Chapitre 15

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Paris, mercredi 28 mai 2025

Jour J, 12h55

La pluie cessait peu à peu. Nathan venait d’arriver au Trocadéro. Il était maintenant à mi-chemin de l’île de la Cité où se trouvait Chloé.

Les jardins du Trocadéro, encore gorgés d’eau, déversaient leur trop plein vers la Seine en contrebas. De l’autre côté du fleuve agité, la tour Eiffel se confondait avec la grisaille du ciel. Telle une vieille dame se sachant au crépuscule de sa vie, elle embrassait d’un dernier regard navré ses fils et ses filles. Ceux-là même qui s’étaient jadis émerveillés devant sa silhouette étincelante, ceux-là même qui avaient autrefois admiré le souffle épique de cette pointe lancée droit vers le ciel, ceux-là étaient aujourd’hui confrontés à la pâle déliquescence de ce symbole de la France.

Au sol, seul le clapotement de l’eau sous les pas de Nathan rompait le silence de mort de cet après-midi de mai. Il s’arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle et posa son regard sur la dame de fer. A l’heure qu’il est, Charles et les autres devaient déjà se trouver à l’intérieur. Il aurait aimé les rejoindre, leur venir en aide. Mais il savait que ce n’était pas possible, qu’il fallait faire un choix : Chloé ou l’honneur de la France. Il tourna le dos à la tour Eiffel pour ne plus y penser. Face à lui, se dressait maintenant le palais de Chaillot. Monumental bâtiment en forme d’arc de cercle, il surplombait les jardins du Trocadéro et faisait face à la tour Eiffel. Nathan n’avait jamais été conquis par le mélange de style néo-classique et Art déco du palais. Pour cette raison, il ne s’était jamais attardé sur celui-ci. Tout juste son parvis était-il bon à fournir aux touristes l’un des plus beaux points de vue sur la tour.

Ce n’est qu’en l’examinant de plus près qu'il remarqua un détail qui lui avait échappé jusque-là. L’absence de soleil n’y était pas pour rien. D’ordinaire reflet du tout Paris, les vitrages du palais se faisaient aujourd’hui transparents. Et le pavillon de gauche laissait maintenant entrevoir une bien étrange machine, une machine qui retint toute l’attention de Nathan.

Il se rapprocha du palais pour en avoir le cœur net, mais plus il avançait du pavillon, et plus l’appréhension qu’il éprouvait se faisait grande.

Arrivé au pied du pavillon, la machine qui se dressait sous ses yeux confirma ses craintes. Des engins pareils, semblables à une colonne de trois mètres de haut et entourée d’yeux robotisés, il en avait déjà vu plusieurs. Quatre exactement. Chacun disposé à un pied de la tour Eiffel. On lui avait parfaitement expliqué le fonctionnement de cet appareil : la sentinelle SGR-A5, système de détection de mouvements automatisé, avait pour mission la surveillance de zones sensibles. Capable de détecter, de jour comme de nuit, l’entrée d’une personne dans un rayon d’un kilomètre et de suivre plusieurs individus en mouvement simultanément, la sentinelle SGR-A5 était le système le plus perfectionné de détection d’intrusion. Mais la « colonne d’Argos » comme on l’avait surnommée, parce qu’elle voyait tout, n’était pas infaillible. L’opération Durandal prévoyait de mettre hors service les quatre colonnes au pied de la tour Eiffel avant de s’y introduire. Le problème, c’est que nul n’avait eu vent de cette cinquième colonne. Et elle risquait aujourd’hui de compromettre toute l’opération en avertissant l’armée américaine de l’intrusion d’un groupe de résistants à l’intérieur de la tour.

Nathan resta quelques secondes sans savoir quoi faire. S’il n’était peut-être pas encore trop tard, il fallait réagir rapidement. Mais il n’avait aucun moyen de prévenir Charles. Il était seul sur ce coup.

La colonne était située à l’étage du pavillon, à environ huit mètres du sol. Nathan chercha un moyen de pénétrer à l’intérieur. Il tenta de briser une vitre du rez-de-chaussée, mais celles-ci étaient renforcées. Une pierre qui se trouvait près de là ne fut pas d’une plus grande aide. Il fallait trouver un autre moyen. Peut-être l’étroite porte de service métallique sur le côté. Nathan attrapa la poignée et tira de toutes ses forces. Il se jeta contre elle à plusieurs reprises, hurlant de douleur à chaque fois que son épaule entrait en contact avec l’abrupt métal. Mais non, il n’y avait rien à faire, cette entrée-là aussi était impénétrable.

Nathan passa ses mains derrière sa tête, agrippant ses cheveux de découragement. Il devait trouver une solution rapidement, sans céder à la panique. Il ferma les yeux un instant, inspira profondément et récapitula : une machine de détection des mouvements sur le point de compromettre l’opération de la dernière chance, un pavillon hermétiquement clos, une vitre renforcée et une porte métallique verrouillée. De l’autre côté, un homme armé d’une pierre, d’une épaule endolorie, de chaussures trempées d’eau de pluie, d’un œil énucléé dans une boîte en plastique, d’un pendentif en forme de croix orthodoxe autour du cou et d’une petite quantité d’explosifs dans la poche gauche de son jean. Des explosifs ! Comment avait-il fait pour ne pas y penser plus tôt ?! Mais s’il les utilisait maintenant, il lui faudrait, le moment venu, trouver un autre moyen de s’introduire dans le QG américain. Il hésita quelques secondes, pensa à Chloé retenue là-bas et à ses camarades en danger ici ; et fit le choix de l’immédiat.

Nathan plaça la charge explosive sur la serrure de la porte métallique et arma le détonateur. L’instant d’après, une déflagration faisait sauter la serrure dans une immense gerbe de flammes orangées.

Nathan s’approcha de la porte. Celle-ci n’était plus qu’un amas torturé de métal rougi. Il poussa la porte du pied et, alors qu’il s’apprêtait à rentrer à l’intérieur du pavillon, entendit un craquement derrière lui. Il n’eut pas le temps de se retourner qu’une vive douleur s’insinua au niveau de sa nuque. Ses membres s’engourdirent aussitôt, sa vue se brouilla à la périphérie, la porte s’éloigna peu à peu et un voile noir tomba sur ses yeux.

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