Chapitre 1

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Dark City, la ville du mal où tout est permis.

Je regarde l'entrée, les bâtiments sont noirs et ont l'air d'être à deux doigts de s'effondrer. Cela fait maintenant une semaine que j'alterne les autostops et les bus pour traverser le pays. J'aurais sans doute pu m'arrêter dans un des nombreux petits villages que j'ai traversés pendant mon voyage mais ils étaient toujours trop proches d'EUX. Alors j'ai continué et finalement je suis arrivé ici, dans cette ville rongée par le crime. Peut-être suis-je fou de décider de m'installer dans un tel endroit. Cependant le manque d'argent et de linge propre qui se fait sentir m'a forcé dans ma décision, et puis peut-être qu'ici ils auront plus de mal à me retrouver, peut-être même qu'ils n'en seront pas capables ?

Mais à peine cette pensée a-t-elle traversé mon esprit que ce mince espoir disparaît. Je sais parfaitement bien qu'ils seront à même d'aller me chercher jusqu'au fond de l'Enfer s'il le faut.

Je soupire, cela ne sert à rien que j'y songe maintenant sinon mon moral risque de chuter et je n'ai pas envie que cela arrive.

Alors qu'il est à peine midi, j'entre donc dans la ville. Ses trottoirs recouverts de déchets, aux immeubles ressemblant à des carcasses et au ciel d'un gris sinistre. Ici le soleil n'existe pas, je le sais, je suis déjà venu il y a longtemps.

Les rues sont presque désertes et les seuls magasins ouverts sont des boutiques de vêtements et de nourriture.

Contrairement à la plupart des autres villes, Dark City n'est pas diurne, mais nocturne. C'est la nuit que son activité démarre et qu'elle dévoile tous ses visages. Malheureusement, la plupart d'entre eux sont mauvais.

Je marche un long moment dans cette cité grise, je croise peu de gens, mais c'est tant mieux: je n'ai pas vraiment envie de parler avec d'autres personnes.

Vers treize heures, je m'arrête dans un bar/restaurant qui n'a pas l'air trop louche et à peine me suis-je assis à une table qu'une serveuse s'approche de moi :

- Bonjour, voici la carte, me dit-elle avec un grand sourire.

Elle me tend une sorte de grand livre en cuir avant de repartir vers d'autres tables. Sa chevelure rousse coiffée en queue de cheval se balance doucement dans son dos.

Je consulte la carte, les feuilles de papier sont dans des pochettes plastiques pour les protéger et elles semblent plutôt en bon état, cela me rassure sur la propreté des lieux.

Mon regard s'arrête sur des lasagnes, j'adore ce plat et j'ai à peine décidé de choisir ce menu que la serveuse rousse s'approche de nouveau, un verre de vin à la main. Sans me demander mon avis, elle le pose devant moi :

- Excusez-moi, mais je n'ai pas commandé de vin, l'informé-je en haussant un sourcil.

- Je sais, mais c'est de la part du jeune homme là-bas.

Elle me désigne du doigt une table. Je tourne la tête pour découvrir la personne en question. Mon souffle se bloque dans ma gorge. Il est beau, très beau même : il ressemble à un ange. Il a des cheveux d'un blond si clair qu'ils en paraissent blancs, ses yeux, eux, sont d'un bleu profond et intense. Son regard me happe et j'ai l'impression de me noyer dans ces deux puits sans fond. J'ai la sensation qu'il peut lire en moi comme dans un livre ouvert. Sa manière de me regarder est aussi perçante qu'hypnotique.

Sa peau est pâle comme la neige, ce qui contraste fortement avec ses habits qui sont aussi noir que le pelage d'un corbeau, couleur qu'il doit beaucoup aimer car il ne porte que cela.

« L'ange » me fait un sourire et je déglutis difficilement avant de poser mes yeux sur le verre. Je sais que je devrais sans doute me sentir flatté qu'il ait l'air de me trouver à son goût, mais je ne sais pas pourquoi, mon instinct me pousse à me méfier de lui. Il exsude le danger.

Il ne faut pas que je m'approche de cet homme, cette idée est comme une évidence dans mon esprit. Je ne lui rends pas le sourire qu'il m'adresse et je saisis le verre que je redonne à la serveuse :

- Dites-lui que c'est très gentil, mais que je ne peux pas accepter.

