les aie sauvés me fait étrangement chaud au cœur. Je ne pouvais pas laisser ce monde être détruit. Je suis fier de moi et je reprends à nouveau confiance.

Dans la salle du trône, rien n'a changé et mon père se tient bien droit sur son siège. Cependant lorsqu'il me voit, son regard n'est plus hostile, non, il est rempli d'amour et de reconnaissance. Il se lève et je m'approche sans vraiment savoir quoi dire et avant que j'aie pu parler, je me retrouve enlacé contre mon père qui me murmure :

- Oh mon fils, je suis tellement désolé. Je regrette de t'avoir parlé comme je l'ai fait. Tu avais raison en disant que je suis le seul responsable, je n'aurais pas dû partir et vous abandonner ta mère et toi. Je t'aime Killian, tu es et seras toujours mon fils.

J'écarquille les yeux devant ses paroles de pardon et de repentir qui me vont droit au coeur et je sens une joie immense m'envahir tout entier. Je me blottis contre mon père avant de me mettre à sangloter. Mes larmes me libèrent de toutes ces années passées seul à lutter, à m'enfuir, à devoir me défendre. Je redeviens, dans ses bras, le petit enfant en quête d'affection et d'amour.

- Papa, je t'aime papa, de tout mon cœur. Excuse-moi de t'avoir mal jugé, j'étais en colère et tu sais, je regrette d'avoir dit que je te haïssais parce que ce n'est pas vrai.

- Chut, ce n'est rien mon cœur calme-toi, je ne t'en veux pas alors ne pleure plus d'accord ?

Je hoche la tête et essaie de me calmer. J'y arrive après un long moment serré dans les bras de mon géniteur. Ça m'avait tellement manqué, ses caresses sur la tête et le dos, sentir sa douce odeur rassurante et sa présente réconfortante.

Nous finissons par nous séparer une fois que nous sommes tous les deux apaisés et il me sourit :

- Merci de m'avoir sauvé la vie et surtout empêché Arda Kelvar d'être détruite. Après ce que je t'ai dit j'aurais très bien pu comprendre que tu décides de laisser Klauss me tuer. Je ne suis qu'un imbécile.

Je rigole un peu en terminant de m'essuyer le visage :

- Nous étions tous les deux blessées et aveuglés par des décisions prises il y a longtemps. Merci aussi d'avoir épargné Learco, de lui avoir pardonné sa trahison, lâché-je en souriant un peu.

- J'ai hésité tu sais, mais ton ami, enfin non, ton petit-ami plutôt, m'a convaincu de lui laisser sa chance, alors j'ai suivi son conseil.

Il me sourit, de ce sourire qui m'a tellement manqué, comme tout chez lui, le son de sa voix grave et sa chaleur :

- Alors que comptes-tu faire maintenant mon fils ? Tu vas rester vivre ici ?

- Et bien ça aurait été avec plaisir mais je vais rentrer sur Terre avec Gabriel, lui répondé-je en le regardant.

Mon père me fixe du regard, il a l'air triste par ma décision et Gabriel se montre assez surpris par ma réponse. Mon père me regarde tendrement, essayant de fléchir mon choix :

- Mais pourquoi ? Tu n'es pas bien avec nous ?

- Si papa, mais ici ce n'est pas mon monde ! Je pense que je ne pourrais jamais m'y faire si je décidais de rester. Alors que sur Terre j'ai tous mes amis et c'est également l'endroit où vit Gabriel, il a son frère là-bas, son gang, des gens à qui il tient. Je me sens bien avec eux. C'est pour ça que je décide de partir, mais je te promets que je reviendrai te voir et toi aussi tu pourras nous rendre visite. Maintenant que je t'ai retrouvé, je te jure que je ne te perdrai plus.

Il semble soulagé par mes propos et il m'attire encore une fois dans ses bras :

- D'accord, mais n'oublie pas de revenir me voir mon fils, et moi je te fais ma promesse que je te rendrais visite aussi souvent que possible.

Il s'écarte de moi et me caresse affectueusement la joue avant de m'embrasser sur le front. Il est triste de me voir partir, je le vois bien dans ses yeux, mais ma vie est sur Terre.

Il me fait un dernier câlin avant de nous laisser nous en aller. Learco nous attend à la sortie de la salle et il me regarde, arborant un large sourire :

- Alors ça y est, tu t'en vas ? demande-t-il avec tristesse.

- Oui, j'espère que maintenant tu pourras avoir une vie sans rancœur. Je sais que c'est dur mais il faut savoir pardonner tu sais, j'espère que tu y arriveras.

- J'espère aussi. Je voulais encore te remercier de m'avoir donné une autre chance. Au revoir.

Il part en courant, je crois que lui aussi est affligé de me voir partir. C'est amusant car il ne me connaît pas depuis longtemps, mais on dirait qu'il m'aime déjà beaucoup. Je vois Gabriel se renfrogner et je ne peux m'empêcher de le titiller, aussi je lui demande :

- Mon amour, serais-tu jaloux par hasard ?

- Oh que oui ! Tu es à moi ! gronde-t-il en m'embrassant fougueusement.

Je rigole avant de me mettre en marche avec lui vers le portail. Une fois devant l'immense arche de pierre blanche, j'ai un moment d'hésitation : Ai-je fait le bon choix ? Est-ce que je veux vraiment vivre sur Terre ?

Et puis je regarde Gabriel et tous mes doutes s'envolent, oui, je veux y vivre et surtout, auprès de Gabriel, parce qu'il est l'homme que j'aime, l'homme à qui j'ai donné mon cœur et je sais qu'avec lui rien ne pourra jamais m'arriver, que tout est possible et que je pourrais être heureux.

Il sent mon regard figé sur lui et il tourne la tête vers moi :

- Qu'est-ce qu'il y a chaton ? me demande-t-il.

- Je t'aime Gabriel.

Je prends sa main et nous rentrons chez nous.

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