Chapitre 30

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Paris, mercredi 28 mai 2025

Jour J, 19h45

Nathan courait aussi vite que le permettaient ses jambes. Il bondissait entre les flaques d’eau, dérapait au détour des rues, chutait sur les pavés détrempés, se relevait sans délai et reprenait sa folle échappée à travers Paris.

Les deux chiens de garde derrière lui en faisaient tout autant. Si le grand frère au tee-shirt rouge et à la carrure massive éprouvait des difficultés à pister Nathan, son camarade à la silhouette plus athlétique le talonnait de près. Ce n’était qu’une question de secondes avant qu’ils ne capturent leur proie. Et lorsque ce serait fait, ils lui feraient chèrement payer tout le mal fait à Maxime.

Nathan n’en pouvait plus. L’adrénaline avait un temps masqué l’engourdissement de ses membres consécutif à la dose massive d’anesthésiant qu’il avait reçue. Mais les crampes avaient fini par se réveiller et devenaient maintenant de plus en plus insoutenables. A chaque pas, chaque bond, chaque dérapage plus ou moins contrôlé, ses muscles s’étiraient et se contractaient en une douleur croissante. Il le savait, bientôt il ne pourrait plus courir. Ce qui équivalait, à la vue des deux molosses enragés lancés à ses trousses, à un arrêt de mort.

Le grand frère de Maxime n’en pouvait plus. Sans cette rage qui l’animait de l’intérieur, il aurait abandonné la traque depuis bien longtemps. Mais il ne le pouvait pas, il se devait de venger son frère et d’attraper cette vermine qui cherchait à lui échapper. Son camarade Antoine se trouvait dans de meilleures dispositions. Mieux entraîné et plus endurant, il n’avait que peu de peine à suivre le rythme imposé par le lièvre qui détalait devant eux. Certes, ce dernier fendait l’air à une vitesse impressionnante et réussissait à maintenir une distance respectable entre ses poursuivants et lui. Mais Antoine en était persuadé, cela ne durerait pas et la fragile créature allait finir par céder de plus en plus de terrain. Alors elle tomberait entre leurs griffes.

Les rues et les kilomètres défilaient, toujours les mêmes. Une clameur populaire se faisait entendre au loin, toujours plus grondante et menaçante. Mais elle venait de la périphérie de la ville. Le centre-ville, lui, restait désespérément vide. La respiration de Nathan devenait chaque fois plus douloureuse. Les goulées d’air qu’il avalait ne suffisaient plus à alimenter la machine et celle-ci se grippait chaque seconde un peu plus.

Presque. Ils y étaient presque. Le gibier montrait maintenant d’inquiétants signes de faiblesse. Si le grand frère avait laissé filer sa proie plusieurs dizaines de mètres devant lui, son acolyte n’était plus qu’à une ou deux foulées. Il n’y avait plus de doute possible : ils lui tomberaient tous les deux dessus avant la fin de cette longue artère.

L’unique chance de survie de Nathan venait de lui passer sous les yeux. C’était une porte d’immeuble restée entrouverte. S’abriter derrière était pour lui le seul moyen d’éviter de finir en charpie. Mais il venait de la laisser passer. Devant lui ne demeuraient plus que des portes closes. Et derrière se tenaient deux cerbères prêts à le déchiqueter. Alors il se stoppa net à la faveur d’une anfractuosité du goudron. Son assaillant le plus proche, surpris, dérapa sur une plaque d’égout et Nathan s’inclina pour le laisser le dépasser. Puis Nathan reprit sa course en sens inverse. Il fonçait à présent sur le grand frère. Quant au troisième protagoniste de cette chasse à courre, il avait déjà fait demi-tour et reprenait sa traque. Nathan se trouvait maintenant entre ses deux assaillants, prêts à le prendre en étau. Mais il bifurqua à la dernière seconde et plongea épaule la première dans l’immeuble à la porte laissée entrouverte. Celle-ci vola en éclats et il se précipita dans les escaliers, ses deux assaillants toujours aux trousses.

Nathan avalait les marches et les étages sans jamais se laisser rattraper. Il tenait là sa dernière chance de leur échapper et devait tout faire pour la saisir. Peu importe les crampes qui déchiraient ses mollets, peu importe l’étau qui comprimait sa poitrine, peu importe la douleur qui emballait son cœur, il fallait pousser la machinerie au maximum de ses capacités. Il mourrait dans deux heures, pas avant.

Le sixième et dernier étage de l’immeuble haussmannien ressemblait à une souricière. Trois portes closes et aucune fenêtre à portée de main. Sans réfléchir plus d’une seconde, Nathan jeta toutes ses forces contre l’une des portes, laquelle capitula sans condition. Il s’engouffra immédiatement à l’intérieur.

Il eut à peine le temps de se jeter dans la cuisine que déjà son premier assaillant pénétrait dans la pièce principale. Il ferma la porte, mais celle-ci ne possédait aucune serrure, aucun loquet susceptible de retenir quelqu'un bien longtemps. On essaya d’entrer mais Nathan bloquait la porte de tout son poids. Alors le garçon au maillot de foot se jeta contre cette dernière. Nathan résista une première fois. Puis une deuxième. Il savait que son assaillant serait très bientôt rejoint par son acolyte tout en muscle et qu’il ne pourrait alors plus résister.

Désespéré, il attrapa la table de la cuisine d’une main et la balança contre la porte. C’était une table de taille moyenne et très légère. Elle n’empêcha pas le moins du monde son assaillant de rentrer, mais le gêna suffisamment longtemps, deux secondes, peut-être trois, pour que Nathan ait le temps d’atteindre la fenêtre et de l’ouvrir.

L’instant d’après, il basculait dans le vide.

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