Elle hoche la tête et repart avec, en sens inverse. J'espère qu'il va comprendre le message et qu'il ne va pas revenir à la charge.

Je soupire avant de passer la commande à une autre fille, une brune cette fois, petite et vêtue d'un jean et d'un débardeur troués. Elle est toute petite et menue et elle a l'air d'avoir du mal à tenir les deux plateaux qu'elle porte.

Elle prend rapidement ma commande avant de repartir et quand je regarde à la table du blond, je constate qu'il n'est plus là. Ai-je rêvé ? Non... Le verre qui s'y trouve m'indique qu'il était bien réel. Au moins il a compris mon message explicite.

La seconde serveuse brune arrive avec mon plat et une carafe d'eau qu'elle pose sur la table en me souhaitant bon appétit, puis s'éloigne.

Le repas a plutôt bon goût, mais j'ai tellement faim que tout pourrait me paraître mangeable, et puis la nourriture ici n'est pas connue pour être spécialement raffinée.

Je finis assez rapidement mon assiette et me lève pour aller payer à la caisse.

Un jeune homme s'y trouve, brun avec des yeux noisette, un piercing à la lèvre et à l'arcade sourcilière, il est plutôt mignon.

Pendant que je paie, je décide de l'interroger :

- Excusez-moi, je viens d'arriver en ville et je cherche un boulot, vous ne sauriez pas où je pourrais en trouver par hasard ?

Il me regarde, l'air médusé. Je sais qu'il n'est pas facile d'avoir un travail "normal" dans cette ville, mais j'ai bon espoir de pouvoir en trouver un "normal" :

- Je crois que le "Plaisir Coupable" cherche un barman, mais il n'ouvre qu'à dix-neuf heures alors tu devras attendre un peu, me répond-t-il tout en me rendant la monnaie.

Le nom de l'endroit qu'il m'indique me laisse pensif. Ce n'est qu'un boulot de barman, mais avec un nom pareil, je pense que cela ne doit pas être un simple bar. Tant pis, je ne vais pas faire le difficile pour le moment :

- D'accord, merci.

Il me salue et je sors. Il me reste quelques heures pour me trouver un appartement, cela ne devrait sans doute pas être trop dur : la population de la ville étant très changeante, les locations ont tendances à êtres vite remises sur le marché.

Je parcours donc Dark City à la recherche de mon nouveau chez moi. Je finis par en trouver un vers le centre de la ville. J'ai de la chance, le centre est une zone neutre : les gangs évitent de se faire la guerre ici alors je ne cours aucun risque de me retrouver au milieu d'un règlement de compte.

Le logement se trouve dans un des tous premiers immeubles de la ville, en brique rouge. Il doit y avoir au moins cinq étages, mais l'ascenseur ne marche pas, tant pis !

Le concierge, qui est aussi le propriétaire de l'immeuble, est un homme entre deux âges, petit et gros, le crâne rasé, une barbe de trois jours. Son gros ventre dépasse de son tee-shirt sale et il sent l'alcool à plein nez :

- Alors comme ça tu veux l'appartement du deuxième ? T'as assez d'argent au moins ? J'en ai marre de ces gens qui se pointent sans pouvoir payer ! râle-t-il avec une haleine qui empeste le rhum et la vodka.

Sa voix est assez rauque et pâteuse, je ne l'aime pas, mais je n'en montre rien et je me contente d'afficher un sourire de façade. Après tout j'ai besoin d'un logement :

- Oui, ne vous en faites pas, je vais bientôt trouver un travail, et j'ai de quoi payer au moins un mois de loyer.

Il me regarde de la tête aux pieds. Je dois lui paraître assez honnête car il finit par disparaître dans la salle à l'arrière pour revenir muni d'un trousseau supportant deux clés :

-La ronde, c'est celle de ton appartement et la carrée, celle de la porte d'entrée de l'immeuble, et je veux que tu me paies le mois maintenant.

J'opine de la tête et lui donne l'argent sans faire d'histoires. En retour, il me confie les clés. Maintenant c'est clair, je suis à sec. Je dois trouver du travail. J'espère vraiment qu'ils cherchent un barman, au "Plaisir Coupable", car même si le nom ne me dit rien de bon, ce job fera l'affaire.

Je soupire en montant les marches, jusqu'au deuxième étage, la fatigue de cette journée se fait sentir. Une fois arrivé devant la porte en bois possédant le chiffre 8 en fer accroché dessus, j'entre pour faire connaissance avec mon nouveau chez-moi.

