Chapitre 2

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Les bars et les restaurants ferment pour laisser place aux clubs de strip-tease et aux boîtes de nuits. Les prostituées commencent à arpenter les trottoirs en quête de clients et je sais que bientôt je risque de voir des personnes complètements droguées, ou encore d'assister à des bagarres. Cette ville est celle du Mal, tout y est permis et tuer une personne en public n'est même pas sanctionné, sauf si celle-ci appartient à un gang. De toute manière, il n'y a pas de police à Dark City.

Je me mets donc à la recherche du probable pub où je vais travailler. Enfin dans lequel je vais essayer d'avoir un travail. Je marche un peu dans la ville sans vraiment savoir où je vais, mais avec l'espoir que je tomberais peut-être sur le lieu que je cherche... Malheureusement, ce n'est pas le cas et je me résous à demander mon chemin à un jeune homme, à peine plus vieux que moi avec des cheveux d'un roux intense, des yeux vert lumineux et une peau très pâle.

Je devine aisément à sa façon de s'habiller qu'il fait le même métier que je faisais avant d'arriver ici dans cette ville et quand je m'approche de lui, il hausse un sourcil avant de me faire son plus beau sourire. Il pense sans doute que je représente un client potentiel et avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit, je décide de prendre les devants :

- Je ne suis pas venu pour ça, je cherche le "Plaisir Coupable". Est-ce que tu sais où il se trouve ? demandé-je de but en blanc.

Son sourire s'efface en entendant ce que je viens de dire et je crois lire un peu de déception dans ses yeux. Je pense que je lui plais, mais je ne suis pas là pour jouer avec lui :

- Le "Plaisir Coupable" hein ? Je ne sais pas pourquoi tu veux t'y rendre, mais je te préviens tout de suite, c'est pas un endroit recommandé pour les âmes sensibles.

- Ça tombe plutôt bien parce que je ne suis pas une âme sensible.

Il me regarde avec un air étonné, je sais que j'ai l'air fragile et sans défense, mais ce n'est absolument pas le cas et puis il n'a pas l'air plus costaud que moi :

- Si tu le dis ! Il suffit de descendre la rue, ensuite tu tournes à droite et tu vas tout au fond, tu vas vite reconnaître, ne t'en fais pas.

- Je vois, merci.

Je tourne les talons, suivant sagement les indications qu'il m'a fournies. La rue devient de plus en plus sombre et comme il me l'a indiqué je tourne à droite, ce qui me fait entrer dans une ruelle encore plus sombre que la rue que je viens de parcourir. Mais très franchement, la pénombre ne me pose aucun problème, comme tous ceux de mon espèce, j'y vois aussi parfaitement bien qu'en plein jour, ce qui est plutôt pratique car je n'ai jamais eu à avoir peur du noir.

Je m'avance tout au fond de la ruelle et là, je débouche sur une autre rue, plutôt large avec des bâtiments éclairés partout, sur toute la longueur et le nom de la plupart d'entre eux sont illuminés avec des néons multicolores.

Il y a du monde dans cette rue, des gens de toutes sortes, enfin, surtout des prostitués mais aussi beaucoup d'autres personnes et partout où mon oreille se porte, je peux entendre parler Italien. Je connais très bien les accents de cette langue car j'avais un client Italien que je voyais très régulièrement.

Je regarde autour de moi et une enseigne en néon rouge-sang attire bien vite mon attention, portant une inscription "Plaisir Coupable".

De l'extérieur, l'endroit a l'air plutôt... normal, les murs sont peints en rouge sombre, histoire de s'accorder avec le tube de néon. Il y a une porte en fer ouverte gardée par un videur en costume cravate, arborant une coupe de militaire autour d'un visage carré et dur. Il n'a vraiment pas l'air sympathique et je n'ai pas très envie de me retrouver en conflit avec lui.

