Quelle douce compagnie à l'école !

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Mardi, huit heures du matin.

( Je me suis encore retrouvé dans le couloir à une heure du matin, mon pyjama humide de sang. Je ne comprends pas ce qui se passe, je veux retrouver ma vie d'antan )

Tu ne peux pas, sale déchet.

(Encore cette voix, elle devient de plus en plus présente. Dimanche, je me suis dit que c'était sans doute la vue de la lame de rasoir qui m'avait mis dans cet état, maintenant je ne suis plus sûr de rien.)

Tu devrais te pendre. Il y a une ceinture dans le tiroir de la commode, regarde-bien, c'est le dernier tiroir de la rangée en partant vers la droite.

L'alarme retentit.

C'est reparti pour un tour de manège, tu aimes ça être dans le corps d'une femme, pas vraie ?

Alexandre a du mal à se lever du lit. Il a mal au crâne, à force de se faire harceler par cette voix.

La voix de son père retentit dans les escaliers : « C'est l'heure d'aller à l'école ma petite chérie !»

(Il va le dire tous les jours ce débile ?)

Les gestes d'Alexandre sont robotiques.

(enfiler l'uniforme) N'enfile rien

(pas de maquillage cette fois-ci) Scalpe-toi la face

( ça va aller) Tu n'es qu'une sombre détritus

(j'ai dit que ça allait aller ) Suicide-toi

Dix-heures du matin.

L'alarme retentit.

C'est la récréation.

Alexandre est vraiment fatigué aujourd'hui. Une boite de Xanax entière ne te ferait pas de mal.

Il entend des pleurs résonner dans la cour.

Un directeur qui s'efforce de redresser des parents acculés au sol, suppliants pour que ce soit une triste blague.

Un chuchotement,

Deux chuchotements,

Trois chuchotements,

Le flash d'un appareil photo, une caméra qui s'allume.

« Tu n’es pas au courant ? On a retrouvé le corps de Clémence dans la forêt. Oui, tu as bien entendu.... elle est morte ! »

Alexandre a soudainement envie de vomir, il court jusqu'aux toilettes les plus proches.

Il y a encore quarante-huit-heures il était homme, alors il s'est trompé.

( Même pas capable de se précipiter vers la bonne porte, quelle sombre imbécile )

Il vomit tout son petit déjeuner. La tête dans la cuvette, ses cheveux blonds trempant dans son vomi, il entend des élèves, une porte coulissante.

Une porte grinçante et des voix masculines.

Des sons si blessants qu'ils résonnent en son cœur comme un aimant.

— Tu es au courant ? Je suis sûre que c'est Clémentine qui est dans le coup.

— Arrête de dire cela, ça pourrait être n'importe qui.

— Tu sais très bien ce qu'elle a fait, Margaux qui disparaît au début de mois de septembre et maintenant Clémence.

— Thomas, il a bien disparu lui aussi pendant sa fête, dimanche soir, et pourtant on n’a encore rien dit à son sujet...

— Je te dis que c'est elle ! Tu sais bien tout ce qu'elles nous ont confié ! Cette fille je la hais. Clémentine la tueuse, voilà comment on devrait l'appeler !

— Arrête.

Alexandre sort précipitamment des toilettes. (C'est quoi cette histoire, bon sang ?!)

Il demande des explications.

Deux adolescents qui se regardent,

Clin d’œil malicieux,

Alexandre n'a pas le temps de les voir venir,

Que le voilà roué de coups.

Une alarme qui retentit,

Un temps passablement long,

Deux adolescents le frappant au visage,

Profitant de son évanouissement, ils lui arrachent ses vêtements.

Ils retirent leur ceinture dorée,

Brandissent le mât du malin,

Ils la redressent.

L'un est derrière elle, l'autre devant.

(Oh, mon cher Alexandre, je t'avais bien dit qu'il aurait mieux fallu que tu te pendes.)

Dix-huit heures.

Alexandre est resté allongé sur ce carrelage froid toute la journée.

Les yeux dans le vide, la culotte abaissée.

Des taches de sperme partout sur son corps.

( Je ne suis pas sûr de pouvoir me relever ) (alors, reste ici, personne ne viendra te chercher )

Alexandre est fort, vous savez.

Il se relève, certes, difficilement.

Il remet sa culotte, allume un robinet,

Il masse son visage avec un bout de papier humide,

Il masse, encore et encore.

Ce sang part si difficilement.

Des boursouflures sur son visage, dans le lavabo une dent recrachée,

Une matière sanguinolente coulant entre ses cuisses, il marche difficilement.

Alors pour oublier la douleur, il compte ses pas.

Un, deux, trois.

Quatre, cinq, six,

Sept, huit, neuf ...

...

...

...

...

Trois-mille-huit-cent-quatre-vingt-un...

Trois-mille-huit-cent-quatre-vingt-deux...

Trois-mille-huit-cent-quatre-vingt-deux...

( tu l'as déjà compté, Alexandre ) ( Ah.. )

Trois-mille-huit-cent-quatre-vingt-trois...

...

Il est vingt heures.

Les yeux dans le vide, il fixe le plafond de cette chambre.

Une chambre au paraître si girly que cela en devient oppressant.

D'une main faible, il prend le journal intime et il lit.

Il lit les dernières pages, celles qu'il n'a pas eu le courage de lire après être tombé.

09/11/2020

Je suis désolée, Margaux.

Je suis désolée, petite tortue à Margaux.

10/11/2020

Je suis désolée, Clémence.

Je suis désolée, petit teckel qui traînait près de ma maison.

11/11/2020

Je suis désolée, Thomas.

Je suis désolée aussi pour ton chat.

12/11/2020

Je suis désolée, Mateo

13/11/2020

Je vous aime tellement, si vous saviez.

Pas vrai, mon cher journal ?

Il y a un secret que je n'ai dit à personne encore.

Alexandre, toi qui me lis, toi qui devais être ma seconde victime, tu sais celle qui va de paire avec le premier.

Je m'excuse encore, normalement ma seconde victime est d'ordinaire des animaux de compagnie.

Tu étais là, assis, près du bar. Avec ton petit air de cocker, je ne pouvais pas résister tu me comprends ? ( Tu comprends ? )

Je vais te faire une faveur néanmoins, prends donc ce stylo à l'encre invisible sur la table de nuit.

( Oui, celui que tu n'as jamais remarqué ) (prends-le) ( allez, prends-le Alexandre. Tu n’es quand même pas autant une poule mouillée ) ( je te pensais plus fort que ça ) ( que dirait ton père devant ta faiblesse s'il était encore là ? )

Un regard livide, des larmes coulant le long de ses joues.

Des larmes qui ne s'arrêtent pas.

Des gouttes d'eau ruisselant sur ce parquet vitrifié,

Il prend le stylo à l'encre invisible.

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