C'est plutôt grand pour une habitation du centre-ville. L'entrée donne sur un petit salon aux murs beiges, avec un canapé brun au milieu, une table basse en bois se trouvant elle-même devant une petite commode sur laquelle trône une télévision.

Il y a une petite bibliothèque contre le mur du fond et en face, puis la cuisine.

Je m'y dirige. Elle est de taille moyenne et possède tout ce qu'il faut pour se préparer des repas, ainsi qu'une table à manger. Les murs sont en faïence blanche.

La cuisinière et le plan de travail prennent beaucoup de place et un réfrigérateur est encastré entre le mur et le plan de travail.

Je retourne dans le salon pour me diriger vers la chambre qui se situe à côté de la porte d'entrée.

Un lit deux places occupe le mur de droite, près d'une fenêtre protégée par une grille comme toutes les fenêtres de cet appartement. Le propriétaire a dû les installer pour éviter les effractions, signe évident du peu de sûreté de cette ville !

Une petite lampe est posée sur la table de chevet et une grande armoire fait face au lit.

Près de la petite commode, sur le mur de gauche, une porte s'ouvre sur la salle de bain. Les murs comme le sol sont recouverts de carrelage bleu et blanc. La douche/baignoire et les toilettes sont séparées par un porte-serviettes. Enfin, au-dessus du lavabo, trône un miroir ovale.

Près de la porte, un grand miroir occupe une bonne partie du mur. D'ailleurs, il est à l'identique de celui se trouvant sur l'armoire dans ma chambre.

Cette salle de bain aurait pu être jolie s'il n'y avait pas cet horrible rideau de douche recouvert de poissons bleus !

Je souffle, découragé. Tous les murs de ce logement sont beiges... C'est désespérant et triste mais voilà, ce sera mon nouveau chez moi. Je lance mon sac sur le lit et l'ouvre afin d'en extraire mon linge sale. J'ai repéré une autre porte en face de ma chambre, sans doute y trouverai-je une machine à laver et un sèche-linge ?

Quand j'ouvre la porte en bois clair, je souris, satisfait. Ainsi je ne me suis pas trompé. La pièce est toute petite, mais assez grande pour laver le linge. Je m'empresse donc de faire tourner une machine. Je dois bien avouer que je n'ai presque plus rien de propre à me mettre sur le dos.

Il est temps, à présent, de prendre une douche. J'aime sentir l'eau chaude sur mon corps, cela m'aide à me détendre. Il est pourtant de notoriété publique que les félins détestent l'eau et bien... Pas moi ! J'adore.

Je reste un long moment sous ce flot chaud pour profiter ainsi de ces massages bienfaisants. Même si j'aurais aimé y rester plus longtemps, je finis par sortir, et me sèche rapidement avec l'une de serviettes mises à ma disposition.

Je m'habille avec les derniers vêtements propres disponibles, à savoir : un tee-shirt mauve, un jean et je complète ma tenue par une veste en cuir et des baskets.

Devant le miroir, je m'examine : mes cheveux noir corbeau sont un peu en bataille, cela me va bien, mes yeux mauves sont soulignés par de légers cernes, mais une bonne nuit de sommeil et ce sera réglé. Ma peau mate met parfaitement en valeur mes yeux.

Contrairement aux autres hommes, j'ai toujours eu un physique fin et androgyne, et malgré mes vingt ans, je ne suis pas très musclé. Si je le voulais je pourrais facilement me faire passer pour une fille.

Je passe mes mains dans mes cheveux raides pour y mettre un peu d'ordre et une fois que j'ai l'air plus présentable, je souris instantanément, me trouvant beaucoup plus mignon qu'avant la douche.

Je regarde l'heure, il est dix-huit heures trente, c'est bon, je suis à l'heure. Le temps que je trouve où se situe le "Plaisir Coupable", il sera sans doute déjà ouvert.

Je quitte l'immeuble pendant que la nuit tombe lentement.

J'avance dans les rues froides, l'hiver est là depuis décembre maintenant et nous sommes fin janvier, le froid a eu le temps de bien s'incruster dans l'air. Je frissonne un peu sous ma veste, j'aurais dû en mettre une plus chaude, mais il ne me reste plus que celle-ci de présentable et propre. Bah, je vais m'y faire.

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