Arrivé devant l'entrée, le vigile qui me reluque de la tête aux pieds avec son regard gris et froid vers moi, j'essaie de ne pas me laisser démonter, aussi je le regarde droit dans les yeux. Mon attitude n'est pas hostile mais ferme. Je n'ai juste pas envie de le provoquer.

Je dois avoir l'air assez clean parce qu'il ne bronche pas quand je pénètre dans le bâtiment. Je commence par longer un couloir aux murs aussi rouges que ceux de dehors et je finis par déboucher dans une grande salle, avec des tables entourées de banquettes. Au centre de la pièce, il y a une scène sur laquelle trône une immense cage, ce qui me fait déglutir, je sais maintenant ce qu'est ce genre d'endroit et les alcôves dans les murs, rendues plus confortables avec des banquettes en cuir et des coussins, en disent long sur le genre d'activités qui se pratiquent ici. Je discerne également un bar tout au fond et je m'y dirige sans traîner, pour le moment il n'y a pas de monde, mais je sais que l'endroit va vite se remplir.

Il y a un homme derrière le comptoir. Il est grand, avec une peau claire, ce qui contraste assez avec ses cheveux et ses yeux noirs... Je ne sais pas pourquoi mais dès que je m'approche de lui, une certitude me saute au visage : ce mec n'est pas humain.

Il lève les yeux vers moi et sourit en me voyant, m'examinant minutieusement et quand je suis assez proche, il décide d'entamer la discussion :

- Bonsoir, bienvenu au "Plaisir Coupable" l'endroit où tous vos fantasmes deviendront réalités, que désirez-vous boire ? demande-t-il avec une voix ronronnante et séduisante.

Je me racle la gorge, j'ai envie de partir en courant, mais j'ai besoin d'argent et pour le moment je vais devoir me contenter de ce travail en attendant de pouvoir en trouver un autre :

- Je ne suis pas venu ici pour consommer, on m'a dit que vous cherchiez un barman, donc je postule pour l'emploi et pour rien d'autre.

J'ai parlé avec une voix assurée et qui coupait court à toutes formes de sous-entendu. Il a l'air d'être assez surpris que je ne cède pas à son charme. Je suis désolé, mais il en faut plus que cela pour me faire craquer.

- Oh, tu viens donc pour le travail de barman, tu as déjà fait cela avant ? Tu as quel âge ?

- Oui, et j'ai vingt ans.

Il me toise de la tête aux pieds, mais cette fois c'est plus pour voir si j'ai la carrure qu'il faut pour le poste et après quelques minutes, sans doute satisfait de son examen, il finit par déclarer :

- Tu m'as l'air correct. On va te prendre à l'essai pour le mois et ensuite si tu t'en sors, on t'embauchera pour de bon. Dans un premier temps, tu seras payé un peu au-dessus du salaire minimum, ça te va ?

Je hoche la tête de haut en bas, sans rien dire et il me sourit :

-C'est quoi ton petit nom chaton ? Moi c'est Alec, je suis sûr qu'on va très bien s'entendre toi et moi, lâche-t-il en se penchant un peu vers moi.

Sa façon dont ne me met pas du tout en confiance et j'ai l'impression d'être une proie devant un prédateur prêt à me sauter dessus. De plus, le fait qu'il m'ait appelé "chaton" m'intrigue et m'inquiète. Aurait-il compris ce que je suis ? Non, il ne peut quand même pas l'avoir découvert ? Même moi je ne suis pas capable de savoir ce qu'il est. Bien sûr, j'ai les moyens de savoir précisément ce qu'il est mais pour cela, je serais obligé moi aussi de me dévoiler, ce qui est pour l'heure inenvisageable. Mon dilemme vite relégué au fond de mes pensées, il enchaîne :

- Bien... J'imagine que tu as saisi ce qu'est cet endroit. Je te rassure, tu n'auras pas à coucher avec les clients, sauf si tu le veux, mais sache que ton travail consiste uniquement à préparer les boissons et rien d'autre. Cependant, si tu veux te faire plus d'argent -c'est toi qui vois- nous, nous, on te force à rien. Bref, maintenant on va passer à la visite des salles réservées au personnel, allez suis-moi, me dit-il.

Il sort de derrière le bar, se dirige vers une porte près de celui-ci et l'ouvre. Il s'engouffre dans un couloir aux murs toujours rouges et je lui emboîte le pas :

- La première porte sur ta droite est la réserve, si tu n'as plus de boisson, c'est ici que tu trouveras ce qu'il te faut, ne t'embête pas pour la gestion des stocks, je m'en charge. Ensuite, derrière la deuxième porte, ce sont les vestiaires pour les serveurs car contrairement à toi, ils doivent porter un uniforme.

Juste au moment où il me dit cela, un serveur sort de la pièce, vêtu d'une tenue en cuir qui moule parfaitement bien son corps et rien qu'en le voyant, j'ai de drôles d'idées lubrique pas très catholiques dans la tête. Je suis content de savoir que je n'aurais pas à mettre ce genre uniforme et même si c'est le genre de la maison, je n'arrive pas vraiment à m'y faire :

- Et pour finir les deux dernières portes sont les toilettes pour celle de gauche et les douches pour celle de droite. C'est à peu près tout ce que tu dois savoir, allez viens, tu vas commencer ce soir d'accord ? Si tu veux faire un tour des lieux pour t'habituer et te repérer, profite-en pendant que c'est calme, je retourne au bar.

Il tourne les talons et s'en va. C'est le moment idéal pour découvrir ce qu'il est. Je ferme les yeux pendant quelques secondes et quand je les rouvre, le monde se teinte de couleurs différentes. Je vois la véritable nature de chaque chose, rien ne peut se cacher à mon regard et quand je le pose sur le jeune homme, je me fige. Dans son dos, il y a deux grandes ailes d'ange. Mais au lieu d'être blanches et pures, elles sont noires et ténébreuses. Un ange déchu, autrement appelé Nephilim, et plutôt de haut niveau si j'en crois la taille de son aura. Une minute... s'il est aussi puissant, il est tout à fait possible qu'il sache ce que je suis !

Un frisson d'inquiétude me parcourt de la tête aux pieds et ma vision redevient normale. Je ne sais plus vraiment quoi faire ! Dois-je travailler ici malgré la présence d'un Nephilim ? Bon nos deux espèces ne sont pas ennemies, mais on m'a toujours dit de me méfier d'eux car ils sont fourbes et mal intentionnés. D'un autre côté, je n'ai pas trop le choix, ce boulot j'en ai besoin et si je dois travailler avec un ange déchu pour cela, je le ferais sans problème ! Même si je ne suis pas vraiment rassuré.

Je ne prends finalement pas le temps de visiter les locaux, je n'ai aucune raison de le faire et je vais sagement rejoindre mon tuteur derrière le bar :

- Dis-moi, à quoi sert l'étage ? demandé-je avec curiosité.

Je lui montre des escaliers près du bar et il me fait un sourire qui me dit que la réponse semble très évidente dans un endroit comme celui-ci :

- Certains clients préfèrent être dans une chambre pour copuler, ils aiment être dans l'intimité. Si tu veux je peux te les faire visiter répondit-il avec une lueur machiavélique dans les yeux.

Je déglutis et recule tandis que lui s'approche de moi. La façon dont il le dit m'indique qu'il ne me fera pas qu'une simple visite, mais qu'il va sans doute essayer de se servir d'un lit avec moi et très franchement, ça ne me tente vraiment pas du tout :

- Non merci, je n'ai pas très envie.

Il fait une moue boudeuse et se recule, reprenant le verre qu'il était en train d'essuyer.

- Dommage.

Je soupire de soulagement en voyant qu'il ne compte pas insister et je me mets au travail car des "clients" commencent à arriver.

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